Polyphonie de la Renaissance
POLYPHONIES DE LA RENAISSANCE(JOSQUIN, JANEQUIN, PASSEREAU, LASSUS)
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ELEMENTS DE COURS SUR LA CHANSON POLYPHONIQUE
AU XVe SIÈCLE
AU XVe SIÈCLE
Principaux compositeurs: Guillaume Dufay (1400-74) - Johannes Ockeghem (1410-97) - Josquin Despres (v.1450-1521) - Clément Janequin (v.1485 - après 1560) - Passereau (XVIe) - Orlando di Lasso dit de Lassus (1532-94)
Introduction
La Renaissance en musique concerne la période des XVe et XVIe. Retour aux valeurs de l'antiquité, importance de l'italie (surtout dans les arts visuels, invention de la perspective, etc...mais surtout, la musique cesse d'être spéculative:
* Abandon des consonances soit disant parfaites de 4tes et 5tes.
* Adoption progressive de l'accord parfait
* Egalité de traitement des voix (plus de teneur) dans leur registre
* Apparition du thème qui circule à toutes les voix: donc plaisir de l'oreille
* Abandon des rythmes complexes (parfait ternaire imparfait binaire) de la fin du XIVe au profit de
rythmes simples, facilement décelables à l'oreille
* Goût prononcé pour le profane (d'où le succès de ces chansons, genre non religieux)
L'Agneau mystique (Van Eyck 1390-1441, détail)
I - JOSQUIN DESPRES ET LA CHANSON POLYPHONIQUE FRANCO-FLAMANDE
1459 à 1472 à Milan
A partir de 1479 jusqu'en 1494 à Rome
1507 Retour à St Quentin jusqu'à sa mort
18 Messes 109 Motets essentiel de son oeuvre religieuse
75 chansons polyphoniques à 4, 5 ou 6 parties
Josquin Despres
Aux XVe et XVIe la polyphonie flamande exerce une influence sur toute l'Europe. Cambrai, Liège, Tournai, Anvers. Époque et endroit du gothique flamboyant.
L'égalité des voix par l'imitation. "Le procédé implique que l'une des voix imite l'autre lors de la présentation d'une même donnée mélodique". Contrepoint. Canon en imitation stricte. Selon André Pirro (musicologue), il suffirait d'étudier Josquin pour connaître la musique de son temps sous la forme la plus achevée. Sans créer de nouvelles formes, l'écriture à 4 voix lui permet de réaliser des jeux de symétrie entre les 2 voix aiguës et les 2 voix graves", mais on peut alterner les passages en imitation et les passage en homophonie.
Déploration sur la mort d'Ockeghem
Il est de tradition de rendre hommage aux maîtres disparus: Ockeghem avait de même lors de la mort de Busnois en 1460. Cette déploration date du 6 février 1497.
2 parties:
A) jusqu'à mes 110 (attention au terme "mesure" !). Echo à l'écriture ancienne teneur+reste des voix (homage à Ockeghem). Texte français plus teneur en latin. 2 textes co-existants: un français, et l'autre étant celui de la messe des défunts (traduire sommairement). La teneur est issue d'une mélodie grégorienne (p.19) HORIZONTALE
B) 111 à fin
a) 111 à 142 (dire plutôt les bornes et les repères en texte). Plus de teneur, écriture quasi
"accordique": on doit bien comprendre le nom de tous ceux qui le déplorent. Écriture verticale.
b) 143 à fin: Ecriture verticale puis horizontale sur "Amen"
Pièce plaintive, douloureuse, déploration funéraire. Anecdote sur le noircissement des notes dans une période (2e moitié du XVe) où l'on n'écrivait plus qu'en notation blanche.
Mille Regrets
"Toute l'oeuvre vise à créer une atmosphère de tristesse permanente qu'aucun élément ne vient perturber" I.Bossuyt. Le thème des regretz est en vogue au XVIe
Noyau mélodique descendant la sol fa mi (ici si la sol fa#): atmosphère mélancolique.
Illustration musicale d'une séparation amoureuse
Homophonie malgré quelques imitations courtes
Texte de Jean Lemaire de Belges (1473- vers 1525)
Décasyllabes 4+6 syllabes: les césures coïncident avec les fins de phrases musicales
Rares sont les passages où les 4 voix se font entendre simultanément
II - CLEMENT JANEQUIN, PIERRE PASSEREAU ET LA CHANSON POLYPHONIQUE PARISIENNE
Dans les années 1520, un nouveau type de chansons apparaît à Paris, principalement publiées par Pierre Attaingnant, imprimeur officiel du Roi de France François Ier (règne 1515 à 1547, encouragement des arts, artistes venus d'Italie, etc...). PA publie environ 1500 chansons dites "parisiennes".
On distingue 3 styles de chansons selon leur sujet littéraire
1) L'amour. Courtois, érotique, plaintives, humoristiques, paillardes...
2) Chansons galantes de cour: toujours l'amour, à la sauce aristocrate: amour platonique ou
cynique (C. de Sermisy surtout)
3) les chansons dites rustiques, du répertoire populaire. Chansons à boire, à danser. Passereau
surtout
Elles ont en commun:
* D'un style léger et divertissant (contrairement à Josquin), elles sont surtout descriptives. Le texte
est la plupart du temps une description d'un état psychologique (l'amour) ou de scènes de nature
(La Chasse) ou de genre (Les Cris de Paris, Le Caquet des femmes). On peut parler de "théâtre
en miniature"
* Renforcement syllabique du texte, beaucoup moins de vocalises. Déclamation syllabique.
* Le texte dicte sa forme à la structure musicale
* Rejet de la sévérité de l'écriture contrapuntique (Contrepoint) du Nord. Simplification.
* Compositeurs les plus connus: Pierre Passereau, Pierre Certon, Claudin de
Sermisy (vers 1490-1562), Clément Janequin (né vers 1485) (bien qu'ayant été religieux, il n'a composé que très
peu de musique religieuse, mais surtout près de 250 chansons profanes à 3, 4 ou 5 voix)
A vécu à Angers et Bordeaux d'où il envoie ses chansons se faire imprimer. Il ne s'installe à Paris
qu'en 1549, à 64 ans. Janequin est connu dans toute l'Europe. La Caccia italienne de la 2e moitié
du XVe était déjà une pièce descriptive (chasse).
La guerre (Janequin)
La partition est à 4 voix mais le cd est à 5 voix.
Qu'on peut aussi trouver sous le nom La bataille de Marignan ou tout simplement Escoutez selon la manière dont on classe ces chansons. Cette chanson est déjà remarquable (on la remarque) par sa taille. Elle est plus longue que la plupart des autres. On ne connait pas l'auteur du texte. Elle commémore la victoire du roi François Ier sur les suisses alliés du Duc de Milan à Marignan en 1515, mais elle n'est publiée, à Paris, évidemment, qu'en 1528. Le musicologie Jacques Chailley insiste sur le fait que cette oeuvre est "un divertissement et non une peinture héroïque, comme on le croit parfois faute de comprendre le mot "gallois" qui ne veut pas dire "français" mais "bon vivant"".
De quatre voix à l'origine (en 1528), on trouve des éditions une 5e voix écrite par Philippe Verdelot (Anvers, 1545), c'est la version du CD du bac. Janequin écrit ensuite sa propre version à 5 voix en 1555.
La guerre adopte une construction libre, elle comporte plusieurs sections relatant les étapes de la bataille. LEUR PHOTOCOPIER LE TEXTE.
Deux grandes parties: Les préparatifs de la guerre et la guerre elle-même.
Les sous parties s'articulent de plus par l'alternance des mesures binaires et ternaires
I - Préparatifs début à page 19
1) Appel à la guerre (Exorde (?))
Mesure binaire
a) Annonce du sujet "Escoutez..." p.8 mes 1
Sonneries d'accords parfaits dans le style d'une fanfare. Entrées en imitation. L'accord parfait
se constitue au fur et à mesure. L'accord de mi arrive ensuite. Début de sentiment de
dominante.
b) Annonce du programme "Et orrez..." p.40 mes 10
Questions-réponses des voix aiguës et graves
c) Appel aux armes "Phifres soufflez..." p.11 mes 58
Et il y a toujours une voix qui a des noires, contrairement aux autres.
2) Les soldats se préparent
Mesure ternaire "Aventuriers..." p.85 p.13
On se calme, Arrivée progressive des 4 voix p.15 mes 105
3) Le roi est là aussi (fleur de Lys)
Mesure binaire "Chacun s'assaisonne..." p.16 mes 120
Mélange triolets et binaire sur "alarme"
4) Ultime stimulation des guerriers avant le départ
Mesure ternaire "Sonnez trompettes..." p.18 mes 155
Comme pour la 2) homophonie totale à la fin. Fin de la première partie.
II - La Guerre p.20 Onomatopées partout
Comme à la première partie, les changements de mesure jalonnent les différents étapes de la bataille.
1) Sonneries et trompettes. Onomatopées.
Mesure binaire "Fan, ferelerelan..." p.20 mes 1
Rythme 4 croches 2 noires. Oppositions par deux voix.
Un motif par onomatopée: Frerelan, A l'estendart, boutez selle. Tout est mélangé pour illustrer le
chaos de la bataille
2) Artillerie lourde
Mesure ternaire "Tonnez bombardes..." p.27 mes 78
3) Mélée confuse et générale
Mesure binaire "Pour secourir les compaignons..." p.28 mes 90
Et puis à 108: Patipatoc,Toc, Choc, Von, Tarirari, Ponpon...
4) Recul des forces suisses "Ils sont confus, ils sont perdus..."
Mesure ternaire "Escampe..." p.40 mes 235
Voix d'alto descendante à la fin illustrant la défaite des suisses.
5) Victoire des français
Mesure binaire "Victoire.." p.42 mes 257
Une écriture plus tranquille, reposée. La voix de l'alto descend toujours
Ralentissement. Fin de la guerre.
Importance du rythme. Homorythmie. Importance de l'accord parfait. Pas de polyphonie savante.
Harmonie ultra basique, jamais d'altération. Toujours du la majeur. Car l'importance est dans le rythme et le texte. Beaucoup de batailles à l'époque, à la mode.
Il est bel et bon (Pierre Passereau actif entre 1529 et 1547)
Peu de renseignements sur sa vie. Il compose surtout 24 chansons dites rustiques à 4 voix, publiées par Pierre Ataingnant, sa plus connue reste Il est bel et bon, publiée la première fois en 1534, elle traite de relations conjugales traitées avec humour. "Le mari naïf dont il est question ici est absent de la scène tout en étant au centre d'une discussion de deux commères" (Ed mus).
Sa structure adopte le schéma refrain couplets, il y a deux couplets.
ROLAND DE LASSUS (1532-1594)
Né à Mons en 1532, en Italie de 1544à 1554 (Milan Naples, Florence) puis revient à Anvers et parcourt l'Allemagne et les Flandres continuellement. Il meurt à Munich en 1594. Francophone à l'origine, R de L compose sur des textes italiens, français, allemands et latins.
150 chansons à 4 ou 5 voix
Donc 2e partie du XVIe. R de L est le champion de la musique de la contre-réforme.
Il vivait en plein dans les guerres de religion.
* Fusion des styles flamand, français et italien (surtout du madrigal): style européen
Flamand: contrepoint imitatif
Parisien: style plus léger
Italien: relation intense entre la musique et le texte, figuralisme important,
description poussée des états psychologiques.
description poussée des états psychologiques.
Roland de Lassus
A propos du figuralisme: il s'agit de mettre le sens du texte en relief. Dans La guerre il peut s'agir de rendre sonore le cliquetis des armes, dans la Déploration d'écrire en notation noire. Il s'agit d'arriver à une véritable peinture du texte: il s'agit d'imaginer des moyens de rendre expressif le contenu du texte.
* Soit de manière "brute" comme Janequin et ses cliquetis
* Soit d'associer un sentiment psychologique du texte à une sensation musicale équivalente: par
des effets purement musicaux: Il s'agit d'arriver à une véritable peinture du texte: "chromatismes
expressifs, silences dramatiques, effets d'échos, contrastes violents"
La Nuit froide et sombre
Le texte de la nuit froide et sombre est la seconde strophe d'une ode extraite des Vers lyriques de Joachim DuBellay. Publié en 1549 ce texte de 2 fois 6 vers est mis en musique par R de L en 1576.
Les six vers font chacun 5 syllabes. La nuit froide et sombre peut-être considérée comme un madrigal sur un texte français puisque "le musicien suit pas à pas le texte descriptif de Du Bellay, selon la technique madrigalesque (influence italienne) Ed. Mus.
Composition continue. Pas de répétition.
La première partie évoque la nuit, la deuxième le jour.
Première partie:
La nuit froide et sombre: déclamation lente, il s'agit de décrire l'obscurité et l'absence d'action
inhérente à la nuit .
La terre et les cieux: Grand ambitus pour figurer la grande distance entre la terre et les cieux.
Fait couler du ciel: écoulement des voix (voir)
Le sommeil aux yeux: étirement évocateur du sommeil
Deuxième partie:
Puis le jour suivant: le jour se lève et le mouvement s'accélère
Et d'un tein divers: écriture en bicinium
Ce grand univers: par contraste avec la nuit, la polyphonie prend une tournure rythmique très active.
Source principale: Article de Stéphane François paru dans l'Éducation Musicale (Bac 2001, supplément au n°473-474 de septembre/octobre 2000, pages 14 à 32)
CLEMENT JANEQUIN (v.1485-1558)
La Guerre (ou "La Bataille de Marignan")
1ère partie : 180 mesures
Ecrite initialement dans le ton de fa, cette chanson polyphonique à 4 voix et en 2 parties de Clément Janequin, est ici transposée en la, pour l'usage des chorales modernes (lire le texte).
Cette oeuvre était déjà célèbre en son temps, comme le rapporte Noël du Fail, contemporain de Janequin :
" ... quand l'on chantait la chanson de la guerre faite par Janequin devant ce grand François, pour la victoire qu'il avait eue sur les Suisses, il n'y avait celui qui regardât si son épée tenait au fourreau, et qui ne se haussât sur les orteils pour se rendre bragard (fier, orgueilleux) et de la riche taille... ".
L'écriture contrapuntique s'exerce dès le début dans l'appel, où le traditionnel "Oyez !" apparaît sous la forme rythmique et percutante d'un "escoutez" de 4 mesures repris en imitation à toutes les voix :
Le jeu descriptif (voir figuralisme) en écho dès la mes. 40, unit les inflexions et le sens du texte à la distribution vocale, à l'exemple des mes. 49 à 54 où ténors et basses répondent aux sopranos et altos :
Un véritable travail rythmique est opéré, mélange de mesures et de rythmes binaires et ternaires, avec pour ces derniers, des échanges entre rythmes iambiques ettrochaïques (alto et basse, mes. 142 à 150) :
L'écriture homophonique est utilisée pour appuyer (et renforcer) le texte, notamment dans les cadences, lors des dernières mesures de la 1ère partie :
La Guerre (2e partie = 287 mesures)
Dans cette partie, qui plonge véritablement l'auditeur au coeur de l'action, cris et bruits divers se mêlent au vacarme général afin de récréer de la façon la plus vivante possible la description de la bataille.
L'écriture contrapuntique s'appuie sur un texte onomatopéique, et donc plus rythmique que mélodique :
Janequin a recours aux sonneries de trompette de son temps, à l'image du "Boutez selle" du début de cette partie, cité par Marin Mersenne dans son Harmonie universelle, en 1626.
JANEQUIN (La Guerre) :
MERSENNE (Boutez selle) :
Dans l'exemple suivant le compositeur utilise à foison les consonnes fortes qu'il répète et mêle étroitement aux onomatopées. Janequin prouve ici sa maitrise technique par une savante alternance entre les passages imitatifs et homophoniques, ménageant ainsi l'attention de l'auditeur :
Cette description haletante ne prend fin que dans les 30 dernières mesures de l'oeuvre où l'ultime célébration du "noble roy Françoys" (âgé de 19 ans à l'époque de la Bataille) s'étire en valeur longues dont la conclusion est le repos sur un intervalle de quinte à vide (voir aussi la fin de la Déploration) :
Avec le Chant des Oiseaux et les Cris de Paris, La Guerre est à ranger parmi les célèbres pièces vocales descriptives.
JOSQUIN DES PRES (1440-v.1521)
Déploration sur la mort de Jean Ockeghem
Ecrite par Josquin des Prés pour célébrer la mort de son maître, Johannes Ockeghem (1410-1497) compositeur de l'école franco-flamande, cette déploration est une chanson-motet (ou motet-chanson) polyphonique à 5 voix (lire le texte).
Texte et structure
sur une élégie de Jean Molinet (1435-1507), considéré comme l'un des poètes les plus admirés de son temps.
La notation en notes noires dans toutes les sources manuscrites ou imprimées est signe de deuil (voir ci-dessous) :
Cette déploration est un exemple de l’Ars Combinatoria, où le motet-chanson, mêle l’univers courtois et ecclésiastique.
" La position fréquemment ambivalente du musicien, entre la Cour et l’Eglise, peut expliquer, en effet, cet amalgame culturel " (J.-P. Ouvrard). On trouve également, chez Josquin, dans son Stabat Mater, l’utilisation comme cantus firmus de la chanson Comme femme desconfortée de Gilles Binchois.
Requiem aeternam
Dans cette polyphonie à 5 voix, le cantus firmus confié au tenor est de circonstance ; il s’agit de l’Introït de la Messe des Morts :
A l'audition, il est assez malaisé d'identifier ce thème, et pour trois raisons :
- son écriture en valeurs longues ;
- l'interprétation à la tierce supérieure de celui fréquemment chanté en fa (avec changements d'intervalles) ;
- enfin, il apparaît "noyé" dans les 5 voix de la polyphonie.
Ambitus des voix :
La déploration sur la mort de J. Ockeghem, ultime hommage de Josquin à son maître, peut être rapprochée d'une oeuvre de ce dernier. En effet, la phrase initiale de l'oeuvre rappelle le début de la chanson au titre évocateur J'en ay deuil, d' Ockeghem.
Pour écouter et comparer les premières mesures des ces 2 oeuvres, cliquez sur les chanteurs dans le tableau ci-dessous :
Structure :
La cadence finale termine cette déploration sur un intervalle de quinte à vide [la-mi-la]. "Avant le 16e siècle, il était de règle que l'accord final ne comporte pas de tierce ; considérée comme imparfaitement consonante, elle ne pouvait pas former une conclusion parfaite. C'était encore l'avis des théoriciens du 16e s., bien que la pratique de ce temps ait admis la tierce majeure à la fin" (Honegger) :
JOSQUIN DES PRES (1440-v.1521)
Mille regretz de vous abandonner
Chanson polyphonique à 4 voix, écrite dans le mode de mi (sur fa #, voir plus bas), par Josquin des Prés, publiée par Piere Attaignant à Paris en 1533.
Cette oeuvre courte (40 mesures), a longtemps connu un grand succès, jusqu'à être transcrite pour luth dès le 16e s. Sa diffusion la fit entendre en Allemagne, en Flandre et en Espagne, et il semble qu'elle ait été une des oeuvres préférées de Charles Quint.
Le texte de cette chanson est attribué à J. Lemaire : l'hypothèse d'une confusion avec le poète Jean Lemaire de Belges, auteur possible du texte, a été avancée.
L'oeuvre est écrite sur le mode de mi. Dans cette échelle, les 1/2 tons sont placés entre les 1er et 2e degrés, 5e et 6e degrés.
Dans l'édition Salabert, la finale (fa #) est différente, mais les emplacements des 1/2 tons sont identiques :
L’ensemble de ce texte, de caractère plaintif, est composé de phrases dont les désinences sont pour la plupart descendantes. A cet effet, le compositeur utilise une technique qui s'apparente au figuralisme d'illustration.
Les débuts de phrases reprennent souvent le même rythme imposé par la prosodie (Mes. 5 et 6, 13 à 15, 28 à 30) :
Le croisement des voix est fréquent dans la musique de cette époque, à l'exemple des mes. 15 à 17 où le ténor chante au-dessus de la ligne de l'alto :
Le travail en imitation, dont l'usage est déjà très largement répandu, est présent. Notez l'effet d'écho entre les voix aiguës et graves (mes. 19 à 24) dont le lyrisme est appuyé à la fois par le texte et la mélodie descendante.
Les phrases de cette oeuvre sont pures dans leur dessin, et la polyphonie peu chargée n’est véritablement à 4 voix que dans les 7 dernières mesures du morceau (et de façon homophonique), où le texte "brief mes jours définer" est énoncé à trois reprises.
( Josquin utilise également ce procédé et brièvement dans les mes. 17 à 19 sur "J'ay si grand deuil")
L'ultime réitération des 6 dernières syllabes du quatrain fait entendre un balancement entre le 1er et le 5e degré (fa # - si), avant de conclure sur la finale fa # (accord parfait de fa # mineur) :
PIERRE PASSEREAU
(célèbre dans la 1ère moitié du XVIe siècle)
Il est bel et bon
Sur Pierre Passereau, on ne sait pratiquement rien.
Curé à Saint-Jacques-de-la-Boucherie à Paris, ses chansons ont été publiées par Pierre Attaingnant entre 1529 et 1555. Celle-ci, Il est bel et bon, a été publiée en 1534, puis en 1555 et encore en 1571. A partir de cette œuvre, de nombreuses adaptations et transcriptions pour luth et clavier ont vu le jour en Italie (lire le texte).
Écrite dans le style de Clément Janequin, cette "chanson parisienne" l’a rendu célèbre en son temps à Venise, mais aussi à travers les siècles, puisqu’elle figure encore très souvent au répertoire des chorales d’amateurs et de professionnels.
Elle est construite autour d'un refrain d'un ambitus de quinte, en notes conjointes, et repris en imitations resserrées :
Ce même procédé en imitation est opéré pour les couplets, mais avec une répartition différente. Dans les mesures 42 à 54, l'imitation est bien présente entre le soprano et l'alto puis trouve un écho exact chez les ténors et basses :
Le jeu sur les onomatopées, que l'on retrouve également chez Janequin (La Guerre), est pratiqué à loisir dans cette oeuvre. Les mesures 86 à 92 montrent bien le jeu sur la syllabe "co" (début de "coquette" ou "co...", je vous laisse le soin de terminer) répété de façon percussive et obstinée (la mélodie ici se résume à 1 ou 2 notes), et "petite coquette" en imitation serrée aux sopranos et ténors :
L'homorythmie est employée ici principalement en fin de phrase, et pour l'auditeur, elle est un moyen de repérage. Dans ce babillage ou le commérage va bon train, ce procédé d'écriture rassemble toutes les voix en bon ordre et scande les dernières mesures de la chanson :
ROLAND DE LASSUS (1532-1594)
La nuict froide et sombre
Si Josquin des Prés, Clément Janequin et Pierre Passereau se servent de certains procédés d'écriture afin de mettre en valeur le sens du texte, Roland de Lassus, influencé par le madrigal italien, généralise son emploi dans ses oeuvres, à l'image de La nuict froide et sombre, sur une ode (publiée en 1549) de Joachim du Bellay (1522-1560).
Cette chanson polyphonique à 4 voix est d'un grand raffinement expressif.
Dans la 1ère partie (La nuit), les mots "la terre et les cieux" (mes. 13 à 19) suggèrent à Lassus des sauts d'octaves (mes. 15 et 17) aux parties de basse et ténor, "adoucis" par des lignes ascendantes conjointes aux parties supérieures. Les 3 voix supérieures se rencontrent sur un accord parfait de fa majeur (mes. 19) dont l'effet quasi extatique est renforcé par l'absence de la basse.
Ce figuralisme est présent tout au long de l'oeuvre : les mesures 29 à 35 évoquent le sommeil qui envahit progressivement l'être dont les paupières qui se ferment peu à peu. Lassus distribue aux trois voix aiguës des mélodies descendantes aux intervalles conjoints dont il décale l'entrée des syllabes et allonge les valeurs. La basse observe quant à elle les mouvements d'une berceuse par des balancements d'intervalles disjoints :
Les jeux en imitations resserrées sont présents, liés au sens du texte par des mouvements conjoints et montant dans l'aigu sur le mot "ciel" :
La 2e partie (Le jour) est d'une plus grande mobilité contrapuntique : l'aigu de la tessiture des voix (soprano, mes. 57 à 60 est davantage sollicité et le compositeur se sert d'imitations plus souples et variées ; ainsi le derniers vers "Tapisse et compose", conclue la chanson en 5 expositions différentes (l'exemple suivant montre la 1ère) :