La basse électrique


Les débuts

Dans la seconde moitié des années 40 naissent les premiers orchestres de rock and roll, issus du jazz. Les contrebassistes de ces orchestres ont beau faire : leur instrument est couvert par la batterie et on a de plus en plus de mal à les entendre. Quelques essais d'amplification sont faits, mais les micros de l'époque sont de si mauvaise qualité que le son restitué ressemble davantage aux douces vibrations d'une machine-outil qu'à celles d'un instrument de musique. Qui plus est, les contrebassistes déplorent l'encombrement de leur instrument...

Années 50

Un luthier, Leo Fender, conçoit un hybride qui tient à la fois de la guitare électrique par sa forme et de la contrebasse par le nombre de ses cordes et la façon dont elles sont accor­dées. Ainsi naît en 1951 la première basse électrique commercialisée sous le nom de precision bass. Techniquement, l'instrument est composé d'une planche de bois massif qui sert de corps ; d'un manche pourvu de barrettes (à l'instar de la guitare) qui est fixé au corps par quatre vis ; les cordes, au nombre de quatre (sol, ré, la, mi de l'aigu au grave), sont tendues entre un cordier, chevalet de métal situé à la base du corps, et quatre mécaniques en os incrustées au sommet du manche et pourvues de quatre rainures ; un micro magnétique maintenu sur le corps capte les vibrations des cordes ; un réglage de volume et un réglage de tonalité par deux boutons indépendants fixés sur l'instrument complètent l'ensemble ; le tout est relié à un système d'amplification séparé par un fil qui se branche sur la basse par l'intermédiaire d'un jack. La conception technique de cet instrument était tout à fait remarquable et, mis à part quelques petites améliorations, on peut considérer que la precision bass sert encore de modèle de référence quelque quarante ans plus tard.

L'un des premiers à l'utiliser est Monk Montgomery, aux côtés de son frère Wes ou de Lionel Hampton. Les orchestres de musique populaire, Louis Prima, Gene Vincent, comprennent rapidement l'intérêt de cet instrument plus facile à transporter et à faire sonner.


Le phénomène prend entre 1952 et 1960 une ampleur considérable ; de nouveaux modèles sont créés ; la plupart des bassistes des groupes de rock ou de soul music font l'acquisition d'une basse électrique. Dans les séances d'enregistrement, on commence à doubler la contrebasse avec une basse électrique (en réalité, il s'agit plutôt ici d'une guitare basse, réplique de la guitare électrique, accordée une octave plus bas et jouée la plupart du temps par un guitariste).


Années 60

Avec l'apparition de la pop music dans les années 60, la basse électrique connaît un nouveau développement. Paul McCart­ney des Beatles et Tim Bogert du Vanilla Fudge tirent un parti mélodique des lignes de basse qui, jusqu'à eux, étaient confinées à un rôle purement rythmique ; tandis que, dans le domaine de la soul music et du funk, Chuck Rainey ou Carol Kaye (dans I Was Made Ta Love Her de Stevie Wonder en 1967) donnent au soutien rythmique une allure très élaborée.



Années 70

Dans les années 70, d'une part, le rock évolue et tend à dépasser ses aspects simplistes et, d'autre part, le jazz se préoccupe d'effets et de sons pouvant séduire un plus vaste public : les deux courants vont se confondre en donnant le jazz-rock - où la basse électrique tient une place essentielle. L'évolution des modes de reproduction du son permet aussi que les instruments soient parfaitement compréhensibles sur toute leur étendue, d'où l'adjonction d'effets qui produisent un relief sonore attrayant : flanger, delay, wa-wa, échos et réverbérations. La technique instrumentale ayant ainsi considérablement évolué, le bassiste joue souvent un rôle de soliste. Pionniers de cette période particulièrement faste pour l'instrument (et qui, sans doute, a suscité des, vocations nombreuses) :


  • l'un de ses plus brillants solistes, Steve Swallow, qui joue au moyen d'un médiator ;


  • Stanley Clarke qui, aux côtés de Chick Corea, se distingue par une virtuosité surprenante ;


  • et Jaco Pastorius, membre du Weather Report de Joe Zawinul et Wayne Shorter, qui eut l'heureuse idée de supprimer les barrettes de son instrument, le transformant ainsi en fretless bass, sur laquelle il obtient un jeu beaucoup plus expressif, et qui utilise les harmoniques pour produire un jeu polyphonique.


Années 80

Les années 80 voient la continuité du courant jazz-rock, avec des techniciens prodigieux comme Jeff Berlin ou Alain Caron du groupe Uzeb, qui savent intégrer dans leur style des influences allant de Bach à la musique indienne, alliées à la forme jazzistique.



Simultanément se développe le langage rythmique, selon une technique parti­culière : le slap, emprunté aux contrebassistes des années 20. Louis Johnson, aux côtés de Quincy Jones, ainsi que Marcus Miller, sideman de Miles Davis, Jamaaladeen Tacuma, Daryl Jones ou encore Mark King, leader du groupe Level 42, exploitent ce style de façon significative.



Nombreux sont les bassistes qui ont marqué l'instrument : Ralph Armstrong, Michael Henderson, Alphonso Johnson, Ron Carter, Miroslav Vitous, Eberhard Weber, Mark Egan, Bob Cranshaw, John Lee, Jack Bruce, Hugh Hopper, Jonas Hellborg, Jannick Top, Marc Bertaux...

D'apparition récente : les basses cinq cordes (si grave ou do aigu) et six cordes (si grave et do aigu).




Article tiré du Dictionnaire du jazz

(Philippe Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comolli)

agrémenté d'exemples vidéos