Traditions musicales de l'Islam (Rachel Hasson)
décembre 02, 2020
Rachel Hasson est conservateur en chef du « L.A. Mayer Museum for Islamic Art » de Jérusalem.
(Photocopyright : The L.A. Mayer Museum for Islamic Art, Jérusalem)
Instruments de musique traditionnels du Moyen-Orient. De g. à dr. Kemanches, flûtes, Oud, Duff, Darabuka, tambour double et Quanun. |
Israël étant un pays où se mêlent les cultures d’Orient et d’Occident, il constitue un lieu de rencontre passionnant entre la musique occidentale et les traditions et instruments musicaux apportés par les Juifs d’Orient de leurs divers pays d’origine. Cette synthèse trouve son expression dans la musique et le chant israéliens. L’État d’Israël est en fait le seul endroit au monde où subsistent encore toutes les sept traditions musicales de l’islam. C’est dans cet esprit que le Museum for Islamic Art de Jérusalem présente « The Mood of the Ud ».
La variété d’instruments de musique figurant dans cette exposition est représentative de l’art musical dans les régions sous influence islamique, depuis les pays du Moyen-Orient jusqu’au sous-continent indien, en passant par le Maghreb, la Turquie, l’Iran, l’Asie centrale et les contrées où vivent les Bédouins. L’exposition recouvre donc l’art musical des peuples arabophones ainsi que celui des peuplades et tribus ayant adopté l’islam et sa culture. Bien que la culture musicale du monde de l’islam s’étende sur des milliers de kilomètres, la musique arabe classique a gardé un style uniforme dans tous ces pays et on y retrouve une similarité dans les registres, les modes, les ornements vocaux, les rythmes et le choix des instruments. Ainsi, des voyageurs originaires du Maroc se rendant au Turkménistan trouveront à la musique locale un air familier, en dépit de différences mineures. C’est dans la musique populaire qu’on décèle des variantes plus importantes mais même dans ce domaine, il existe une ressemblance fondamentale. Dans tous les pays islamiques, les hôtes d’une cérémonie nuptiale sont conviés au son du zurna (hautbois de berger) ou des tambourins naqqara et dans toutes les régions habitées par des nomades, les chanteurs sont accompagnés d’un instrument à corde unique, le rabab. Ces instruments témoignent d’une très ancienne et superbe tradition musicale, qui connut des heures glorieuses dès les premiers siècles de l’islam et qui depuis, n’a cessé de se développer de génération en génération dans les pays islamiques.
De g. à dr. Kemences, Jombush, Tanburs.
Oud traditionnel de Syrie.
Instruments de musique traditionnels des Bédouins. De g. à dr. Mizwej, Arghul, Rabab, Simsimiyya, Rabbab. |
Le caractère de cette tradition musicale et son mode de développement furent façonnés par quatre facteurs :
- l’arabe, langue du Coran, qui servait de commun dénominateur à tous les peuples islamiques et était intimement liée à leur musique
- l’unification progressive de peuples et de races multiples en raison de conditions politiques et économiques
- la continuité géographique des régions islamiques
- la structure similaire, parfois même identique, des divers instruments de musique.
A partir du IXe siècle toutefois, les traditions communes et le style uniforme commencèrent à céder le pas devant l’émergence de styles régionaux, indépendants, chacun marqués par son genre et ses instruments de musique particuliers. L’exposition présente sept traditions musicales majeures, qui se sont forgé un caractère régional indépendant : les traditions moyen-orientale, turque, persane, d’Asie centrale, andalouse (tradition du Maghreb), du nord de l’Inde et pakistanaise (magnifiquement représentée dans l’art miniature moghol) et enfin la tradition bédouine. Toutes fleurissent dans notre région.
Le plus souvent exécutée par un chanteur et plusieurs instrumentalistes, la musique arabe est avant tout une musique vocale. Les instruments ont un rôle secondaire et servent surtout d’accompagnement au chant. En fait, le mot arabe pour musique est ghina (chant). Bien qu’elle ait ses règles et ses conventions, la musique arabe se distingue principalement par la liberté d’expression et l’improvisation. L’artiste talentueux improvise de façon à adapter la musique aux circonstances, tout en ajoutant des ornements comme des trilles. C’est pourquoi cette musique uni-vocale, fondée sur une mélodie simple et concise, aux intervalles réguliers et répétitifs, possède néanmoins une sonorité riche et diversifiée et met à contribution toutes les capacités de la voix humaine.
La variété d’instruments utilisés dans la musique des pays de l’islam reflète à la fois l’unité et la diversité de son style. Parfois, ce sont les matériaux disponibles localement qui ont déterminé la structure de l’instrument, parfois c’est sa fonction spécifique qui a entraîné sa particularité régionale. Il existe aussi des appellations diverses pour le même instrument dans différentes contrées. Ainsi, le rabab est également appelé rubab ou rababa, le tambur ou tanbur est également appelé tambura et tampura. L’élément commun au groupe le plus vaste et le plus diversifié d’instruments musicaux est le tar (« corde » en persan) : on trouve ainsi le ektar indien à une corde, le dutar ouzbek à deux cordes, le sehtar persan à quatre cordes et le sitar indien (au nombre de cordes variable). Autre exemple de variétés régionales du même instrument : le hautbois à deux anches, appelé zurna en Turquie, sorna en Iran et sahnai dans le nord de l’Inde. Malgré les langages différents et les milliers de kilomètres qui séparent les pays de l’islam, on constate des similarités surprenantes dans les noms des instruments musicaux.
Les traditions musicales du monde de l’islam
La tradition musicale arabe était reconnue à travers de vastes régions du Proche-Orient ainsi qu’en Turquie, en Iran et en Asie centrale et en dépit d’infimes différences entre les pays, les éléments musicaux fondamentaux demeurent identiques. La musique arabe, produit de la fusion d’influences diverses, plonge ses racines dans le chant préislamique de la péninsule arabe. Plus tard, elle a été influencée par la théorie grecque classique, par des théories du sud de l’Inde, par les traditions espagnoles (suite aux invasions arabes) et par les traditions néo-byzantines occidentales. Toutefois, sa principale source d’inspiration fut la tradition persane, à tel point qu’il est devenu difficile de faire la distinction entre les deux. En dépit de ses origines et influences multiples, la musique arabe possède ses caractéristiques propres. Exclusivement destinée aux cours royales et à l’aristocratie lors de ses débuts, elle se répandit progressivement parmi toutes les classes sociales.Le plus souvent exécutée par un chanteur et plusieurs instrumentalistes, la musique arabe est avant tout une musique vocale. Les instruments ont un rôle secondaire et servent surtout d’accompagnement au chant. En fait, le mot arabe pour musique est ghina (chant). Bien qu’elle ait ses règles et ses conventions, la musique arabe se distingue principalement par la liberté d’expression et l’improvisation. L’artiste talentueux improvise de façon à adapter la musique aux circonstances, tout en ajoutant des ornements comme des trilles. C’est pourquoi cette musique uni-vocale, fondée sur une mélodie simple et concise, aux intervalles réguliers et répétitifs, possède néanmoins une sonorité riche et diversifiée et met à contribution toutes les capacités de la voix humaine.
Danse de la mariée, lors d’un mariage juif à Smyrne, en Turquie.
Peinture de C. Rogier, Paris 1847.
La variété d’instruments utilisés dans la musique des pays de l’islam reflète à la fois l’unité et la diversité de son style. Parfois, ce sont les matériaux disponibles localement qui ont déterminé la structure de l’instrument, parfois c’est sa fonction spécifique qui a entraîné sa particularité régionale. Il existe aussi des appellations diverses pour le même instrument dans différentes contrées. Ainsi, le rabab est également appelé rubab ou rababa, le tambur ou tanbur est également appelé tambura et tampura. L’élément commun au groupe le plus vaste et le plus diversifié d’instruments musicaux est le tar (« corde » en persan) : on trouve ainsi le ektar indien à une corde, le dutar ouzbek à deux cordes, le sehtar persan à quatre cordes et le sitar indien (au nombre de cordes variable). Autre exemple de variétés régionales du même instrument : le hautbois à deux anches, appelé zurna en Turquie, sorna en Iran et sahnai dans le nord de l’Inde. Malgré les langages différents et les milliers de kilomètres qui séparent les pays de l’islam, on constate des similarités surprenantes dans les noms des instruments musicaux.
Le Coran et la musique
Dans le monde de l’islam, on désignait par le terme grec musiki la théorie scientifique de la musique tandis qu’on se servait du mot arabe ghina (chant) pour désigner l’art de pratiquer la musique. Mais les deux termes se réfèrent à l’art musical laïque qui se développa dans les centres urbains islamiques. En contre point à cet art laïque, on assiste à l’émergence d’une musique religieuse appelée sama (qui signifie à la fois « écouter la musique » et « sons musicaux ») ; c’est la musique mystique des ordres derviches.La notion de musique n’est pas mentionnée dans le Coran. Aucun des deux termes, musiki ou ghina, n’y figurent. Certains voient dans cette omission une allusion à l’attitude du Coran vis-à-vis de la musique. D’autres s’efforcent de trouver dans l’exégèse du texte des interprétations allant dans le sens de l’interdiction ou de l’autorisation. Par ailleurs, dans le hadith, l’ensemble des traditions transmises par le Prophète qui sert de loi orale, on trouve des passages explicites qui tantôt approuvent la musique tantôt la dénoncent. Des contradictions semblables apparaissent dans les écrits de la loi religieuse. Il semble donc que ni le Coran ni le hadith ne considèrent la musique en soi comme quelque chose de malfaisant ; le statut de la musique sera plutôt déterminé en fonction des circonstances, du moment et du contexte. Dans certaines situations, la musique est interdite, dans d’autres elle est autorisée et entre les deux, il y a une vaste zone intermédiaire, non définie. Des musulmans orthodoxes interdisaient formellement les performances de musique artistique laïque mais per mettaient qu’on joue de la musique religieuse, où priment les paroles, la mélodie servant simplement de véhicule au texte.
La musique dans l’art islamique
Instruments à corde traditionnels du nord de l’Inde et du Pakistan.
De g. à dr. Dotara, Sarinda, Dilruba et Ektar.