La 5è symphonie de Beethoven
mars 06, 2020
LUDWIG VAN BEETHOVEN
Né à Bonn, le 16 (ou 17) décembre 1770 ; mort à Vienne, le 26 mars 1827. Son père Johann, ténor à la Chapelle de l'électeur de Cologne, le voulait « enfant prodige » comme Mozart et, après des études générales fort sommaires, le contraignit à une formation musicale d'un rythme effréné ; à neuf ans, il était confié à Christian Neefe, organiste de la Cour, – son premier maître sérieux; à quatorze ans, Beethoven était deuxième organiste de la Chapelle électorale. Envoyé à Vienne pour y travailler avec Mozart (mais leur rencontre fut infructueuse), il en revint pour s'inscrire en 1789 à l'université, et y étudier la littérature et la philosophie allemandes. Il quitta définitivement Bonn pour Vienne en 1792, – y travaillant avec Haydn, puis avec Albrechtsberger et Salieri. A l'époque, Beethoven est un mondain et se fait apprécier comme pianiste et improvisateur. Mais sa personnalité est forgée et, hormis une série de voyages à Nuremberg, Prague, Dresde et Berlin, il ne quittera pratiquement plus Vienne à partir de 1796. Les premières années y sont heureuses ; toutefois, en 1802, le drame éclate – une surdité naissante – que traduit un document poignant, le « testament d'Heiligenstadt ». L'idée de suicide hante le musicien, – qu'il surmontera par la pleine conviction de sa mission artistique. Mais, irrémédiablement, le mal s'accentuera et, en dépit d'une célébrité devenue universelle – visites de Rossini, de Schubert, de Weber, du tout jeune Liszt –, le compositeur, muré de silence, sombrera dans la misanthropie. En 1824, la Missa Solemnis et la Neuvième Symphonie connaissent un triomphe qui le laisse indifférent. A partir de 1825, Beethoven ne cesse d'être malade, mais, conscient de l'œuvre accomplie, semble trouver un apaisement ; il mourra deux ans plus tard victime d'une double pneumonie, pendant un violent – et symbolique – orage. A ses obsèques, un cortège de vingt mille personnes, – parmi lesquelles Schubert. Ses restes seront exhumés et transportés au Cimetière central de Vienne, aux côtés de Mozart... Il nous paraît tout à fait présomptueux de définir en quelques lignes l'essence du génie beethovénien, qui « a donné l'exemple de tous les dépassements et a si bien agrandi les formes traditionnelles qu'elles paraîtront éternelles et capables de contenir toute invention musicale à venir » (Roland de Candé). Relevons simplement que, placée à la charnière des XVIIIè et XIXè siècles, l'œuvre transcende le classicisme et porte en elle tout le romantisme ; cependant elle dépasse également cette alternative, dans laquelle on est trop tenté de l'enfermer. Il est admis (avec la part d'approximation que cela représente) d'effectuer une répartition en trois « périodes » : jusque vers 1800, un style haydnien assorti d'audaces de forme et d'orchestration (pour ce qui nous intéresse ici, Première Symphonie, Concertos pour piano n°1 et n°2) ; de 1800 à 1814, une pensée orchestrale novatrice qui ne se contente plus des simples hardiesses formelles (Symphonies n°2 à n°8, Concertos pour piano n°3 à n°5, Concerto pour violon) ; après 1814, l'éclatement des moules antérieurs, ainsi qu'une spiritualisation de la forme (la Neuvième Symphonie). Rien, dans ces quelques données, n'est cependant limitatif : les analyses ci-dessous le prouveront certainement.LES SYMPHONIES
Auparavant, néanmoins, présentons plusieurs indications susceptibles de définir communément les neuf symphonies, – sans doute les plus jouées, et les plus appréciées, du répertoire symphonique international un siècle et demi au moins après leur composition : « La somme artistique qu'elles constituent n'a rien perdu de son poids ni de sa valeur, même si les modalités de la création contemporaine lui sont diamétralement opposées »1. On remarquera d'abord que les nomenclatures instrumentales diffèrent peu du modèle haydnien tardif (seuls quelques instruments à vent supplémentaires à partir de la Troisième Symphonie, – avec l'exception de la Neuvième). En revanche, la conception de l'orchestre est neuve, ainsi que de son maniement : Beethoven met en œuvre une « pensée » orchestrale procédant généralement par blocs sonores, qu'il réalise en fonction des timbres ; ainsi peut-on parler d'une « teinte » spécifique de chaque symphonie (l'exemple de la « Pastorale » étant particulièrement probant). De ces masses sonores qu'il met en mouvement, le musicien calcule précisément la puissance (les attaques, la compacité, les contrastes de dynamique), – conscient qu'il fut, comme le serait un Berlioz – de ses effets psychologiques, voire physiologiques, sur l'auditeur. Quant à la morphologie, le modèle haydnien reste également bien présent : mais considérablement amplifié ! « Beethoven a adapté les structures de la symphonie classique à la mesure de ses ambitions : il les a grossies mais jamais bouleversées. » Qu'en est-il, en effet, des quatre mouvements traditionnels ? Le premier s'offre en forme d'allegro de sonate classique, et comporte d'ailleurs (à l'exception de la Neuvième Symphonie) la reprise à la fin de son exposition2 ; son développement, très large, s'avère thématiquement élaboré. Le mouvement lent, également dans la forme sonate, reste essentiellement mélodique ; mais les formules rythmiques d'accompagnement abondent, – en imprègnent la substance même. Le scherzo beethovénien, quant à lui, constitue une nouveauté : « L'inévitable menuet des symphonies du XVIIIè siècle a dû paraître bien étriqué au musicien, qui l'a transmué en une vaste fresque autonome... ». L'appellation « scherzo » n'apparaît toutefois que dans les Deuxième et Troisième symphonies : Beethoven, la plupart du temps, se limite à une indication de tempo. Mais, sauf exception, ce mouvement acquiert une ampleur qu'il n'avait jamais connue auparavant, – tandis que le trio garde, en principe, son caractère de divertissement plus ou moins contrastant. Les mouvements conclusifs, enfin, combinent généralement la forme sonate avec les procédés du rondo ou de la grande variation. Ajoutons, pour terminer, que ces quelques remarques perdent leur validité avec la Neuvième symphonie, – en ses trois mouvements initiaux et, plus encore, dans son mouvement final affectant la forme d'une véritable cantate : il en sera – bien sûr – fait état dans l'analyse de cette œuvre d'une envergure exceptionnelle.Symphonie n°5, en ut mineur (op. 67)
Bien que Beethoven en ait conçu certaines idées thématiques dès 1795, bien qu'une esquisse pour son début puisse être datée de 1803, cette fort illustre symphonie ne fut écrite qu'à partir de 1805 (aussitôt après la Symphonie « Héroïque »), – pour n'être achevée qu'en 1808. Interrompue par la composition de la Quatrième Symphonie, la Symphonie en ut mineur devint dès lors contemporaine de la Sixième Symphonie – la « Pastorale » – et fut d'ailleurs exécutée pour la première fois simultanément, le 22 décembre 1808 à Vienne, au Theater an der Wien (dans l'ordre inverse, de même que sa numérotation, – la « Pastorale » portant alors le n°5 ). La partition ne paraîtra qu'en mars 1826. La double dédicace fut celle-ci : « A son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince régnant de Lobkowitz, duc de Raudnitz » et « A son Excellence Monsieur le comte de Razumovsky ».Reproduisons quelques jugements importants portés sur l'œuvre : sous la plume d'E.T.A. Hoffmann, la Cinquième Symphonie ... « exprime à un très haut degré le romantisme dans la musique, le romantisme qui révèle l'infini » ; Goethe déclara (en 1830, quand Mendelssohn lui joua la partition) : « C'est très grand, c'est absolument fou! On aurait peur que la maison s'écroule » (!); enfin Berlioz devait relater dans la « Gazette musicale », lors d'une exécution parisienne en 1834: «L'auditoire, dans un moment de vertige, a couvert l'orchestre de ses cris... Un spasme nerveux agitait toute la salle ». N'insistons pas : hier comme aujourd'hui, la Symphonie en ut mineur, c' « est » Beethoven.
L'orchestre comporte : 3 flûtes (dont la petite), 2 hautbois, 2 clarinettes, 3 bassons (dont contrebasson) ; 2 cors, 2 trompettes en ut, 3 trombones ; 2 timbales ; le quintette à cordes. La petite flûte, le contrebasson et les trois trombones (1 alto, 1 ténor, 1 basse) n'interviennent qu'au finale; pour le reste, l'effectif reste celui des bois par deux, avec les deux cors et deux trompettes.
Durée moyenne d'exécution : 32-34 minutes.
Les quatre mouvements sont intitulés : Allegro con brio; Andante con moto; Allegro; Allegro-Presto (Finale). Les deux derniers mouvements s'enchaînent.