Musique répétitive et post-minimaliste






Origines

La musique répétitive est née aux Etats-Unis au milieu des années 60, parallèlement à l'art minimaliste (WOLLHEIM 1965), sous l'influence entre autres de FLUXUS, du rock, du raga hindou (YOUNG, RILEY ont étudié en 1970 auprès de PANDIT PRAN NATH) ; il s'agit d'une musique très méditative, caractérisée par sa continuité sonore.

Il s’agit à l’origine d’un courant américain qui ne touchera l’Europe que par la suite de manière moins importante avec en Grande-Bretagne Michael Nyman ou encore le compositeur hollandais Wim Mertens.

Ce courant est un courant de réaction contre le sérialisme (qui fut encore plus dogmatique aux Etats-Unis qu’en Europe). Le compositeur Milton Babbitt est un compositeur sériel américain.





Le précurseur : Erik Satie

Cette unique page de musique, pour piano solo, qui porte le titre de Vexations (1893) est à classer dans les annales de la musique expérimentale. C'est une pièce de piano très étrange. La nature répétitive de cette pièce soulève des questions fondamentales de l'esthétique de l'œuvre (en particulier sur la fonction de l'ennui en art : "l'ennui était mystérieux et profond" pour Satie).



  • C'est Henri Sauguet (ami de Satie dans ses dernières années) qui fera émerger cette pièce de l'obscurité en 1949 lorsqu'il la fit découvrir à John Cage.
  • Une exécution "en temps réel" des Vexations de Satie, avec leurs 840 da capo, ouvre, en 1963, (au Pocket Theatre à New York sous les doigts de John Cage) la porte aux musiques "planantes" : sa durée dépasse dix-huit heures d'horloge (la création a nécessité un relais de 10 pianistes)…



La musique répétitive

La musique est simple et facile à percevoir, plutôt qu'une oeuvre d'art, il s'agit d'un processus sonore, prévu ou spontané, très long ; un petit nombre de formules mélodico-rythmiques sont répétées à la manière d'ostinatos, non pas de façon inflexible, mais avec de minimes variations et de légers décalages de phase.


Une des premières œuvres minimaliste est la « Suite in C » (1964) de Terry Riley qui énonce 53 formules mélodiques et rythmiques autour de Do à l’intérieur d’une pulsation fixe (le fait d’intituler une œuvre en Do, en pleine période sérielle, est un geste de provocation !).




Steve Reich

Un autre compositeur de ce mouvement musical minimaliste est Steve Reich (prononcer à l’américaine [Raïk]) qui compose « Music for piano and tape » (1964, composé à San Fransisco), « Drumming » (1971) ou encore « Six Marimbas » (1973).

« 6 Marimbas »

« 6 Marimbas » de Steve Reich (1973) :



Reich répète la même cellule avec un décalage progressive. Il existe aussi une version pour 6 pianos.
Il n’y a aucune respiration dans ce genre de musique, c’est un flux continu. On constate avec ce courant un certain retour à la musique consonante mais il ne s’agit en aucun cas d’une musique tonale. C’est une sorte de musique modale (on reprend souvent les modes du rock : dorien et mixolydien). La musique évolue sur le même accord : il n’y a pas de trame harmonique. C’est une musique fondée sur la variation infime, frôlant l’ostinato, d’un matériau quasi minimaliste et c’est une véritable négation du renouvellement perpétuel (c’est donc l’opposée de l’école sérielle !).

Piano phase

Steve Reich et Terry Riley sont les inventeurs de la technique du déphasage (phasing en anglais).
Piano Phase (1967) de Steve Reich utilise cette technique.


À l'image du canon musical, le déphasage nécessite deux (ou plus) lignes musicales identiques et répétitives qui ne soient pas synchrones. La particularité du déphasage réside dans Ie fait que Ia modification de la vitesse d’exécution d'une ligne musicale par rapport à I'autre créée la désynchronisation.
Par exemple, admettons que deux groupes, A et B, lisent une même phrase de façon synchrone et répétitive. Maintenant, le groupe B va lire Ia phrase de façon légèrement plus rapide que le groupe A, et ce, toujours de manière répétitive. Il en résulte que Ie groupe B finit Ia phrase et débute Ia nouvelle toujours avant Ie groupe A. Si Ie procédé dure assez longtemps, à un instant donné, les deux groupes vont à nouveau se retrouver synchrones pendant quelque temps. Ils auront alors effectué un cycle complet de déphasage et parcouru toutes les différentes combinaisons musicales possibles.
Ce procédé, est apparu dans la musique occidentale au cours des années 1960 grâce aux recherches effectuées dans le domaine du son et notamment autour du travail sur les bandes magnétiques. Ce principe compositionnel est particulièrement utilise dans la musique minimaliste, principalement par le compositeur Steve Reich, à travers plusieurs pièces It's Gonna Rain, Come Out, Piano Phase ou encore Violin Phase.


Philippe Glass

On peut encore citer Philipp Glass qui appartient aussi à ce mouvement. Il a laissé 8 opéras dont « Einstein on the Beach » (créé en 1976) et de nombreuses œuvres instrumentales dont « Music in 12 Parts » (1971-74) et « Dance ».



« Music in 12 Parts » est composée entre 1971 et 1974 pour un ensemble concertant et voix. Elle est devenue une œuvre essentielle de la musique minimaliste !
Initialement constituée du seul premier mouvement d'une durée de 20 minutes, structuré en 12 voix de contrepoints harmoniques constituant les Parts. Lors de l'exécution de cette pièce le 16 avril 1971 à l'Université Yale, Philip Glass reçoit le commentaire d'une personne dans l'audience qui se demande quelles sont les 11 autres parties de l'œuvre. Amusé par l'incompréhension de l'auditrice, Philip Glass décide de composer les 11 autres sections durant les trois années suivantes ! Ainsi l'exécution intégrale de l'œuvre dure environ 3 h 30 min à 4 h, mais peut lors de certaines représentations durer jusqu'à 6 heures.

Dans les années 70 les innovations matérielles et techniques ont perdu de leur attrait. La croyance au progrès et au développement s'est brisée, de même que le besoin de nouveauté absolue en art et en musique. L'avant-garde traverse une crise, cherchant un nouveau public, refusant l'ésotérisme des années 50 et 60.
Aux alentours de 1970 a jailli le slogan de la nouvelle simplicité, violemment contesté, car beaucoup de partitions récentes ne sont ni nouvelles ni simples, mais imprégnées des techniques du passé, marquées par une conscience historique et une grande complexité, souvent avec des mélodies et des rythmes proches du corps, beaucoup de couleur et d'harmonie. On revient aux genres anciens – symphonie, quatuor à cordes, opéra -, on mélange les genres, mais sans les explications prolixes que l'avant-garde des années 50 et 60 était obligée de donner.


Glass arrange

On arrange aussi les oeuvres du passé... Ici P. Glass arrange pour piano The sound of silence de Simon & Garfunkel.

L'original




L'arrangement




Glass orchestre

On orchestre aussi les oeuvres du passé et/ou de ses contemporains...
Ici P. Glass orchestre la pièce ICCT Hedral (1995) de Aphex Twin (DJ / compositeur musique électro). C'est une musique répétitive, cherchant la dissonance (chromatisme, triton) sur une progression harmonique étrange, déstabilisante...

L'original



L'orchestration



Glass inspire

Inspiration ? plagiat ? Max Richter, compositeur issu du post-minimalisme et le courant Nouvelle Simplicité a créé ses marqueurs stylistiques : musique tonale à la recherche de progression harmoniques nouvelles, musique expressive, lyrique (mélodique)... ici au service de l’image et l’émotion du spectateur.

Musique du film Truman Show : “Le rêve de Truman” (1998)




Musique de Max Richter pour la série TV “The Leftovers” (2016) :