La polyphonie géorgienne




Les chansons populaires occupent une place de choix dans la culture géorgienne. Le chant polyphonique en langue géorgienne est une tradition séculaire dans ce pays où la langue et la culture ont souvent été opprimées par divers envahisseurs. On y distingue trois types de polyphonie : la polyphonie complexe, très courante en Svanétie ; le dialogue polyphonique sur un bourdon de basse, surtout répandu en Kakhétie dans lest de la Géorgie ; et la polyphonie contrastée comprenant trois parties chantées partiellement improvisées, caractéristique de l'ouest du pays. Le Chakrulo, chanté lors des cérémonies et des fêtes et qui appartient à la première catégorie, se distingue par son recours à la métaphore, son yodle, le krimanchuli, et un « cri du coq » exécuté avec une voix de fausset. Certains de ces chants sont liés au culte de la vigne et beaucoup remontent au huitième siècle. Le chant est omniprésent dans toutes les activités de la vie quotidienne, des chants de travail (les
Naduri qui introduisent dans la musique les cris de l'effort physique) aux chants de Noël (Alilo), en passant par les chants de guérison. Des hymnes liturgiques byzantins ont eux aussi intégré la tradition polyphonique géorgienne, au point den devenir une expression majeure.
Après avoir subi les effets des politiques culturelles socialistes, la musique traditionnelle géorgienne est aujourd'hui menacée par l'exode rural et le succès croissant de la musique pop. Les nombreux enregistrements de chants polyphoniques effectués sur des disques vinyle au début du vingtième siècle, n'offrent pas de garanties suffisantes pour la préservation de ces données sonores dans le long terme.

à lire : https://ethnomusicologie.revues.org/1383

https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_géorgienne




La polyphonie géorgienne et les principes qui la régissent


Par Othar Pataridze


Toutes les étapes de l’histoire de la Géorgie ont profondément marqué le folklore du pays qui s’est transmis de pères en fils par voie orale. La splendeur des chants géorgiens a de tout temps émerveillé ceux qui les ont entendus.

Alexandre Dumas eût l’occasion de les apprécier particulièrement lors de festins au cours de son voyage dans le Caucase. Romain Rolland, lors de son séjour dans la capitale Tbilissi  se disait stupéfait tant il y avait décelé de noblesse, de ferveur, de majesté et de gravité.

Ces deux références littéraires montrent que les chants géorgiens peuvent séduire à la fois un grand ripailleur querelleur et un intellectuel pacifiste !

C’est un héritage de poids et ce domaine passionne les savants du monde entier.

Il y a très longtemps que l’on chante en Géorgie et il est vrai que chaque Géorgien se sent plus ou moins le gardien de cet héritage.

La polyphonie est la caractéristique principale de la musique populaire géorgienne. La Géorgie est mondialement connue pour l’originalité et la beauté de ses chants polyphoniques, tant dans le domaine populaire ou folklorique que dans le domaine religieux. L’originalité et le caractère propre de la musique populaire géorgienne sont les raisons principales de son succès et de sa connaissance au plan international. L’UNESCO ne s’y est du reste pas trompée et a proclamé le chant polyphonique géorgien comme chef d’œuvre du Patrimoine Oral et Immatériel de l’Humanité à Paris le 18 mai 2001.

Tbilissi a vu la création du centre de la Polyphonie Mondiale.

Consultez le site de l'UNESCO dédié à cette haute distinction et à l’intérieur, la page GEORGIE consacrée à cette événement.

Ce qui caractérise cette musique, c’est l’originalité de sa polyphonie et l’utilisation de nombreux bourdons. Parallèlement, chaque région possède des caractéristiques communes régies par des principes généraux propres ( tout comme la langue géorgienne et ses dialectes apparentés) , et le facteur déterminant et fédérateur de la musique populaire géorgienne est la Polyphonie.

La majeure partie des chants traditionnels s’exécutent à Capella et à Trois voix, mais on rencontre également des exemples à 2 ou 4 voix. Ils sont quelquefois accompagnés d’instruments traditionnels – Le Pandouri (3 cordes), le Tchangouri (4 cordes), le Tchouniri (vièle à 3 cordes -Svanéthie-) et le Tchangi (harpe angulaire à 5 ou 6 cordes -Svanéthie-).

Chaque voix a une fonction fondamentalement différente se distinguant par son appellation. Dans les chants à 3 voix, celui qui entonne est la voix médiane (eu égard à la hauteur), communément appelée première voix. La voix haute étant la deuxième voix. Le principe de classification populaire des voix est le fondement même de leur signification en Géorgie.

Dans les chants à 3 voix, les voix respectives sont « mTqmeli » (le narrateur qui délivre la mélodie et le texte, et c’est souvent celui qui entonne, « modzakhili » seconde voix ( celle qui conduit la voix principale -voix haute-) et « bani » basse… écoutez un exemple dans tchakroulo-Kakhèthie- ( vidéo dédié au berceau de la polyphonie mondiale) :





On trouve également des chants à 4 voix en Gourie dans le chant de travail « naduri » :




En Géorgie, la polyphonie est en général une forme de pensée nationale. Elle est profondément encrée aussi bien lors de l’exécution de chants traditionnels, de forme collectives, que dans les solos. La nature polyphonique des chants géorgiens ne se transmet pas uniquement par les écrits musicaux, mais également par tradition orale. C’est pourquoi il est particulièrement important de retranscrire ces chants dans un milieu non traditionnel, et d’aller ensuite sur le terrain, car le danger est grand de dénaturer ces chants au cours des siècles.

La polyphonie est le principe, le mode de pensée musical de l’homme Géorgien, profondément ancré dans sa conscience. C’est sa norme traditionnel d’exécution collective.

Musique d’un peuple pour qui le chant est une manière de respiration, elle est aussi l’affirmation d’une résistance. Musique pudique et secrète, à l’image de ce peuple fier et ombrageux . Musique sans broderie particulière, sans éclat inutile, sans brillance superflue. Musique étonnante d’inspiration et de nostalgie...

Ce qui frappe, c’est cette retenue exceptionnelle, à la fois étrange et sauvage, cette absence totale d’exubérance des exécutants. Même les chansons à boire paraissent tristes et graves !

Cette musique sophistiquée répond à une dialectique subtile. Le peuple entier chante. Les chants ponctuent tous les aspects de la vie : les joies, les douleurs, le travail, l’amitié, la guerre…

Cependant, le peuple entier chante. Les chants ponctuent tous les aspects de la vie : les joies, les douleurs, le travail, l’amitié, la guerre…

Tout se chante en Géorgie et en Géorgie, tout le monde chante !

Vive la polyphonie géorgienne bien sûr, mais également toutes les polyphonies du monde entier qui participent au déploiement de l’harmonie universelle !

Quelques liens :
http://www.polyphony.ge
http://www.chveneburebi.com
http://facebook.com/ensemblemarani