Musiques de Bornéo
On peut classer les musiques des Dayak de l'intérieur (c'est-à-dire non citadins) en deux catégories :
— Musiques à caractères socio-religieux :
a. Fêtes et cérémonies religieuses : fêtes du Mamat, du Monghosan, chants guerriers, chants épiques sur les ancêtres.
b. Rites agricoles : chants et musiques liés à la culture du riz et à sa récolte.
c. Musiques communautaires : « longues-danses » exécutées sur les planchers des « longues maisons », accompagnées par le luth sapeh (ou sampeh) et de chants.
d. Chants de chamanes et de guérisseurs.
— Musiques de divertissement solitaire :
Orgue à bouche kediri (ou koloreh, ou sumpotan selon les tribus), guimbarde odeng, flûte nasale et chants.
Notons que l'orgue-à-bouche, très simple à Bornéo, ne se trouve qu'en Extrême Orient (Laos, Cambodge, Viet-Nam, Chine, Japon, Corée), et qu'il nous a fait découvrir le principe de l'anche libre : il est l'ancêtre direct de nos instruments à anches libres, l'harmonium, l'harmonica et l'accordéon ! La musique étant une activité essentielle pour l'homme (on connait des peuples sans écriture, mais on n'a jamais découvert, en aucun lieu et à aucune époque, de peuple sans musique), on peut s'étonner de l'absence d'articles sur la musique dans les études consacrées à l'Indonésie, et de l'absence totale de discographies dans la kyrielle de guides consacrés à l'Indonésie, alors que les musiques de Java et de Bali font l'admiration du monde entier et des plus grands compositeurs occidentaux...
DISCOGRAPHIE DE BORNEO (microsillons)
1. COLUMBIA N° SL.210, collection «The Columbia World Library of Folk and Primitive Music», vol. 7 (Alan Lomax, éd.)
33t/30cm (mono)
Sur la face A, quatre morceaux enregistrés au Sarawak : chant sur le riz, chant de fête, danse des chasseurs de têtes, luth sampeh.
2. FOLKWAYS N° FE. 4175 «The Demonstration collection of E.M. Hornbostel» (repiquage de cylindres)
Indiana University, Archives of Folk and Primitive Music, (George List, éd.)
33t/30cm (mono)
Face B, plage 6, un chant solo Bahau-Dayak, enregistré en 1910 par Rudel.
3. MUSIQUE DAYAK, BORNEO-KALIMANTAN
Enregistrements de Pierre Ivanoff (expédition Ivanoff 1953-54).
Documents rares, authentiques, bien présentés et intéressants. Voir Archipel N° 19 (1980) page 99.
Ce disque a été publié successivement sous les références :
Contrepoint N° LD.6 (33t/25cm, mono, 1954), Vogue N° MC.20.112 collection du Musée de l'Homme (33t/30 cm, mono) réédité en 1972 dans la même collection sous la réf. LDM.30.108.
C'est, actuellement, le meilleur disque sur Bornéo.
4. MUSIQUE DE BORNEO-KALIMANTAN
Enregistrements de Guy Piazzini (mission Apokayan 1956-57) Très beau disque malheureusement disparu, qui présentait un panorama analogue à celui du précédent. Piazzini était accompagné par Pierre Pfeffer (l'auteur de «Bivouacs à Bornéo») et par le réalisateur du film «Expédition Apokayan» Georges Bourdelon (caméraman de Marcel Pagnol) récemment rediffusé par la chaîne de télévision TF1 le 19 novembre 1985.
Boîte-à-Musique BAM N° LD.350 (33t/25 cm, mono, 1957).
5. MURUT MUSIC OF NORTH BORNEO (SABAH)
Enregistrements d'Ivan Polunin, chez les Murut. Lire, au sujet de ce peuple, le célèbre roman de Pierre Schoendoerffer «l'Adieu au Roi» (Livre de Poche N° 2896).
Ensemble de gongs accordés kulintangan, chants à boire, chants dansés sur le lansaran, sorte de plancher-tremplin sur lequel rebondissent les danseurs, jusqu'à le briser parfois, pour montrer aux étrangers leur volonté d'hospitalité.
Documents ethnomusicologiques de mauvaise qualité technique.
Folkways N° FE. 4459 (33t/30cm, mono, 1961).
6. BORNEO (BRUNEI)
Enregistrements effectués à Brunei par Hubert de Fraysseix, excellent technicien.
Bien qu'acculturées (elles sont fortement influencées par Java, les Philippines, et l'Islam), ces musiques sont de qualité.
Gongs accordés gulintangan (aux Philippines : kakolintang), gongs suspendus de toutes tailles, tambours divers et petites percussions. Luth kacapi et luth malais gambus.
Il s'agit de musiques de danse des tribus Dusun, Iban, Murut et Belait, aux sonorités et aux rythmes assez étonnants.
Avec ce disque, la musique de Bornéo sort du domaine ethnomusicologique et conquiert un public plus vaste.
Playa Sound N° PS. 33506 («Musiques de l'Asie Traditionnelle», volume 6, distribution Auvidis). (33t/30cm, stéréo, 1978).
7. MALAISIE
Enregistrements de Guy Saint-Clair, cinéaste de «Connaissance du Monde», au Sarawak et au Sabah.
Le disque est mauvais mais présente quatre pièces concernant Bornéo : danse dayak (percussions et gongs), et trois pièces enregistrées au festival kadazan à Tamparuli (Sabah) : air malais, gongs murut, danse kadazan.
Playa Sound N° PS 33517 («Musiques de l'Asie Traditionnelle», volume 13, distribution Auvidis), (33t/30 cm, stéréo, 19807).
8. MUSIC OF THE KENYAH AND MODANG
Disque présentant de brèves pièces diverses, enregistrées par un Balinais, I Made Bandem, et édité par José Maceda.
Publié avec l'assistance de l'UNESCO par l'Université des Philippines, Quezon City, en 1979. N'est pas disponible en France.
Les enregistrements ont été effectués dans l'East Kalimantan, le sous-titre précisant. «Along the KLINJAU and TELEN rivers of the MAHAKAM.
University Quezon City, 33t/30 cm, mono, 1979.
Excellent texte, carte, et abondante iconographie (40 photos).
9. Signalons l'émission de France-Culture du 16 Février 1982 :
«La Fille-Tambour», conte dayak recueilli par Bernard Sellato et interprété par J.P. Leroux.
10. Une cassette hors-commerce a été réalisée à partir des 45 heures d'enregistrements effectués par Mady Villard (auteur du livre «Chez les Hommes aux longues oreilles», Nathan, et du film «Bornéo, enfer et paradis»).
Peuples Kelabit, Kenyah et Punan : luth sapeh, « longue-danse », chants anciens, fête du mamat, chant punan.
Cette cassette est disponible par correspondance chez A. Swietlik, 5 rue Gustave Bouffet, 60410 Verberie, France.
Alain SWIETLIK
Sur iTunes :
https://itun.es/fr/KgEbj
Écoutez « Musique dayak de kalimantan (Mono version) » de Guy Piazzini sur Apple Music.
https://itun.es/fr/QJsNW
Kalimantan, Borneo: Peuple dayak (par Pierre Ivanoff)
http://www.deezer.com/album/7818389
DAYAKS ET PUNANS DE BORNÉO
Bornéo est la troisième ile du monde de par sa taille, avec ses 750 000 km2. La province du Kalimantan, qui appartient à l'Indonésie, occupe la plus grande partie de Pile et sa population avoisine les 11 millions d'habitants. Les trois grands groupes ethniques de ce vaste territoire se composent de Malais-Indonésiens concentrés le long des c6tes et des principaux cours d'eau ; de Chinois qui excellent dans le commerce depuis des siècles ; et enfin de Dayaks, terme générique désignant les différents groupes ethniques vivant à Bornéo. Il existe aussi un petit groupe ethnique de nomades, les Punans.
Les États du Sabah et du Sarawak, de la Malaisie orientale, se partagent le Nord et l'Ouest de Bornéo. La population du Sarawak, environ 2 millions d'habitants, se compose de Malais, Chinois et Dayaks.
Les enregistrements des ethnies Dayak Kenyah, Tunjung, Benuaq et Bahau, ainsi que ceux des Punans ont été effectués en bordure du fleuve Mahakam dans la province du Kalimantan Timur. Les Meratus, Dayaks des collines, sont installés, pour leur part, dans le Kalimantan Selatan, au sud. Quant aux Kelabits, ils vivent dans les Hautes Terres du Sarawak.
Les Dayaks
On estime à plus de 3 millions le nombre de Dayaks, répartis en plusieurs dizaines de tribus. Le terme "Dayak", introduit par les Hollandais, est dérivé d'un mot malais, daya, qui signifie "l'intérieur des terres". Malgré quelques divergences culturelles, tous les Dayaks ont un mode de vie commun : ils sont installés près des cours d'eau et pratiquent la riziculture.
Traditionnellement, les Dayaks vivent à plusieurs familles dans des maisons longues, bâtisses en bois et en bambous construites sur pilotis. Ce type de construction, pouvant atteindre parfois 180 mètres de long, doit ses origines aux traditions guerrières, car il protégeait des attaques éventuelles de tribus adverses. De nos jours, ce type d'habitat tend à disparaître au profit de maisons individuelles.
Autrefois farouches chasseurs de têtes, Dayaks et Punans ont mis fin à cette coutume dans les années 20 à l'instigation des Anglais et des Hollandais. La chasse aux têtes était un rituel d'initiation qui marquait le passage de l'enfance à l'âge adulte, et était un préalable au mariage.
Selon certains anthropologues, prendre la tête d'un ennemi était pour ces peuples acquérir la vaillance, les vertus mais aussi le statut social du défunt. Pour les Dayaks, c'était aussi un rite de fertilité qui bonifiait les récoltes et en assurait l'abondance. Le crâne, auquel on offrait de la viande et de la bière de riz, était fumé et noirci au-dessus d'un feu, pour protéger le village du mauvais oeil.
Autres caractéristiques communes à tous les Dayaks : les tatouages et lobes d'oreilles distendus. Traditionnellement, les hommes (le chef et sa descendance uniquement) ainsi que les femmes étiraient leurs lobes d'oreilles avec de lourds bijoux. A chaque saison de riz, elles rajoutaient un anneau à leurs oreilles, ce qui leur permettait de déterminer leur âge.
De magnifiques motifs artistiques sont tatoués sur certaines parties de leur corps.
Bien que le tatouage ne soit plus en vigueur aujourd'hui, il indiquait pour les hommes, qu'ils avaient non seulement coupé des têtes, mais permettait même de savoir combien ils en avaient coupé.
Les Dayaks emploient divers instruments de musique pour rythmer leurs chants, lesquels sont souvent liés à des événements rituels.
Les Punans
L'étymologie du mot Punan (ou Penan selon les régions), reste très contestée et pourrait signifier "circuler en forêt", "se nourrir en forêt", ou encore "ceux qui vivent aux sources". Leur nombre est estimé à 20 000. A l'inverse des Dayaks qui sont sédentaires, la plupart des Punans sont nomades ou semi-nomades. Formant traditionnellement plusieurs petits groupes, les Punans vivent de chasse, exclusivement de sangliers ou de cerfs, et collectent divers plantes et fruits sauvages de la forêt. Ils nomadisent dans les montagnes boisées du centre. Mais celles-ci étant de plus en plus envahies par les sociétés forestières, la plupart des Punans sont contraints à s'installer dans des maisons et se font agriculteurs à l'image de leurs voisins, les Dayaks. Depuis des siècles, Dayaks et nomades Punans vivent ensemble dans ces forêts, et c'est au contact des villageois, que les Punans sont devenus chasseurs de têtes et se sont peu à peu sédentarisés.
L'arrivée du commerce — principalement avec les Chinois qui convoitaient les produits forestiers des Punans — et l'introduction du métal ont occasionné de profonds changements dans le mode de vie Punan.
Aujourd'hui, ils arborent fièrement leurs étonnants tatouages et c'est avec une grande passion qu'ils se souviennent et narrent leur glorieux passé.
Les Punans interprètent des chants spécialement inhérents à la chasse et à leur mode de vie dans la forêt.
Les traditions des Punans sont en danger et leurs chants semblent être un des moyens d'expression que l'on veuille bien encore leur laisser pour maintenir ce qu'il reste de leur identité ethnique.
INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Sifflet Sapong
Le Sapong est un appeau de chasse (environ 30 centimètres de long sur 4,5 de diamètre) constitué d'un tube de bambou fermé à une extrémité et pourvu d'une embouchure aplatie (orifice d'insufflation).
Hochet Pengusir
Le Pengusir, hochet Benuaq, est constitué d'un réceptacle en métal, dans lequel sont enfermées des graines séchées. De forme tubulaire, il mesure 19 centimètres de long sur 5 de diamètre. Les graines, à tout secouement, heurtent les parois internes du réceptacle et le font résonner. Cet instrument, à caractère exclusivement rythmique, est lié à la danse et associé très souvent à des cérémonies rituelles. A Bornéo, le hochet, fréquemment utilisé par les femmes, est saisi, au centre, par la main droite, et agité d'un mouvement de va-et-vient.
Tambour Gandang
Le Gandang est un tambour horizontal à deux peaux de cerf, mesurant environ 60 cm de long sur 15 de diamètre. Il est tant6t tapé avec les mains, tantôt frappé avec une baguette. Le Gandang accompagne toutes sortes de réjouissances familiales, mais n'est frappé avec un bâton qu'au cours de grandes cérémonies rituelles (comme le bélian ou cérémonies du cycle agricole).
Sonnailles Ngerek
Sonnailles métalliques comportant plusieurs petits grelots en bronze attachés aux chevilles qui sonnent au rythme des évolutions chorégraphiques des danseurs.
Flûte Seruling
Le Seruling est une flûte droite faite d'un tuyau de roseau mesurant environ 40 cm ; ce tuyau est percé de six trous, plus le trou d'insufflation situé près de l'extrémité supérieure. Sa douce sonorité fait que les parents l'utilisent fréquemment pour endormir leurs enfants.
Sonnailles Gelang Hiang
Les sonnailles Gelang Hiang sont constituées de trois bracelets creux en bronze attachés par une ficelle. Entrechoqués à l'aide des doigts, ces bruiteurs ont sans doute une valeur magique puisque joués pendant la cérémonie du bélian.
Orgue à bouche Kedire
Appelé Kedire par les Kenyahs du Kalimantan, cet orgue à bouche en faisceau est un instrument à air, polyphonique. Il comporte 3 parties : un réservoir d'air (sous forme de bol en calebasse), des tuyaux (5 tubes mélodiques et un bourdon), fixés dans ce réservoir et des anches libres. L'embouchure permet à l'exécutant de faire passer son souffle dans la chambre, qui l'emmagasine. Les tuyaux en bois sont de longueurs inégales (entre 25 et 40 centimètres). Trois tuyaux possèdent à l'extrémité supérieure des manchons qui servent de caisse de résonance. Le Kedire peut être utilisé aussi bien pour des cérémonies rituelles que pour le divertissement. Les pièces musicales peuvent être exécutées en solo ou en ensemble pour accompagner une danse. Le Kedire de Bornéo est un modèle d'orgue à bouche assez primitif.
Luth Sapeh ou Sampek
Le Sapeh ou Sampek selon les ethnies, est une sorte de luth pourvu de 2 ou 3 cordes en plastique ou en métal, frottées ou pincées par le musicien. Cet instrument oblong à caisse plate évidée que prolonge un manche court, mesure environ 1,20 mètre. Il est fabriqué dans un seul morceau de bois. Le Sapeh accompagne le plus souvent des danses (de femmes) nocturnes.
Gamelan
Le Gamelan de Bornéo appelé Kentangan par les Benuaq ou Kelantangan par les Tunjung est formé d'un jeu de 6 gongs — chacun mesurant environ 25 cm — à mamelon, dont les bords sont plus ou moins courbés vers l'intérieur. Disposés en rangée unique dans un cadre de bois, ces gongs en cuivre sont frappés par un soliste à l'aide de deux bâtons.
Gong Geniq et Gong Agung
Ces deux gongs sont similaires mais nommés différemment selon les ethnies. Tous deux sont des disques métalliques à base de bronze, mesurant environ 40 cm de diamètre. Ces gongs sont suspendus et détachés des autres, et frappés par des coups alternés. Ils font office de chef d'orchestre et soutiennent le rythme.
Tambour Tubung
Le Tubung est un tambour à fente. Il a été fabriqué à partir d'un tronçon d'arbre creusé et ridé grace à une fente longitudinale pratiquée sur un des c6tés. Il mesure environ 1,2 mètre de long. Il est suspendu par une extrémité, sous un toit.
Tambour Tufung
Ce grand tambour, long de 3 mètres environ, a été taillé dans un tronc d'arbre. En forme de canon, le Tufung est recouvert à une extrémité d'une peau de vache. Placé sur un support en bois, l'instrument se trouve à la hauteur de la poitrine du musicien, lequel frappe la membrane avec un bâton. Le Tufung a pour partenaire musical le Agung, dans la cérémonie de l'hudoq. Il n'est utilisé que pour des cérémonies rituelles, telles les naissances, l'hudoq etc.
Tambours Benuaq et Tunjung
Les Benuaq utilisent deux tambours appelés Gimal pour accompagner certaines cérémonies rituelles. L'un, mesurant environ 80 cm, est un tambour à corps cylindrique recouvert d'une membrane à chaque extrémité. L'autre, plus petit, environ 50 cm, présente une forme conique. Il est pourvu d'une seule membrane tendue sur la face la plus grande. Ces deux tambours peuvent être frappés directement avec les mains ou en utilisant des baguettes.
Les Tunjung se servent d'un tambour qu'ils nomment Gimar, qui ressemble au tambour cylindrique des Benuaq. Toutefois, celui-ci est légèrement plus long (environ 90 cm) et n'est doté que d'une seule membrane.
Tous trois ont leurs peaux attachées par des lanières en fibre végétale rendues par des chevilles en bois.