Voyage en URSS


Voyage en U.R.S.S.
le chant de monde, melodia, (p) 1970




1. Russie, Ukraine, Biélorussie
2. Ouzbékistan, Tadjikistan, Géorgie
3. Arménie, Lithuanie, Moldavie
4. Estonie, Lettonie, Kazakhstan
5. Kirghizistan, Azerbaidjan, Turkménistan
6. Caucase du Nord, Volga-Oural, Sibérie, Extrême-Orient, Extrême-Nord


1. Russie, Ukraine, Biélorussie


Melodia · LE CHANT DU MONDE 
LDX 274920 
p. 1990 



Russie


01 - Kirilla, appel des bergers      [1:13]
V. Sadovnikov, P. Semin, petits cors de Vladimir

02 - Dans les prairies (chanson populaire)      [1:03]
trio de cornistes de Vladimir

03 - Quand sous le pommier jolie (chanson populaire)      [2:56]
V. Tikhov, psaltérion
O. de l'Academie des Instruments Populaires Russes de l'Office National de RTV

04 - Kamarinskaia (danse populaire)      [1:29]
ensemble des violistes du village de Koloden, Smolensk

05 - Mélodies des bergers de Briansk      [3:45]
S. Michin, jaleika
Orchestre "les Arabesques russes"

06 - Barynia (danse populaire)      [1:07]
M. Rojkov, balalaika

07 - Chansonettes de Saratov      [2:39]
V. Talaev, harmonica de Saratov

08 - Un petit fruit rouge sur un glaçon      [2:17]
A. Mikhailov, chansonnettes accompagnées à la balalaika

09 - Dans la rue me suis jamais montrée (chanson populaire)      [2:51]
A. Tsygankov, domra
Ensemble d'instruments populaires

10 - Nos ainés avaient du bon temps (chanson populaire)      [1:58]
Ensemble d'instruments à vent
(petits cors de Vladimir, jaleiki, chalumeaux)

11 - La petite clairière (chanson populaire)      [2:53]
M. Vakhoutinski, chalumeau

12 - Dans le ciel si bleu (chanson populaire)      [3:08]
V. Gorodovskaia, N. Tchekanova, cithares à cordes pincées et à claviers

13 - Les souffrances de Zagriad      [1:38]
T. Petrova, S. Privalov, duo d'harmonicas

14 - Ce nèst pas le vent qui incline le branche (chanson populaire)      [2:25]
V. Petrov, accordéon russe

15 - Petit Père (chanson populaire)      [1:13]
Ensemble des chanteurs du village de Plekhovo, Kursk
Ensemble de instruments populaires

16 - Le jour où mon mari m'a obligée á chauffer le bain de vapeur (chanson populaire)      [1:39]
A. Tikhonov, balalaika
O. Academie National de Musique Populaire Russe, N. Osipov


Ukraine


17 - Improvisations pastorales      [1:08]
M. Chemota, trembita - N. Diatchuk, cor
L. Kozurak, clochettes - M. Mikhailiuk, tambour de basque

18 - Les bois des Hêtres a Frémi  (chanson populaire)    [2:05]
M. Tafiitchuk, cornemuse et chant

19 - Kolomiika      [1:36]
Ion Bagueritch, drymba

20 - Danse à deux      [1:19]
Les frères Kirill, Spiridon & Luka Prilipchan, violons

21 - Gopak (danse)      [2:18]
A. Bobyr, bandura

22 - Elle chassait les canards avec un roseau (chanson populaire)      [1:24]
trio de joueurs de bandura "Dnieprianka"

23 - Barvinkova      [1:07]
ensemble de joueurs de sopel et de cornemuse du village Krivorivni, Berkhovinski

24 - Mélodies nuptiales      [1:53]
P. Verediuk, cymbalum

25 - Trio orchestral      [3:41]
Orchestre National de la Republique d'Ukraine "Veriobki"


Biélorussie


26 - Invitation a la noce      [0:34]
V. Puzyria, surma

27 - Prière au seigle pour qu'il pousse (chanson populaire)      [0:55]
V. Puzyria, jaleika

28 - Perepelotchka (chanson populaire)      [1:26]

29 - Ianka (danse populaire)      [1:38]
ensemble de cymbaliers de la ville de Ternopol, Berejansk

30 - Kakhanotchka (danse populaire)      [2:03]
ensemble dirigé par V. Kuprianenko

31 - Chansons nuptiales des régions de Minsk et de Gomel      [5:00]
V. Parkhomenko, ensemble dirigé par V. Kuprianenko

32 - Liavonikha      [1:15]
E. Novitzki, V. Burkovitch, duo de cymbalums
V. Kaziutchits, accordéon

33 - Mélodies improvisées      [2:53]
V. Puzyria, dudka basse
Orchestre National de la Republique Biélorruse, I. Jinovitch



Russie

Historique


La musique instrumentale populaire occupe une place importante au sein de la culture nationale russe. Les instruments populaires ainsi que leur pratique ont accompagné l'homme russe toute sa vie. En témoignent les œuvres littéraires de la Russie kiévienne des 9e-13e siècles et celles qui lui sont tout antérieures.

La musique instrumentale était associée à toutes les fêtes populaires du calendrier:
- le carnaval (fin de l'hiver),
- la fête de Saint Jean-Baptiste (fête païenne du solstice d'été),
- la fête des morts (printemps), et bien d'autres.

La musique était l'accompagnement indispensable des rites nuptiaux, des festins royaux et des solennités des communautés villageoises et citadines. Dans l'ancienne Russie, instruments à vent et à percussion étaient utilisés aussi dans les rangs des troupes militaires.

A la fin du premier millénaire de notre ère, la culture russe comprenait déjà une grande diversité d'instruments dont des instruments à vent, cordes et à percussions. A cette même époque, les musiciens tendent à former une catégorie professionnelle à part entière: les trouvères. Ce fut même un phénomène de masse.

Interprètes du folklore populaire, acteurs, chanteurs et danseurs, ils étaient les détenteurs de l'art populaire qui s'inspiraient, à cette époque lointaine, des rites et traditions païens. C'est pourquoi, pendant de longs siècles, ils subirent les foudres de l'église orthodoxe russe: trouvères persécutés, instruments détruits; malgré tout, les documents historiques ne manquent pas. De plus, aux 16e-17e siècles, l’État se joignit à l’Église dans sa lutte contre les trouvères comme en atteste le fameux oukase édicté par le Tsar, Alexis MIKHAILOVITCH en 1648: "Du redressement des mœurs et de l'anéantissement des superstitions", dans lequel ordre fut donné à la population de ne pas inviter les trouvères et de confisquer, puis brûler leurs instruments de musique quand on en découvrirait. Ceux qui continuaient à en jouer devaient être punis de coups de bâtons. Il va de soi que ces persécutions laissèrent des traces. Les trouvères en tant que catégories professionnelles d'artistes populaires les plus brillants et les plus talentueux, la musique instrumentale populaire subit une éclipse.

C'est seulement dans la seconde moitié du 19e siècle, avec l'intérêt grandissant du public pour l'art populaire et l'histoire russe, que la musique instrumentale populaire connaît un regain d'audience. C'est ainsi qu'en 1883 pendant presque deux mois, l'ensemble des bergers cornistes de Vladimir se produisit à St-Pétersbourg sous la direction de N.V. Koudratiev. Compositeurs, musiciens, spécialistes du folklore furent stupéfiés par une manifestation d'art populaire aussi extraordinaire. Ces concerts, au dire d'un témoin, connurent "un succès exceptionnel": "La foule de Saint-Pétersbourg restait immobile, comme fascinée. Ils jouent d'une façon si expressive qu'il semble parfois qu'ils prononcent des paroles."


Dictionnaire des instruments

LE COR
Les instruments de musique les plus répandus parmi les bergers étaient les petits cors, ce qui explique le niveau élevé du jeu sur ces petits cors de Vladimir. Les nécessités de la profession obligèrent les bergers des régions forestières de la Russie à communiquer au moyen d'un système de signaux sonores. Bientôt le petit cor ne fut plus employé dans ce seul but mais devint un instrument de musique. Les bergers cornistes créèrent des cors de différentes dimensions. Les cors au son perçant, d'un registre élevé, et les cors basses. Les manifestations les plus anciennes de la musique pour cor sont les différentes mélodies d'appel, créés par chaque berger à partir des particularités de l'échelle des sons de son cor et de sa propre interprétation. En fait, chaque berger composait sa mélodie pour son propre instrument. Sur le présent disque figure l'enregistrement de l'appel de deux cornistes qui interprètent l'une des mélodies les plus répandues "kirilla". Au 14e-16e siècles, en Russie, l'art du chant polyphonique prend naissance et se développe. C'est à peu près à la même époque qu'apparaissent des compositions polyphoniques pour cors. Le timbre du cor de Vladimir rappelle de façon frappante le son de la voix humaine et l'existence d'instruments possédants divers diapasons et registres a permis de transporter les traditions du chant populaire polyphonique aux ensembles des cornistes de Vladimir. Il faut remarquer que les bergers cornistes eux-mêmes appelaient leur formation "chœur". En 1884 un chœur de cornistes dirigé par N. KONDRATIEV représenta l'art populaire russe à l'exposition universelle de Paris. Le trio des cornistes de Vladimir interprète sur le présent enregistrement la danse populaire russe: "Dans les prairies" dont il illustre bien le caractère choral.

LA JALEIKA
L'instrument proche du cor de par sa fonction musicale est la jaleika, flûte en bois, elle aussi instrument pastoral, utilisée comme instrument solo pour l'interprétation de mélodies et l'accompagnement des chants. Parfois la jaleika fait partie des ensembles populaires instrumentaux. La jaleika est faite d'un tube de bois assez court qui comprend une anche de roseau ou de plume d'oie et se termine par un pavillon en corne de vache.

LA SVIRIEL
L'un des instruments russes les plus anciens est la sviriel, flûte droite à sifflet faite de bois d'érable, de merisier ou de saule. Cet instrument est peu à peu tombé en désuétude. En même temps, les dernières décennies ont vu apparaître toute une série de musiciens professionnels qui manient la sviriel avec virtuosité. Vous en trouverez un exemple sur ce disque.

LA CITHARE
Parmi les instruments à cordes du folklore populaire russe une place toute particulière revient aux cithares. Lors des fouilles archéologiques du Vieux Novgorod on a trouvé des cithares datées du 11e siècle. Il faut noter que l'on découvrit ces cithares dans des maisons ayant appartenu à ces citadins d'origines diverses, ce qui souligne la popularité universelle de l'instrument. En témoignent également les nombreuses œuvres de la littérature orale populaire : bylines (sorte de chanson de geste, ex. : le Dit du Prince Igor), contes, proverbes et adages. L'imagination populaire a doté les plus aimés des héros russes de chansons épiques du don de jouer de la cithare. Il existe plusieurs sortes de cithares russes, un des types les plus anciens rappelle le psaltérion. Vers la moitié du 17e siècle on créa des cithares à cordes pincées qui s'inspiraient des anciens psaltérions mais subissaient aussi une attraction vers les instruments à clavier et à cordes qui firent leur apparition à cette époque en Russie tels le clavicorde et l'épinette. L'acoustique et le jeu des cithares à cordes pincées étaient d'une remarquable qualité. Les créateurs réussirent essentiellement à éviter les défauts du clavicorde, du clavecin et de l'épinette (faiblesse du son, caractère mécanique de la production des sons) et ils purent en même temps conserver intact la tradition séculaire du jeu de cithare russe. En 1914, N. Fomine, l'un des co-fondateurs de l'orchestre populaire russe construisit, pour les cithares à cordes pincées, une ingénieuse mécanique à clavier permettant de produire sans difficultés différentes combinaisons harmoniques. Par la suite les cithares à clavier de Fomine furent employées de pair avec les cithares à cordes pincées. Sur ce disque les auditeurs pourront se familiariser avec le son de ces instruments grâce au duo de joueuses de cithares russes: V. GORODOVSKAIA et N. TCHEKANOVA.

LA DOMRA ET LA BALALAIKA
La domra, instrument à cordes pincées, a connu un destin original. De nombreuses sources écrites des 16e et 17e siècles montrent que la domra jouit d'une popularité constante auprès des trouvères. Avec leur disparition la domra sortit de la vie musicale quotidienne des Russes bien que d'après certains chercheurs ce ne fut pas l'instrument lui-même qui disparut mais son appellation, selon toute vraisemblance d'origine non-russe. La domra elle-même continua d'exister dans l'art musical populaire sous un nom qui nous est à tous familier aujourd'hui: la balalaïka.
Cette supposition n'est pas sans fondement. On ne mentionne plus la domra dans les documents historiques dès la fin du 17e siècle et c'est justement à ce moment que l'on parle de balalaïka. La balalaika n'a pas toujours eu l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. Il existait des balalaïkas à caisse triangulaire mais aussi dotées d'une caisse demi-sphérique. On en tirait des sons en frappant les cordes avec les doigts, en les faisant "vibrer", parfois à l'aide d'un médiator. La balalaïka à caisse triangulaire est la plus répandue surtout depuis la deuxième moitié du 19e siècle. C'est elle que V. ANDREEV, musicien chercheur, prit comme point de départ pour en faire un instrument plus perfectionné. Conservant la forme de l'instrument, la même technique de jeu, il conçut une balalaïka à échelle chromatique différant de la balalaïka populaire diatonique. En 1888, ANDREEV forma un orchestre composé de toute une famille de balalaïkas, du piccolo à la contrebasse. On fait remonter à cet événement la création d'un orchestre populaire russe. Sur le disque l'auditeur pourra entendre un ensemble de balalaïkas semblable à la 1re formation d'ANDREEV.
En 1896, dans le nord de la Russie on découvrit un instrument à cordes, à caisse demi-sphérique, qui servit de modèle pour créer une domra russe moderne qui fait désormais partie des divers orchestres et ensembles d'instruments populaires russes. Au même rang que les instruments à cordes pincées, cithares, domras, balalaïkas, on trouve les instruments â archet largement représentés dans l'art musical populaire.

LA VIOLE
Dans de nombreuses régions de Russie et principalement à SMOLENSK, la viole jouissait d'une grande popularité. La tradition liée son utilisation n'a pas 100 ans en Russie. Il ne s'agissait pas seulement d'une exécution en solo sur la viole mais aussi d'une composition pour ensembles soit de violes seules soit de formations comprenant plusieurs instruments populaires et des chants où figure une viole. Le disque présente un enregistrement d'un ensemble de violes qui interprète l'une des mélodies russes les plus connues: "Kamarinskaia" et la chanson populaire : "Petit Père", que l'on chante accompagné par la viole.

L'HARMONICA
L'un des plus récents instruments de musique populaire russe se trouve être l'harmonica apparu en Russie dans la première moitié du 19e siècle ; il devint en vingt ou trente ans l'instrument le plus populaire du peuple russe. Différentes sortes d'harmonicas firent leur apparition: harmonica de Saratov, de Livny, de Toula, qui se différencient par leur diapason, leur timbre et leur aspect extérieur. Le développement extraordinaire que connut l'harmonica était lié à l'apparition, à l'époque, d'une nouvelle forme de chansons russes : les "tchastouchki", courtes poésies rimées qui appartenaient au registre populaire oral et qui étaient chantées sur un rythme rapide. Elles différèrent des chansons populaires russes de style polyphonique, créant un genre musical nouveau à l'harmonie homophonique qui exigeait une structure harmonique bien marquée. L'harmonica répondait à cette exigence. Mais son répertoire dépassait largement le cadre des accompagnements de "tchastouchki" et de danses populaires. Son jeu se développa avec une forme d'improvisation instrumentale sur des thèmes de chansons populaires russes, ce qu'on appelle "Les motifs". L'évolution ultérieure de l'harmonica conduisit au début du 20e siècle à l'apparition d'un instrument possédant une gamme chromatique plus perfectionnée qui reçut en Russie le nom de baian (ou accordéon russe, du nom du BOIAN, aède légendaire de l'ancienne Russie).











Ukraine · Biélorussie

Historique


Au 13è siècle, après le démantèlement de la Russie Kiévienne en plusieurs royaumes, les territoires de l'ancienne Russie, autrefois peuplés par une seule ethnie slave-orientale connurent une évolution historique qui aboutit à la formation de trois peuples: les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses. Ils furent à l'origine de cultures (englobant bien sûr la musique) qui bien que similaires n'en avaient pas moins leurs particularismes. C'est dans la musique populaire que la culture musicale des Ukrainiens et des Biélorusses a puisé ses sources. Pendant des siècles ils ont fabriqué des instruments, ont élaboré formes et genres propres à leur musique instrumentale populaire et ont créé des formations musicales de toutes sortes. Trouvères dans la Russie Kiévienne, joueurs de bandoura et de lyre aux 16e-19e siècles de tout temps les musiciens professionnels jouèrent un grand rôle dans l'évolution de la culture musicale. Violonistes, cymbaliers et joueurs de sopel ne sont-ils pas les pères des célèbres ensembles de musique populaire appelés "Trio orchestral" et qui nous sont restés ? Les Ukrainiens et les Biélorusses ont inventé des instruments fort variés: instruments à cordes, à vent et à percussion. Certains étaient très répandus en Ukraine et en Biélorussie tels : le cymbalum, le violon, le sopel appelé aussi doudka, la lyre et la cornemuse ; d'autres comme la bandoura n'étaient représentés qu'en Ukraine.


Dictionnaire des instruments

LES BANDOURAS
Aux alentours des 15e-16e siècles, périodes de luttes héroïques contre l'envahisseur étranger, la bandoura fit son apparition. C'est à cette même époque que les "doumas" ukrainiennes apparurent elles aussi. Les "doumas" étaient des œuvres poétiques qui chantaient les hauts-faits des héros populaires ; elles reflétaient les préoccupations éthico-morales élevées du peuple. Les bandouras, instruments de musique cordes pincées, étaient de par leur son l'instrument le plus même de rendre le caractère épique ainsi que le contenu de la "douma". C'est donc accompagné d'une bandoura que l'on composait les "doumas". Le chanteur populaire ou KOZBARDANDOURIST (de kozba qui est un autre nom pour la bandoura) jouait un rôle de tout premier plan dans le domaine musical mais également dans la vie politique du peuple ukrainien. Les documents historiques ont porté a notre connaissance les persécutions endurées par les musiciens ainsi que l'extermination physique qu'ils subirent de la part des étrangers qui envahirent l'Ukraine. La bandoura était particulièrement renommée chez les Cosaques de Zaporoje. Le Cosaque arborait sa bandoura aux côtés de son sabre et jamais, ni chez lui, ni sur les routes, il ne s'en séparait. Il n'était pas rare qu'un cosaque perde la vue au cours d'un combat. Il prenait alors sa bandoura, allait par villes et villages d'Ukraine et chantait des "doumas" qui narraient les événements dont lui-même avait été le témoin. Ainsi s'expliquent la connotation dramatique et le fonds de profonde tristesse qui caractérisent la "douma" où se côtoient héroïsme et sens tragique. Instrument d'accompagnement des "doumas" et des chansons, la bandoura se prêtait aussi l'exécution de danses. Un témoin de cette époque écrit: "Les joueurs de bandoura sont extrêmement joyeux; peuple subtil, ils savent plaisanter. J'ai passé du temps regarder avec quel entrain ils exécutent des danses ukrainiennes". La tradition voulait que les joueurs de bandoura soient des hommes. Pourtant ces dix dernières années une formation musicale féminine a connu un succès extraordinaire en Ukraine. A dire vrai, elle se limite l'interprétation de chansons lyriques et de danses. Les "doumas", elles, comme autrefois, ne sont interprétées que par des joueurs debandoura mâles. Toutes les formes de l'interprétation artistique des joueurs de bandoura d'Ukraine mentionnées ci-dessus, figurent sur le disque.

LE VIOLON
En Ukraine le violon est aussi renommé que la bandoura. Dès la fin du 16e siècle des documents écrits mentionnent violons et violonistes. De nos jours la plupart des violonistes jouent sur des instruments de facture industrielle. Les habitants des Carpathes ou Goutsouls affectionnent tout particulièrement le violon. C'est dans cette région que les violonistes se sont forgés la culture populaire qui leur est propre. Le répertoire des violonistes des Carpathes ou Goutsouls est riche en danses et chants. On y trouve aussi de la musique de concert. Les représentants de cette tradition musicale populaire sont les frères KIRILL, SPIRIDON et LOUKA PRILIPTCHAN dont l'enregistrement figure sur le disque. Dès le 16e siècle la renommée du violon s'étend a la Biélorussie. Le répertoire des violonistes biélorusses est très varié. On y trouve des danses et des mélodies nuptiales; au cours du rite nuptial biélorusse, rares sont les moments où le violon se tait. Le violon ou comme on dit en Biélorussie: la "MOUZIKA", accompagnait les fiancés a l'autel, se faisait entendre sitôt après la bénédiction des jeunes mariés, pendant la préparation de la miche de pain, ainsi que pendant tout le banquet. De nos jours Biélorusses et Ukrainiens utilisent le violon aussi bien comme un instrument soliste que comme un instrument d'ensemble. Le violon est une des constantes des formations instrumentales populaires ou "trio orchestral". En Biélorussie ces ensembles portent le nom de "Court". Ils sont composés le plus souvent d'un violon, d'un cymbalum et d'un tambour de basque. Cet ensemble peut, bien sûr, être élargi et il n'est pas rare d'y trouver la sopel, sorte de flûte au registre aigu, la basetlia, instrument semblable au violoncelle et un accordéon.

LA LYRE EN CERCEAU
Parmi les instruments à archet, on trouve en Biélorussie et en Ukraine la lyre en cerceau, compagne de misère des chanteurs errants qui déclamaient des poésies mystico-religieuses tout en s'en accompagnant. Le son mélancolique propre à cet instrument correspondait tout à fait au style et au contenu du chant des joueurs de lyres. Dans les années 20, avec la disparition en Ukraine et en Biélorussie de près d'un siècle, l'art de la lyre déclina rapidement à tel point qu'aujourd'hui cet instrument a pratiquement disparu des mœurs musicales. Désormais, la lyre n'est plus guère employée que comme un instrument d'appoint dans des orchestres professionnels populaires ukrainiens et biélorusses.

LE CYMBALUM
Le cymbalum, instrument à plusieurs cordes et à percussion, est très répandu chez les Ukrainiens et plus particulièrement chez les Biélorusses. Le son en est sonore, savoureux et s'harmonise parfaitement avec les joyeuses danses d'Ukraine et de Biélorussie. C'est au 16e siècle que le cymbalum fit son apparition. Importé de l'Europe de l'Est par des musiciens ambulants, il fut au goût des populations locales et dès le 17e siècle on s'en servit couramment si l'on en juge par les documents écrits de cette période. Noces, fêtes rurales, s'accomplissaient aux accents du cymbalum. Un répertoire se forgea ainsi; il comprenait: des marches nuptiales, des chants et des danses. Actuellement on utilise le cymbalum en instrument soliste ou d'ensemble. Dans les années 30 de ce siècle en Biélorussie, un orchestre de cymbalums vit le jour: il porte aujourd'hui le nom d'un de ses fondateurs, I. JINOVITCH. On créa bientôt une version améliorée du cymbalum: un cymbalum à gamme chromatique (différents des instruments populaires diatoniques) avec des variantes orchestrales.

LA SOPEL OU DOUDKA
Comme nous l'avons déjà dit précédemment, l'un des instruments qui composait le "trio orchestral" était la flûte à registre aigu, ou sopel, du nom que lui donnèrent les Ukrainiens ou encore doudka d'après les Biélorusses. La sopel ou doudka est un tube de bois long de 30 à 45 cm troué en sa partie supérieure de manière à produire un son strident. Le registre de cet instrument est élevé bien que de nos jours les facteurs se sont mis à fabriquer des sopels et des doudkas au registre plus grave. On a donc formé des ensembles de sopels et de doudkas qui accompagnent les danses et les chants d'Ukraine et de Biélorussie. Parmi le répertoire des joueurs de doudkas biélorusses, il convient de distinguer les mélodies improvisées ou "jeu spontané", du nom que leur donnent leurs interprètes. Elles sont le reflet de chansons populaires que les musiciens ont transformées et développées.

LA JALEIKA
Parmi les instruments à vent et à anche on dénombre la jaleika (qu'on appelle aussi cor de berger en Biélorussie) et la douda (cornemuse). En Biélorussie il y a deux sortes de jaleika. L'une d'elle est faite au moyen d'une tige de seigle ou de roseau arrivé à maturité, à l'extrémité de laquelle on entaille une anche. On pratique quelques trous pour les doigts. On peut entendre une jaleika de ce type dans le morceau: "chansons nuptiale de Minsk et de Gomel" interprétées par V. PARKHOMENKO. L'existence de cet instrument était brève et liée en général à l'époque où le seigle et le roseau étaient arrivés à maturité. On fabriquait aussi des jaleikas de bois ; pourvu d'un pavillon de corne de vache cet instrument produisait un son nasillard et puissant que l'on entendait de très loin. Ce sont les bergers qui l'utilisaient. Elle est différente en Ukraine.

LA DOUDA
La douda ukrainienne ou biélorusse n'est pas autre chose que l'instrument mondialement connu sous le nom de cornemuse. Dans un soufflet de cuir on fiche 2 ou 3 tubes dont les extrémités comportent des anches mobiles. L'un des tubes sert à la mélodie, les autres ne produisent que des sons invariables; on les appelle bourdons. Tout d'abord le musicien gonfle le soufflet à l'aide d'un tuyau réservé à cet usage. Ensuite au fur et à mesure que le musicien joue, l'air va et vient entre le soufflet et les tuyaux d'où il s'échappe en produisant des sons. Cela permettait au musicien de chanter des petits refrains en même temps qu'il jouait. Un spécimen de cette interprétation de la douda se retrouve sur ce disque. Très longtemps la cornemuse accompagna non seulement les fêtes, festivités villageoises et foires, mais aussi les fêtes agricoles et les rites familiaux. Au début du 20e siècle en Biélorussie, la cornemuse disparut au profit de l'accordéon, du cymbalum et du violon. Par contre on la trouve encore de nos jours dans la partie occidentale de l'Ukraine.

TROMPE, TREMBITA et SOURMA
Dans les grandes forêts de Biélorussie et dans les Carpathes en Ukraine, on se servait d'immenses trompes de bois longues de 2 m1/2 sans trous et que bergers, bûcherons et flotteurs de bois utilisaient comme un instrument d'appel. C'est au son de sa trompe ou trembita que le berger goutsoul rassemblait pastoureaux et troupeaux éparpillés dans la montagne. On jouait aussi sur ces trompes des mélodies funèbres qui annonçaient la mort d'un montagnard. La sourma biélorusse, proche de la trembita avait elle aussi avant tout un rôle d'appel. Elle marquait aussi le rythme de la vie pastorale: c'est avec elle qu'on sonnait le réveil et que l'on invitait les femmes à traire les animaux, le soir. Il arrivait aussi que le berger se serve de la trompe pour avertir ses compagnons de la perte d'une bete. Bien que le registre de la sourma soit limité, les musiciens expérimentés peuvent interpréter des mélodies simples, des chants et des danses. L'auditeur pourra apprécier le son de ces instruments de musique très anciens, grâce à l'enregistrement de mélodies d'appel jouées à la trembita et à la sourma.

DRYMBA
L'auditeur pourra entendre 2 autres instruments ukrainiens dans la danse ukrainienne: "KOLOMIIKA" interprétée sur la drymba, sorte de petit fer à cheval d'une longueur de 10 cm au centre duquel se trouve une tige d'acier. Cet instrument existe dans le monde entier sous des noms différents. A l'aide d'une main on tient la drymba dans la bouche et avec les doigts de l'autre main on fait vibrer la tige d'acier. En modifiant l'ouverture de la bouche, l'interprète augmente l'une ou l'autre des harmoniques qui accompagnent le son de la languette métallique. Le musicien compose ainsi de simples mélodies qui résonnent sur le ton de base qui dépend de la longueur et de l'épaisseur de la languette. Peut-être l'attention de l'auditeur sera-t-elle aiguisée par des sons peu familiers dans le morceau "trio orchestral".

BOUGAI
Ces sons stridents à la hauteur indéfinissable qui rappellent le mugissement du taureau sont produits sur l'instruments ukrainien appelé bougaï (littéralement : taureau). Le bougaï est un tambour de moyenne dimension dont l'un des côtés est tendu d'une membrane. Au centre de la membrane est fixée une touffe de crin de cheval que le musicien, après l'avoir saisie entre ses doigts et les paumes de ses deux mains, fera rouler, ce qui produira un son semblable à un mugissement. Autrefois, cet instrument était très employé par les jeunes a l'occasion de la fête du nouvel an. Il servait à accompagner la KOLIADKA, chanson rituelle autrefois chantée à l'occasion du nouvel an en Ukraine. C'est avant tout comme un élément comique que le bougaï s'emploie actuellement au sein de certaines formations de musiques instrumentales populaires d'Ukraine.



2. Ouzbékistan, Tadjikistan, Géorgie



Ouzbékistan

01 - Sournai Dougokhi      [3:42]
I. Tadjiev, kouchnaï

02 - Dastance Gour-Ougly [fragment]      [1:59]
K. Niazov, chant & doutar

03 - Kholimni Sourmaissan     [2:48]
T. Alimatov, sato

04 - Gardoun Navo  [extract of Chachmakome]       [2:01]
A. Khamidov, doutar

05 - Assalom (chanson populaire)     [3:32]
G. Iakouvov, chant - Trio d'instruments populaires:
S. Azimov, doïra - A. Ismailov, ghidjak - A. Adidov, doutar

06 - Kouchtchinar "Deux platanes"      [2:58]
T. Alimatov, tambour

07 - Baiot Ou      [2:47]
S. Fakhritdin, tchang

08 - Doutchava I      [2:08]
Ensemble d'instruments à vent et à percussion:
A. Khodjaev, karnaï - C. Toursounmatov, sournaï - B. Isamoukhamedov, sournaï
T. Mouminov, tournaï - A. Tournaev, nagora - A. Touraev, doïra


Tadjikistan

09 - Iroki Darvoz      [3:00]
B. Khabibov, ghidjak - A Fasylov, doïra

10 - Dila Frouz      [3:54]
N. Chaoulov, nai

11 - 3 Ang     [2:29]
I. Alaev, doïra

12 - Taronai Baiot       [3:25]
R. Tolmasov, chant - Ensemble d'instruments populaires

13 - Sarvi Simin     [3:02]
Nazar Khourchid Ali Zade, roubab de Badakhchan

14 - Nasimi Koukhsor "Brise montagnarde"      [3:32]
M. Tavallaev, setor

15 - Er oiad dar baram "Viendras-tu ?"      [3:02]
N. Kachimov, chant et roubab - A. Amonov, doïra


Géorgie

16 - Zorka      [1:36]
M. Adamachvili, zourna

17 - Rythmes géorgiens      [1:11]
Z. Gaboian,  A. Sarkissov, dool

18 - Présence, chanson accompagnée au goudastviri   [2:36]
Ch. Djaparidze

19 - Kartouli, danse géorgienne      [2:00]
A. Beradze, Ion Veroulidze - tchongouri

20 - Mitsem Souri, danse pastorale     [1:30]
N. Nadirachvili, salamouri - R. Nadirachvili, G. Assanachvili, pandouri

21 - Pastorale mélodie d'Abkhazie      [1:17]
Dj. Kheuia, atcharpan - Chorale traditionnelle abkhaze des anciens 'Nartaa'

22 - Chanson sur Jana Atchba, héros d'Abkhazie      [2:09]
Kh. Khintba, apkhertsa - chorale 'Nartaa'

23 - Satchidao       [1:51]
B. Melikichivili, tchouniri - E. Agniachvili, pandouri

24 - Moukhambazi, chanson citadine géorgienne      [3:04]
M. Bederachvili, chant - Ensemble de doudouks

25 - Mitoulouri, Gorskaïa       [3:21]
Ensemble de doudouks, direction: G. Ksovreli



Ouzbékistan · Tadjikistan


Historique

Depuis les temps les plus reculés, deux tribus occupent un vaste territoire d'Asie Centrale: les Tadjiks. Quoique les ancêtres des Ouzbeks aient été des Turcs nomades et que les Tadjiks remontassent a des tribus de Perse Orientale; quoique ces deux peuples parlassent des langues différentes, leur cohabitation multiséculaire sur des territoires limitrophes ou communs, leur longue collaboration dans le domaine des sciences et des arts, une large pratique de leurs langues mutuelles ont contribué au rapprochement de leurs cultures nationales où la musique occupe une place essentielle. L'art musical de ces peuples s'est développé sur les mêmes bases modèles, mélodiques et rythmiques, avec les mêmes principes formels. Si bien qu'il est fréquent de rencontrer les mêmes mélodies pour chant avec deux variantes de texte, l'une Ouzbek, l'autre Tadjik. Les instruments de musique rencontrés dans les vallées du Tadjikistan sont également des instruments ouzbeks. Le propre de la culture musicale des Ouzbeks et des Tadjiks, apparentée d'ailleurs à la tradition monodique de nombreux autres peuples orientaux, est d'avoir été durant des siècles exclusivement orale. Cette tradition se conserve même quand apparaît au Moyen Age un état féodal dont le centre est Boukhara (9e-10e siècles) où se forment des corporations de musiciens professionnels populaires que la culture musicale des deux peuples atteint un haut niveau artistique. Les musiciens professionnels ouzbeks et tadjiks utilisent différentes formes de musique populaire vocale et instrumentale qui aboutirent à la création d’œuvres nouvelles d'une plus grande ampleur. Ce sont les "makomes". Le "makom" tadjik et ouzbek est une suite comportant plusieurs pièces et divisée en deux grandes parties, la première exclusivement instrumentale, la seconde instrumentale et vocale. La première partie s'intitule "mouchkilot" (littéralement "difficulté") et la deuxième "nasr" ("prose"), c'est-à-dire œuvre musicale accompagnée d'un texte. Le mouchkilot comprend cinq pièces principales jouées sur des instruments à vent ou à cordes.
Ce sont :
1) Le TASNIF ("mélodie"),
2) Le TARDJE (littéralement "répétition" ou reprise, joué sur le même rythme que les pièces précédentes),
3) Le GARDOUN ("Voûte Céleste"),
4) Le MOUKHAMMAS,
5) Le SAKIL (pièce à mouvement lent).
La première partie du "makon" sert en quelque sorte de grande ouverture instrumentale, divisée en nombreuses pièces à deuxième partie vocale qui comprend quatre subdivisions:
1) Le SARAKHABAR, ouverture,
2) Le TALKIN, sorte de mélodie vocale,
3) Le MASR, autre sorte de mélodie vocale,
4) L'OUFAR, final sur un rythme de danse.
Les plus grands poètes tadjiks et ouzbeks ont écrit les poèmes dont sont tirés les textes de ces morceaux. Il s'agit de Roudaki, mort en 1941, de Saadi (1184-1291), Djami (1414-1492), Navoï (1441-1501). Entre les principaux morceaux de la partie vocale du "makom" trouvent place de plus petites pièces appelées "tarona". Les mélodies dont sont issues les "makoms" étaient célèbres et utilisées en tant que constructions mélodiques précises sur tel ou tel mode. Instrumentalistes et chanteurs, partant de ces mélodies de base, improvisaient, se livraient à des variations qu'ils agrémentaient de motifs et fioritures diverses. Le long processus de développement de la musique professionnelle tadjik et ouzbek a abouti à la création d'un cycle comprenant 6 "makoms", le "chackmak". Il contient les makoms suivants :
"BOURZOUK" - "ROST" - "NAVO" - "DOUGOKH" - "SEGOKH" - "IROK",
dont les titres proviennent des principaux modes harmoniques selon lesquels ils ont été composés. Dans la vallée du Ferghana et à Tachkent, les makoms développaient des traditions ouzbékes purement locales. Il s'agit des "Tchorgokh", "Baïot", "Goulior-Chakhnoz". Chacun de ces makoms comprend 5 ou 6 parties portant parfois le même titre, par exemple: "Baïot I", "Baïot II" etc.

Différentes pièces des deux grandes parties instrumentales et vocales des makoms figurent sur ce disque, il s'agit des "Izok", "Baïot", "Navo", "Donghokhi", interprétés par des solistes et par des ensembles d'instruments populaires. Dans la musique traditionnelle tadjike et ouzbèke on trouve des ensembles instrumentaux de différentes compositions. Au Xe siècle, déjà, le célèbre philosophe médiéval AL-FARABI (871-950) écrivait que les instruments qui s'harmonisaient le mieux étaient le tanbour et le roubab; le roubab et les instruments à vent en bois. On peut voir sur un grand nombre de miniatures médiévales des ensembles d'instruments populaires. Ces ensembles se répartissaient en deux sortes selon les fonctions qu'ils remplissaient et les conditions où ils apparaissaient dans la vie quotidienne. Les premiers de ces ensembles étaient composés d'instruments à vent (karnaï, sournaï) et à percussion (nagora, doïra).


Dictionnaire des instruments 

LE KARNAÏ
Le karnaï est une trompette de laiton sans trous, longue de 3 mètres. Pendant qu'il joue, le musicien tient l'instrument avec le pavillon dirigé vers le haut et en se tournant il envoie les sons dans différentes directions. La voix forte et éclatante du karnaï retentit très loin, pour cette raison depuis bien longtemps, il était utilisé pour les signaux et les appels.

LE SOURNAÏ
Le sournaï est un instrument à vent, à anche en bois. Le son du sournaï est excessivement perçant et puissant.
La manière d'en jouer est intéressante : les musiciens ont recours à une méthode particulière de respiration et ils arrivent à produire un son même pendant l'inspiration de l'air. Dans un ensemble la mélodie jouée sur le sournaï iest accompagnée par les fanfares assourdissantes des karnaïs et les rythmes des instruments à percussion, la nagora, sorte de timbale double, faïte de deux pots d'argile inégaux dont les extrémités ouvertes sont tendues d'une membrane de peau et la doira, grand tambourin, muni d'anneaux métalliques. La musique de ces ensembles accompagnait aussi les spectacles de funambules. Les mélodies liées à ce spectacle très apprécié des Ouzbeks et des Tadjiks se jouent souvent seules désormais. On peut entendre sur le présent compact le son d'un ensemble traditionnel d'instruments populaires à vent et à percussion. La mélodie "Doutchava l" ("Deux Piliers") accompagne justement la performance d'un funambule. Le deuxième type d'ensemble instrumental ouzbek et tadjik est composé de différents instruments à cordes (doutar, tambour, ghidjah, sato, roubab, tchang) et de la doïra. S'y adjoint parfois le maï, flûte traversière ou le kochnaï, instrument à vent à anche, fait de deux tubes de roseau, de même grandeur et liés ensemble. Le léger décalage dans l'accordage des tuyaux du kochnaï lui donne un timbre caractéristique. Les possibilités expressives de ces ensembles leur permettent d'accompagner chants et danses en lieu clos.

LE DOUTAR
L'un des instruments populaires tadjik et ouzbek les plus répandus et les plus aimés est le doutar. C'est un instrument à deux cordes dont la caisse a la forme d'une poire, avec un long manche. On en tire des sons en faisant vibrer les cordes avec les doigts de la main droite. Au répertoire des morceaux pour le doutar figurent des variantes instrumentales de mélodies et les pièces instrumentales des makoms, dont l'une d'elles est interprétée sur ce compact.

LE TANBOUR
Le tanbour, instrument à trois cordes pincées fut l'un des instruments de musique fondamentaux des anciennes tribus ouzbèkes et tadjikes. Il était très répandu à Boukhara. AL-FARABI (871- 950) en parle dans son œuvre "Le grand livre de la musique", le tanbour, contrairement à d'autres instruments à cordes pincées, en usage aujourd'hui en Ouzbékistan et au Tadjikistan, possède une échelle diatonique. Mais comme les cordes de l'instrument sont disposées très haut sur le manche, l'interprète, en augmentant ou diminuant le pincement de la corde, peut modifier la hauteur du son d'un demi-ton seulement. Grâce à ce procédé, les joueurs de tambour obtiennent un vibrato des cordes accompagné d'un effet d'écho. Il existe des variantes de cet instrument : tchortor, pandjto, chachtor (tanbours à 4, 5, 6 cordes).

LE SETOR
Dans les régions montagneuses du Tadjikistan, on rencontre le setor qui rappelle le tanbour. Il possède 3 cordes principales et 8 a 12 cordes sympathiques, accordées sur les premières notes de la corde mélodique.

LE ROUBAB
On trouve fréquemment des cordes sympathiques sur les instruments des peuples orientaux, et le roubab, instrument a cordes pincées et le sato, instrument a archet. Il existe plusieurs sortes de roubabs : le roubab de Boukhara ou du Ferghana, de Kachgar, de Doulan, du Badakhchan, ou du Pamir qui diffèrent par la forme de la caisse et le nombre de cordes. La table d'harmonie supérieure des roubabs de toutes sortes est ouverte d'une membrane de peau qui donne la sonorité du tambour à ces instruments. On interprète traditionnellement sur les roubabs des mélodies monophoniques, mais le roubab est utilisé aussi pour accompagner les chansons de tous genres.

LE GHIDJAK
Le ghidjak est l'un des instruments a cordes et à archet les plus populaires en Ouzbekistan et au Tadjikistan. Il possède 3 ou 4 cordes, une caisse sphérique dont la partie supérieure est couverte d'une membrane de peau. Sur les anciens instruments, on tendait des cordes de soie, aujourd'hui elles sont métalliques. On interprète sur le ghidjak des morceaux de makoms et des mélodies de danses ou vocales populaires en recourant a différentes notes d'agrément et a des petits ornements mélodiques (Vorschlag et Nordente) ainsi qu'a des vibratos avec glissando sur moins d'un demi-tour. Ces procédés donnent une particulière expressivité d'interprétation grâce a la richesse des nuances dynamiques déployées par les joueurs de ghidjak.

LE SATO
Le sato se distingue par la beauté particulière de son timbre, cet instrument est mentionné par le célèbre Ibn-Sina, connu en Europe sous le nom d'Avicienne (vers 980-1037) dans son "Livre de la Délivrance de l’Âme". Le sato ressemble extérieurement au tanbour mais sa caisse est plus grosse et son manche atteint 130-140 cm. Son jeu nécessitant une grande habilité technique, on le trouve principalement parmi les musiciens professionnels qui y jouent essentiellement des morceaux lyriques et méditatifs.

LE TCHANG
A la fin du XIXe siècle apparut en Ouzbékistan et au Tadjikistan, le tchang, instrument à cordes et à percussion qui rappelle par son aspect et la façon dont on joue les petits cymbalums européens. Il faut noter qu'autrefois on connaissait sous le nom de tchang un tout autre instrument, sorte de harpe angulaire, qui a complètement disparu aujourd'hui. Les instruments à percussion occupent une grande place dans l'art musical des peuples d'Orient. Tels les timbales, les tambours, les tambours de basque.

LA DOIRA
Les rythmes interprétés sur ces instruments, formules de caractère et d'harmonie différents, les oussoulis, dans leur principe sont toujours liés aux particularités métrorythmiques de la mélodie et du texte poétique des chants. En Ouzbékistan et au Tadjikistan les oussoulis sont le plus souvent interprétés à la doira, instrument jouissant de possibilités exceptionnelles du point de vue du rythme, du timbre et de la dynamique. La doïra entre dans la composition de différents ensembles instrumentaux et est utilisée seule pour accompagner des danses spécifiques: les "Tchirmanda Ouin" (danses avec la doïra). Au programme du disque figure une danse "Zang" (c'est ainsi qu'on appelle les bracelets à clochettes que mettent les danseurs aux bras et aux pieds). Elle permettra d'entendre l'interprétation des joueurs de doïra.
A côté des œuvres purement musicales on emploie toute une série d'instruments populaires pour accompagner le récit des "dastanes", légendes épiques des peuples ouzbeks et tadjiks. Les interprètes de dastanes, poètes improvisateurs et musiciens de grand talent, développaient en prose à partir d'un canevas une légende séculaire. Ils chantaient avec art en s'accompagnant au doutar ou à la doumbraka (variante du doutar) les épisodes poétiques du dastane, qui relataient les épreuves spirituelles des héros de l'épopée. Dans certaines régions d'Ouzbékistan il existe une tradition qui veut que l'on interprète les dastanes en émettant des sons rappelant la sonorité d'une voix "rauque". Les légendes épiques les plus connues appartiennent au cycle de dastanes "Gour-Ougly" qui racontent la vie et les hauts faits des héros qui ont vaincus les ennemis de leur peuple. Le sujet du dastane "Gour-Ougly" se rencontre fréquemment chez de nombreux peuples d'Orient. On trouvera sur le disque un fragment musical d'un dastane Ouzbek qui porte ce titre.







Géorgie

Historique

Aux portes de l'Asie, il y a environ trois mille ans, les ancêtres des Géorgiens, membres des tribus Hittites et Ibères, fondèrent deux royaumes, la Colchide et l’Ibéride. Celui d'Ourartou (IV-VIe siècles avant J.C.) fut édifié sur les plateaux de l'Arménie à la même époque. Après sa chute, la population se mêla, aux côtés des Arméniens, aux Haïasses ; c'est de cette fusion que naquit le peuple arménien. Soumis aux régimes des conquérants, les Arméniens et les Géorgiens surent conserver leur authenticité, en dépit d'innombrables influences (persane, grecque, macédonienne, arabe, etc.). La musique occupait une place importante chez ces peuplades, comme en témoigne au VIe siècle avant notre ère l'historien grec Xenophon. Il nous apprend que les Cazes (ancêtres des Géorgiens) marchaient au combat en s'accompagnant de chants et en dansant. Le géographe grec Strabon signale l'apparition précoce de chœurs dans les fêtes religieuses et païennes, dès le 1er siècle avant J.C.


Dictionnaire des instruments 

LE SVIREL, LE SALAMOURI
Aujourd'hui encore l'instrument favori des bergers, c'est aussi le plus ancien, comme l'atteste la découverte de svirels datant du IIe siècle avant J.C. sur les sites archéologiques de Garni, en Arménie et de Mtskheta en Géorgie. C'est un instrument à trois trous, fabriqués à partir de longs os d'oiseaux (probablement de cigogne). De nos jours il comporte huit trous, et qu'il soit en bois, en roseau ou parfois en métal, il est toujours délicatement décoré. Il existe de nombreux svirels en Arménie, avec ou sans sifflet. En Géorgie, le plus répandu est le salamouris. Le son en est doux et assourdi dans les graves, fort et perçant dans les aigus. C'est un véritable outil pour le berger, qui en joue au départ du troupeau, et peut communiquer aussi avec les autres bergers. Cet instrument accompagne également les réjouissances. Son nom signifie "salut", "salutation". Les salamouris font souvent partie des ensembles vocaux et instrumentaux. Certains musiciens excellent à jouer sur deux instruments à la fois, comme il en est proposé un exemple sur ce compact.

L'ATCHARPAN
Les Abkhazes, peuple dont le territoire est intégré à l'actuelle Géorgie, chérissaient particulièrement l'atcharpan, flûte ouverte qui tire son nom de la plante "atcharpan", utilisée pour sa fabrication. Le musicien, tout en jouant, émet un bourdonnement grave et obtient ainsi deux sons à la fois. Une légende d'Abkhazie raconte l'origine de l'atcharpan. Un héros "narte" (tribu vivant au Nord-Ouest du Caucase) du nom de Kiatavan, gardait un troupeau dans la montagne. La chaleur était torride, et il somnolait lorsqu'il entendit une voix l’interpeller :
"Hé, Kiatavan! Mon frère narte,
Tu t'endors! Mais ne vois-tu pas
Que tes brebis broutent la plante
Par laquelle tu seras immortel?"
Kiatavan sursauta; il vit les brebis paître l'atcharpan, dont il ne restait plus qu'une racine. Comme il allait s'en emparer, un mouton l'attrapa. Kiatavan aussitôt la lui reprit, mais la marque des dents de l'animal demeura incrustée dans la tige. Pour lui rendre sa forme, il souffla dedans; aussitôt s'en échappa un son envoûtant. Kiatavan commence alors à jouer, et la mélodie s'envole vers la vallée. Ainsi naquit l'atcharpan, svirel typiquement pastoral. Les ritournelles sont liées en majorité a la vie des bergers et a leurs croyances: ils jouent en suivant leur troupeau, pour favoriser l'appétit de leurs bêtes et leur donner plus de lait.
Les autres instruments à vent, a anche, répandus dans ces deux régions sont la zourna, le doudouk, la volinka.

LA ZOURNA
Très ancienne, elle est évoquée à maintes reprises dans la célèbre épopée arménienne "David Sasouski", qui date du 9e siècle. Toutes les taches paysannes s'exécutaient au son de la zourna (les vendanges, la mouture du grain, le transport des fardeaux, etc.), et les jours de fête, sa présence était indispensable comme elle l'est demeurée aujourd'hui encore. Un jeu "forte" ou "fortissimo", un son puissant, un timbre perçant, destinaient cet instrument a la musique en plein air. Le trio est la formation la plus fréquente: le maître joue la mélodie, le second musicien émet des bourdonnements étouffés en jouant, cependant qu'un troisième les accompagne en frappant sur un dool (tambour). Le répertoire des zournas comprend des danses, des musiques rituelles, des hymnes, par exemple les hymnes au matin "Saari" et "Zorka" que l'on jouait lorsque les festins se prolongeaient jusqu'à l'aube.

LE DOUDOUK
La technique de jeu est exactement la même que pour la zourna, mais le timbre en diffère complètement: doux et lyrique, c'est peut-être l'instrument à vent le plus beau; avec ses nuances raffinées, sa tonalité souple, il a des accents de voix humaine. Le son expressif et pénétrant est parfaitement mis en valeur par les mélodies lyriques arméniennes. Les danses sont exécutées par des ensembles de doudouk accompagnés d'un dool, que l'on frappe avec les doigts, tandis qu'on emploie des baguettes s'il s'agit de zournas.
En Géorgie, les chants se mêlent spontanément à la musique. Au début du siècle, on y rencontrait encore des musiciens itinérants : les mestvires, qui chantaient et jouaient de la cornemuse. Ils se produisaient sur les places les jours de marché. Leurs chansons, quoique préparées, donnaient le sentiment d'improvisations. Le chanteur se présentait à un repas de fête sans y avoir été invité, comme le voulait la tradition: il demandait leurs noms aux convives, et les intégrait à l'une des chansons de son répertoire. L'humour fin et la satire acerbe des mestvires expliquent leur très grande popularité. Ils transmettaient leur art à des élèves qui les suivaient de village en village. Ils apprenaient pendant trois ans à improviser des vers, à chanter et à jouer de la cornemuse.

LE GOUDASTVIRI (cornemuse)
Le mot gouda signifie outre, et stviri est le suffixe apposé au nom des instruments à vent. La poche est en peau, reliée à trois tuyaux, dont deux sont mélodiques, et dont le troisième sert à insuffler l'air. Le goudastviri n'a pas de tuyau bourdon, et c'est en cela qu'il se distingue des autres cornemuses. Il permet au musicien d'interpréter des morceaux relativement complexes à deux tonalités, ce qui reflète l'évolution précoce, en Géorgie, du chant choral.

LE PARAKAPZOUK
Instrument arménien proche du goudastviri, utilisé par les musiciens itinérants, qui en jouaient seuls ou pour accompagner des spectacles de funambules. Cet instrument n'apparaît plus aujourd'hui que dans les ensembles traditionnels.

LES TCHIANOURI ET LES TCHOUNIRI
Instruments à deux, trois ou quatre cordes, dont la caisse est ronde et couverte dans sa partie supérieure d'une peau. Avant de les utiliser, on les expose au soleil ou à une source de chaleur pour en améliorer la sonorité. Ils sont tellement sensibles au vent et l'humidité, que les Svani (Géorgiens) en les écoutant, pouvaient déterminer le temps qu'il ferait. Le morceau "Satchidao" proposé sur ce compact (tchouniri et pandouri - instruments à cordes pincées) accompagne les compétitions de tchidaoba (lutte géorgienne).

L'APKHERTSA
Instrument à deux cordes et archet, occupant une place prépondérante en Abkhazie. Selon les conteurs, il aurait été créé par le désespoir que suscitèrent plusieurs siècles de guerres incessantes. Ses mélodies soulageaient le peuple de ses souffrances. Autrefois, quand les armées avançaient sur l'ennemi, un soldat les précédait en jouant de l'apkhertsa pour les entraîner. S'il était blessé, un autre le remplaçait aussitôt. D'ailleurs, le nom de cet instrument signifie littéralement "qui pousse à avancer". Considéré aussi comme un moyen de calmer la douleur, il servait aux musiciens pour chanter et jouer des pièces sacrées au chevet des blessés et des malades. En effet la maladie, selon les traditions abkhazes, révèle la présence de Dieu, et le chant recèle ainsi la double faculté d'éloigner le mal et d'apaiser Dieu pour qu'il accorde la guérison. D'une manière générale, l'apkhertsa est lié à de nombreux rites issus des anciennes pratiques païennes: incantations à la pluie, ou pour remercier le dieu de la chasse, Djeïchanou. Les récits héroïques forment une part importante du répertoire pour apkhertsa. Consacré au célèbre musicien-chanteur Jana Atchba, qui vécut dans la première moitié du XIX siècle, la chanson proposée ici est interprétée par le "Nartaa", un chœur d'anciens (ses membres sont âgés de quatre-vingts à cent ans).

LE PANDOURI
Très ancien, il est indissociable des croyances et des coutumes. Pour le fabriquer, il fallait abattre un arbre en été, un jour de pleine lune, puis le façonner d'une seule pièce en évidant le côté qui avait été exposé au soleil. Pour la résonance, on perçait la table d'harmonie avec du plomb en fusion. Le pandouri est le symbole de la joie; aussi était-il interdit de l'employer dans une famille ayant perdu l'un des siens, le deuil étant porté durant un an. Son nom est souvent attribué à d'autres instruments à cordes;il est cité pour la première fois dans des manuscrits du Xe siècle.

LE TCHONGOURI
II comporte quatre cordes, sa caisse en forme de poire est faite de pièces de bois collées. Ces deux instruments ont des bases communes: un même répertoire, des traditions de jeu et des possibilités expressives et techniques.

LE DOOL
C'est un tambour double face, tendu de peaux de veau ou de mouton. On en joue avec les mains ou avec des baguettes de bois, la première étant légèrement recourbée, l'autre plus fine et droite, chacune servant a frapper l'une des deux faces. L'une des peaux étant plus épaisse, on obtient de multiples tonalités. La rythmique est exécutée différemment sur le dool, la nagara (petit tambour en céramique) et le dafet ; l'ensemble confère diversité et animation aux orchestres populaires.



3. Arménie, Lithuanie, Moldavie



a) Arménie

01 - L'appel du Berger      [2:09]
E. Markarian, chvi

02 - Danse du funambule       [1:33]
V. Arontiounian, zourna - V. Vartanian, dool

03 - Tsitsernak     [2:29]
A. Karakhan, tar

04 - Nuit de cliar de lune         [2:51]
G. Nikogocian, Mouradiankemantcha
Dj. Gasparian, doudouk

05 - En soutant      [2:01]
Dj. Gasparian, bloul - L. Avetission, dool

06 - Kouchtchinar "Deux platanes"      [2:33]
R. Matevossian, chant & orchestre d'instruments arméniens

07 - Dès le petit jour, chanson rituelle arménienne du moyen-âge      [3:10]
M. Malkhassian, doudouk
K. Akopian et V. Aroian, doudouk

08 - Chalakho, danse arménienne      [2:53]
A. Mirzoian, canou - G. Akhvardian, dool


b) Lithuanie 

09 - Chanson du bouc (soutartinès)      [0:55]
A. Baliba, I. Barzdeikis, Iou Chkma, dautitès

10 - Que pousse le houblon (soutartinès de printemps)       [1:17]
Ensemble folklorique féminin de l'Univirsité d'État de Vilnius

11 - La canette (soutartinès)       [1:11]
ensemble de skoudoutchaï, B. Alguimantas

12 - Signal (birbinet)      [1:34]
K. Preikcha, ojraguis (en corne), ragas (trompe en écorce)

13 - Polka stankiavitchous       [0:52]
K. Preikcha, loumzdialis

14 - Polka      [3:32]
K. Preikcha, loumzdialis - G. Gasperaitis, pouslinet

15 - Le lièvre danse      [0:59]
ensemble de skoudoutchaï , A. Baltchounas

16 - Le bourdonnement du taon (imitation improvisée)       [1:09]
K. Preikcha, birbinet double en chaume

17 - Imitation d'oiseaux (molinoukaï)      [1:44]
Ensemble folklorique de l'Univirsité d'État de Vilnius

18 - Padifiras      [1:35]
Group de théâtre et musique du Musée des traditions populaires de Lithuanie

19 - Raliavimas     [3:03]
P. Boudrio, birbinet
Groupe de kanklès, ensemble de chants et danses 'Letouva'

20 - Le moulin Bavard      [1:26]
Ensemble instrumental du Group de théâtre et musique du Musée des traditions populaires de Lithuanie

21 - Les musiciens approchent       [1:19]
K. Preikcha, chant - ensemble champêtre

22 - Souktinis (danse populaire)      [1:47]
Orchestre d'instruments lithuaniens de l'ensembles 'Letouva'


c) Moldavie 

23 - Ballade des Heidouks       [3:10]
V. Iovou, naï - orchestre 'Folklore'

24 - Rotchilor de Moldavie      [1:51]
G. Anguelouch, violon

25 - L'alouette - violon, orchestre        [3:40]
D. Blajin, violon

26 - Syrba du village Godjiounechta -       [2:22]
solo de karal, orchestre 'Flouerach'

27 - Chœur      [2:31]
V. Kretchoun, cymbalum

28 - Invitation a chanter   [1:52]
L. Benejaron, chant, orchestre 'Leontari'

29 - Chœur ancien      [2:18]
I. Solomon, kobza - orchestre 'Folklore'

30 - Doina et Betouta du village lourjoulechti     [4:53]
P. Zakharia, flouère - orchestre 'Flouerach'


Arménie

Historique

Aux portes de l'Asie, il y a environ trois mille ans, les ancêtres des Géorgiens, membres des tribus Hittites et Ibères, fondèrent deux royaumes, la Colchide et l'lbérie. Celui d'Ourartou (IXè - VIè siècles avant J.-C.) fut édifié sur les plateaux de l'Arménie à la même époque.
Après sa chute, la population se mêla, aux côtés des Arméniens, aux Haïasses ; c'est de cette fusion que naquit le peuple arménien.
Soumis aux régimes des conquérants, les Arméniens et les Géorgiens surent conserver leur authenticité, en dépit d'innombrables influences (persane, grecque, macédonienne, arabe, etc.). La musique occupait une place importante chez ces peuplades, comme en témoigne au VIè siècle avant notre ère l'historien grec Xenophon. Il nous apprend que les Cazes (ancêtres des Géorgiens) marchaient au combat en s'accompagnant de chants et en dansant. Le géographe grec Strabon signale l'apparition précoce de choeurs dans les fêtes religieuses et païennes, dès le Ier siècle avant J.-C...
A Erevan, capitale de rArménie, on peut consulter le Materaderane, collection de manuscrits anciens, (Ve - XVIIIè siècle). Ils nous renseignent notamment sur la musique arménienne ; ils contiennent en effet des copies de chants religieux, des dessins représentant des musiciens et leurs instruments, etc...




Dictionnaire des instruments 

LE SVIREL, LE SALAMOURI
Aujourd'hui encore l'instrument favori des bergers, c'est aussi le plus ancien, comme l'atteste la découverte de svirels datant du XIè siècle avant J.-C. sur les sites archéologiques de Garni en Arménie et de Mtskheta en Géorgie. C'est un instrument à trois trous, fabriqué à partir de longs os d'oiseaux (probablement de cigogne). De nos jours il comporte huit trous, et qu'il soit en bois, en roseau ou parfois en métal, il est toujours délicatement décoré. Il existe de nombreux svirels en Arménie, avec ou sans sifflet. En Géorgie, le plus répandu est le salamouris. Le son en est doux et assourdi dans les graves, fort et perçant dans les aigus. C'est un véritable outil pour le berger, qui en joue au départ du troupeau, et peut communiquer aussi avec les autres bergers. Cet instrument accompagne également les réjouissances. Son nom signifie "salut", "salutation". Les salamouris font souvent partie des ensembles vocaux et instrumentaux. Certains musiciens excellent à jouer sur deux instruments à la fois, comme il en est proposé un exemple sur ce compact.

LA ZOURNA
Très ancienne, elle est évoquée à maintes reprises dans la célèbre épopée arménienne "David Sasouski", qui date du IXè siècle. Toutes les tâches paysannes s'exécutaient au son de la Zourna (les vendanges, la mouture du grain, le transport des fardeaux, etc.), et les jours de fête, sa présence était indispensable comme elle l'est demeurée aujourd'hui encore. Un jeu "forte" ou "fortissimo", un son puissant, un timbre perçant, destinaient cet instrument à la musique en plein air. Le trio est la formation la plus fréquente : le maître joue la mélodie, le second musicien émet des bourdonnements étouffés en jouant, cependant qu'un troisième les accompagne en frappant sur un dool (tambour). Le répertoire des zournas comprend des danses, des musiques rituelles, des hymnes, par exemple les hymnes au matin "Saari" et "Zorka" que l'on jouait lorsque les festins se prolongeaient jusqu'à l'aube.

LE DOUDOUK
La technique de jeu est exactement la même que pour la zourna, mais le timbre en diffère complètement : doux et lyrique, c'est peut-être l'instrument à vent le plus beau ; avec ses nuances raffinées, sa tonalité souple ; il a des accents de voix humaine. Le son expressif et pénétrant est parfaitement mis en valeur par les mélodies lyriques arméniennes.
Les danses sont exécutées par des ensembles de doudouks accompagnés d'un dool, que l'on frappe avec les doigts, tandis qu'on emploie des baguettes s'il s'agit de zournas.
En Géorgie, les chants se mêlent spontanément à la musique. Au début du siècle, on y rencontrait encore des musiciens itinérants ; les mestvires, qui chantaient et jouaient de la cornemuse. Ils se produisaient sur les places les jours de marché. Leurs chansons, quoique préparées, donnaient le sentiment d'improvisations. Le chanteur se présentait à un repas de fête sans y avoir été convié, comme le voulait la tradition ; il demandait leurs noms aux convives, et les intégrait à l'une des chansons de son répertoire. L'humour fin et la satire acerbe des mestvires expliquent leur très grande popularité, ils transmettaient leur art à des élèves qui les suivaient de village en village. Ils apprenaient pendant trois ans à improviser des vers, à chanter et à jouer de la cornemuse.

LE PARAKAPZOUK
Instrument arménien proche du goudastviri, utilisé par les musiciens itinérants, qui en jouaient seuls ou pour accompagner des spectacles de funambules. Cet instrument n'apparaît plus aujourd'hui que dans les ensembles traditionnels.

LA KEMANTCHA
Les instruments à cordes sont apparus dans ces deux régions il y a plusieurs siècles. Les illustrations de manuscrits du XIIè et du XIIIè siècle montrent des musiciens jouant du saze, du canou, et plus tard de la Kemantcha, à laquelle sont consacrées les lignes suivantes, écrites au XVIIIè siècle par Saïan-Nova, poète et musicien arménien :
"Avec de l'or, qui recouvre l'archet.
Un riche éclat se fait récho du chant ;
Par la crinière d'un cheval ailé,
La mélodie naît de ses crins tressés ;
Ainsi qu'un haume, elle offre le sommeil,
Et du soir au matin, le réconfort.
C'est une coupe d'or emplie de vin,
Et c'est la kemantcha qui nous enivre."
Par son expressivité et sa beauté sonore, cet instrument à cordes frottées est aussi appelé "le violon oriental". La caisse est sphérique, creusée dans du bois de murier ou de noyer, et souvent incrustée de nacre et d'os. Sur la partie ouverte de la caisse est tendue une membrane en peau de poisson ou en vessie d'animal. On en joue avec un archet dont les cordes sont en crin de cheval. La manière d'utiliser l'archet est particulière ; on ne le fait pas glisser d'une corde à l'autre comme le violon ; c'est l'instrument que l'on fait tourner, et son orientation varie selon la corde que l'on souhaite faire vibrer contre l'archet. La kemantcha est aujourd'hui encore très répandue en Arménie, dans les ensembles ou en soliste, et en Géorgie, dans les orchestres professionnels.

LE TAR
Instrument très perfectionné aux nombreuses possibilités mélodiques : passages rapides, glissandos, tremolos, richesse de la dynamique et de la palette sonore, des accords enfin. Le son en est doux et veloute dans les graves, éclatant et ample dans les aigus. Sa forme complexe est très originale, la partie supérieure est tendue d'une membrane en peau, le nombre des cordes varie entre cinq et quatorze. Les musiciens se servent d'un médiator pour jouer des mélodies de chants et de danses arméniennes, souvent accompagnés d'une kemantcha et d'un tambour.

LE CANOU
Instrument à cordes (très nombreuses) pincées, proche de la guzla russe. La caisse trapézoïdale est formée de fins morceaux de bois collés. Sur la table d'harmonie sont tendues 24 cordes tri-enveloppées. Le musicien gratte les cordes après avoir enfilé à certains doigts des onglets métalliques spéciaux. Il joue en solo ou dans un orchestre.
Si les cultures arméniennes et géorgiennes sont très proches, leurs musiques offrent des différences fondamentales. On rencontre chez les arméniens la monodie (chant à une voix seule), et chez les géorgiens la polyphonie. Cette dissemblance se retrouve également dans l'emploi des instruments. Ainsi en Géorgie, la structure d'accords des ritournelles sur des instruments à cordes pincées (pandouri et tchongouri) est la plus caractéristique.

LE DOOL
C'est un tambour à double face, tendu de peaux de veau ou de mouton. On en joue avec les mains ou avec deux baguettes de bois, la première étant légèrement recourbée, l'autre plus fine et droite, chacune servant à frapper l'une des deux faces. L'une des peaux étant plus épaisse, on obtient de multiples tonalités. La rythmique est exécutée différemment sur le dool, la nagara (petit tambour en céramique) et le dafet ; l'ensemble confère diversité et animation aux orchestres populaires.






Lithuanie

Historique

D'après les recherches archéologiques, les peuples ancêtres des Lithuaniens s'implantèrent il y a plusieurs millénaires sur la côte Est de la mer Baltique et sur les rives du Néman inférieur. Leur culture originale s'est forgée siècle après siècle. Leur musique associe des éléments spécifiques, et d'autres qui sont communs à tous les slaves (Russes, Biélorusses, Ukrainiens, Polonais) et aux Lettons. En effet l'histoire a tissé de nombreux liens entre ces communautés diverses.
Le peuple Lithuanien s'exprime brillamment à travers sa musique instrumentale traditionnelle et ses chansons. Chants et danses, ritournelles jouées sur des instruments à vent, accompagnent tous les moments de la vie sans exceptions : le travail et les réjouissances, la naissance et la mort, les noces et les cérémonies religieuses.

Dictionnaire des instruments

LE SOUTARTINES
Le soutartinès est un genre inhabituel de chant à plusieurs voix. Les premières sources écrites à le mentionner datent du XVle siècle ; cependant, selon les spécialistes de cette musique, son apparition serait antérieure à notre ère. L'extrême simplicité de la structure des soutartinès plaide en faveur de cette hypothèse. La mélodie se développe dans un cadre restreint à deux ou trois sons, sans système tonal spécifique ; ces chansons brèves se limitent en général à un ensemble d'onomatopées et d'interjections. Ces éléments rudimentaires contribueront à la formation de l'édifice imposant qu'est la polyphonie contemporaine dans toute sa diversité (canon, imitation libre, etc.). L'une des caractéristiques du soutartinès réside dans la présence quasi permanente de sonorités secondaires dissonantes.

LE SKOUDOUTCHAI (flûte de Pan)
Cet instrument à vent lithuanien peut être associé directement au genre du soutartinès. On suppose de plus que l'apparition de ces chants à plusieurs voix s'est faite sous l'influence des ensembles de skoudoutchaï de tradition très ancienne. Cet instrument archaïque est répandu sous diverses formes dans de nombreux pays. Une tige creuse de plante herbacée coupée en tronçons suffit à sa fabrication. Pour en jouer, il faut le porter à sa lèvre inférieure, puis souffler en orientant l'air le long de l'ouverture ménagée à l'entrée du tuyau.
Chaque tuyau n'émet qu'un son. L'évolution de cet instrument s'est faite de deux façons. Les musiciens jouent seuls, l'instrument réunissant de nombreux tuyaux, tel le naï très typique de Moldavie, ou bien en groupes, sur des instruments plus simples à un ou deux tuyaux. Les soutartinès joués au skoudoutchaï sont empreints des vestiges du totémisme - culte des oiseaux, des animaux -, qui marquent les titres des mélodies et les noms des tuyaux du skoudoutchaï (le coucou, la canette, le grand duc, etc. ). Le mot soutartinès provient du lithuanien "sutarti" : vivre en harmonie, en bonne entente. Et à juste titre, puisque ces morceaux accompagnaient bien souvent les travaux des champs : moisson, arrachage du lin etc... A noter que les soutartinès vocaux étaient chantés par les femmes et les instrumentaux joués par les hommes. Ces ensembles très complexes étaient hautement appréciés par les villageois.

LE DAOUTITET
Les soutartinès se jouaient aussi sur des daoutitets, tuyaux en bois naturel sans trous. Le disque propose divers enregistrements de soutartinès : ensemble vocal féminin, ensemble de douatitets et de skoudoutchaï.

L'OJRAGUlS
La panoplie des instruments à vent anciens utilisés par les bergers (ritournelles d'appel) comporte entre autres le daoutitet mentionné précédemment, et l'ojraguis, instrument en corne de vache, de chèvre ou de bouc ayant trois ou cinq trous.

LE BIRBINET
Instrument de la même famille, à anche, et dont le timbre est fort et rude. Ces instruments jouaient aussi des danses, des marches et des chansons populaires. Il existe deux types de birbinet. Le premier est un tuyau en bois doté d'une anche de type clarinette qui se rattache à une languette ordinaire ; à l'autre extrémité est placé un pavillon en corne de vache. Le second consiste en un simple brin de paille ou une plume d'oie sur lesquels on taille une languette. Les birbinets en chaume sont des instruments-jouets destinés aux enfants, tout comme les molinoukaï, petits sifflets en céramique à deux trous, en forme de statuette animale. En 1953, un birbinet chromatique fut mis au point, fruit des recherches des spécialistes lithuaniens. Un peu plus tard apparurent les birbinets pour orchestre : le ténor et le contralto qui, formant un groupe à part entière, entrèrent dans la composition d'ensembles et d'orchestres lithuaniens. Les nouveaux birbinets, tout en gardant leur originalité, on élargis leurs possibilités musicales en même temps que leur popularité. L'auditeur pourra entendre sur le compact un morceau de birbinet moderne : "raliavimas". Ce type de mélodie populaire représente avec le soutartinès un trait caractéristique de la culture musicale des régions Nord et Est de Lithuanie.

LE LOUMZDIALIS
Flûte pastorale à sifflet, en bois, en écorce de saule ou de merisier.
Elles accompagnaient le départ ou le retour du troupeau par des chansons, des mélodies du type raliavimas, des ritournelles, émaillées de trilles et d'ornements. Le loumzdialis a été perfectionné au XXè siècle, comme la plupart des instruments, à l'exception peut-être des skoudoutchaï. Si celui-ci n'a pas été modifié, il a par contre subi l'influence des époques et des nouvelles tendances de la musique, qui imprègnent les morceaux joués par les ensembles. Au début du XXè siècle, ces derniers apportèrent au répertoire des soutartinès, des chansons, des rondes et des danses plus récentes, dont le système d'harmonisation reposait sur la tradition européenne. La chanson populaire lithuanienne "le lièvre danse" en est un exemple. Par ailleurs les ensembles mixtes se sont développés avec succès. En fonction de leur composition, ils intégraient birbinets, loumzdialis, cymbalum, pouslinets, kanclès et autres.

LE KANCLES
De loin le plus populaire, cet instrument à cordes pincées, parent entre autres du gusla russe et du kantelet carélien, est mentionné pour la première fois au XVIè siècle. Les kanclès les plus anciens sont formés d'une caisse étroite et peu profonde en bois évidé, sur laquelle sont fixées quatre ou cinq cordes. Pour répondre au développement de la musique, le diapason s'est élargi et le nombre des cordes a augmenté (aujourd'hui, il en compte près de trente).
L'affection du peuple lithuanien pour cet instrument s'exprime à travers les chants, les récits et les légendes.

LE POUSLINET
Instrument à une corde qui rappelle par sa forme un arc de chasse. Pour la résonance, une peau de vessie s'arrondit entre la corde et la hampe. Le son s'obtient à l'aide d'un archet recourbé ou d'une simple baguette à entailles. Aujourd'hui, seuls les ensembles folkloriques traditionnels utilisent encore le pouslinet.



Moldavie

Historique

La Moldavie est située au sud-ouest de l'Union Soviétique, dans sa partie européenne. Traversée par de multiples migrations de populations, elle a subi de nombreuses influences au cours des âges.
L'histoire a réuni les destins des peuples moldave, valakh (apparentés aux Moldaves et implantés sur les terres qui bordent le Danube dans les Carpates), hongrois, et slaves. Du XVIè siècle à la fin du XVIIIè, les envahisseurs turcs ont fortement marqué par leur culture les us et coutumes, la langue, la musique moldave. L'originalité de la culture moldave réside ainsi dans l'association d'éléments orientaux et occidentaux.

Dictionnaire des instruments 

LE FLOUÈRE (flûlte)
Les doïnas étaient souvent jouées au flouère, instrument le plus répandu chez les bergers, anciennement fabriqué en os d'oiseau (en général avec des pattes d'aigles), puis en bois de tilleul, de hêtre ou de prunier. Le folklore témoigne de l'attachement des Moldaves pour cet instrument. Si l'on en croit l'une des plus célèbres ballades moldaves "Mioritsa", le berger refuse de se séparer de son flouère préféré, et demande qu'on l'enterre avec cet instrument qui fut la seule consolation, la seule joie de sa vie.

LE KARAL
C'est une sorte de grand flouère pastoral, deux à trois fois plus long et mesurant jusqu'à cinquante, voire quatre-vingts centimètres. Il émet un son faible, sourd et grave. Il faut noter une utilisation fréquente et singulière : le musicien accompagne son jeu d'un bourdonnement vocal continu.

LE NAI (flûte de pan)
Il comprend huit à vingt-cinq petits tuyaux en bois de différentes longueurs, assemblés par une frette en forme d'arc. Chaque tuyau n'émet qu'un son. Bien que diatonique, les virtuoses parviennent à jouer sur une échelle chromatique en modifiant l'orientation du souffle, obtenant ainsi aisément un son plus aigu ou plus grave. On rencontre cet instrument seul ou dans des orchestres interprétant, outre les doïnas, des ritournelles et des ballades. Le compact propose un enregistrement de nai : la "Ballade des Haïdouks", groupes armés qui luttaient avec courage contre les féodaux et les envahisseurs, au nom de la liberté.

LE VIOLON
Il arrivait de rencontrer sur les routes de Moldavie des musiciens nomades. Souvent, ils se regroupaient pour former des orchestres : les tarafs ; le violon en était le meneur. Il a été introduit en Moldavie au 15è siècle, comme en témoigne les noms de lieux-dits datant de cette époque. Plus que tout autre instrument, il dévoile le caractère lyrique et chaleureux, mélodieux et limpide, l'intensité dramatique de la musique moldave. Les violonistes utilisaient largement les onomatopées. S'ils avaient du talent, ils parvenaient à imiter les cris d'animaux (l'oiseau, la vache, le chien). L'enregistrement de la mélodie extrêmement populaire "Jarovonok" permet d'apprécier à la fois la technique d'un virtuose et la possibilité de restituer la voix de la nature.

LA KOBZA
Instrument à cordes chargé de la rythmique, nerf musical au sein d'un ensemble. Il apparaît sur des fresque d'églises et de monastères datant du XVIè siècle. C'est un instrument de neuf ou dix cordes, rappelant le luth, dont on joue avec un archet ou avec un médiator en plume d'oie. Finesse et précision du rythme en font un instrument d'accompagnement. Mais aujourd'hui, on rencontre aussi des joueurs de kobza solistes.

LE CYMBALUM
Entre la fin du XlXè et le début du XXè siècle, les kozbas furent remplacées dans les tarafs par les cymbalums. Leur timbre énergique, leur rythme puisé, regroupant des instruments typiquement moldaves, et des trompettes, des clarinettes, des accordéons, etc.
Citons par exemple "Flouerach", "Folklore", et "Leontari", dont l'auditeur pourra apprécier le talent sur ce compact.



4. Estonie, Lettonie, Kazakhstan




a) Estonie

01 - L'appel du berger  (kariapazoune)    [0:42]

02 - Allez! Paysannes, paresseuses     [1:01]
ensemble vocal

03 - Le signal (roupil)     [0:59]

04 - Ritournelle (inguéri kariapazoune)     [0:45]

05 - Singli (polka)     [1:40]
Ants Taoul, vargan

06 - Valse (toroupil)     [1:02]
musicien de l'ensemble "Linnoutaia"

07 - Danse déguisée     [1:13]
Ants Taoul, cornemuse

08 - Polka Virouskaia     [2:32]
Alex Tiakhnasl, kannel

09 - Valse pour cornemuse et Polka     [2:16]
musicien de l'ensemble populaire "Léegaïousse"

10 - Polka du Printemps     [1:55]
Karl Kikas, accordéon

11 - Valse de la fiancée     [2:01]
ensemble populaire "Léegaïousse"

12 - Chanson drole pour les jeunes     [1:51]
Ants Taoul, accordéon - Iohan Taoul, violon, chant

13 - Danse des foulards     [2:36]
ensemble populaire "Léegaïousse"


b) Lettonie 

14 - Alsounga     [1:34]
V. Mouktoupavels, souomou douda

15 - Signal des bergers d'Alsounga     [0:30]
V. Mouktoupavels, taura

16 - Signal des bergers de Zemgale (ganourags)     [1:02]
ensemble folklorique "Skandieniki"

17 - Ritournelle (ajarags)     [0:54]
I. Porikis

18 - Ritournelle pastorale (tachou taoura)     [0:32]
I. Porikis

19 - Ritournelle (diga)     [0:34]
ensemble folklorique "Skandieniki"

20 - Tourbillone, petite vent (chanson populaire)     [1:34]
arrangement G. Ordelorskis - ensemble de koklios "Teiksma"

21 - Chanson du fiancé     [1:30]
arrangement A. Iousminch
A. Iousminch et A. Leits, chant accompagné au koklio

22 - Air de Berzstass (joué sur écorce de boulaeau)     [0:51]

23 - Les fleurs du champ de seigle     [1:31]
V. Mouktoupavels, staboule

24 - Danse Ilzene     [1:02]
ensemble folklorique "Skandieniki"

25 - Ritournelle (zobas - vargana)     [1:12]
ensemble folklorique "Skandieniki"

26 - Danse, demoiselle     [1:06]
I. Orniks, cymbalum

27 - Noce a Alsounga (marche)     [4:40]
Chanson "Hate-toi, Dekla, Hate-toi, Laina"
ensemble traditionnel d'Alsounga

28 - Andjinch (danse populaire)     [1:40]
ensemble champêtre


c) Kazakhstan 

29 - Aksak koulan (Le koulan boîteux)     [3:18]
M. Oubakirov, dombra

30 - Sari Jailiaou (Les pâturages d'or l'été)     [2:37]
(Tattimbett) - M. Khamzin, dombra

31 - Iriguaï     [1:53]
solo de tastaouika
ensemble de instruments anciens du Kazakhstan, direction: B. Saribaeva

32 - Alataou     [1:41]
T. Saribaev, chankobiz - T. Saribaev, koniraou - B. Saribaev: tastaouik

33 - Kambar-batir     [1:16]
Fragment d'epopée héroïque
J. Medetbaev, chant et dombra

34 - Moundik-Zaplik     [0:52]
Ch. Aouguanbaev, sibizgui

35 - Ker Tolgaou (iikhlass)     [2:38]
D. Miktibaev, kobiz

36 - Koss-alka (Daouletkereï)     [2:21]
S.Beissenguakiev, dombra

37 - Akkoun     [2:50]
G. Kourmangualiev, chant et dombra

38 - Sari-arka (kourmanguazi)     [1:48]
orchestre d'instruments populaires "Kourmanguazi" du Kazakhstan



Estonie - Lettonie

Historique

Il y a plusieurs milliers d'années, sur la cote Est de la mer Baltique, s'établissaient les ancêtres des Lettons et des Estoniens. Bien que d'origine ethnique différente (finno-ougrienne pour les Estoniens et baltique pour les Lettons), l'implantation sur des terres voisines, le commerce, l'interprétation linguistique ont permis la réunion de nombreux éléments culturels. Ainsi, l'utilisation d'instruments de musique assez semblables traduit cette proximité des deux peuples.
Chez eux, la musique populaire s'est développée à travers une grande variété de trompes pastorales. Les ritournelles des bergers constituent le genre le plus ancien. Il s'agissait avant tout de signaux sonores ayant une fonction précise comme par exemple, éloigner les bêtes sauvages ou rassembler le troupeau. Les bergers musiciens jouaient aussi des morceaux courts, destinés au départ du troupeau le matin et à son retour le soir.

Dictionnaire des instruments 

LE KARIAPAZOUNE (estonien), LA TAOURA (lettone)
Ce sont des flûtes très rudimentaires, sans trous, en bois ou en écorce (aune, tilleul).

L'INGÉRIE (Estonie), LA TACHOU TAOURA (Lettonie)
Ces modèles plus élaborés, à 4 ou 6 trous, se sont répandus dans le Nord-Est de l'Estonie et de la Lettonie.

L'AJARAGS (trompe de Lettonie)
Très populaire chez les paysans, il est de la famille des aérophones à vent. C'est un instrument en corne de vache ou de chèvre ayant de trois à six trous. Le son, difficile à obtenir, est éclatant et rude. Les paysans jouaient de l'ajaragas aux champs, les bergers l'utilisaient comme signal. Les soirs d'été, les jeunes gens dont le mariage était fixé à l'automne, avaient coutume de sonner de l'ajarags.

LE ROUPIL (Estonie), LE GANOURAGS (Lettonie)
Ce sont des instruments à anche, ayant à peu près les mêmes fonctions que les flûtes pastorales. Le roupil typique est un tuyau de roseau long de quinze à vingt centimètres muni d'un bec à anche. Le ganourags est près de trois fois plus long, son tuyau en bois est doté d'un bec à languette ordinaire et terminé par un pavillon en corne. Le compact propose un enregistrement de ganourags, "Signal des bergers de Zemgalé" (région de Lettonie) ainsi qu'un signal au roupil.

LE TOROUPIL (cornemuse d'Estonie)
C'est l'un des instruments les plus répandus en Estonie. Il accompagnait les chants et les danses, les cérémonies de mariage.
Les documents nous apprennent que dès le XVIè siècle on dansait et chantait inlassablement au son des toroupils dans tous les villages.
Selon les spécialistes, cet instrument aurait par ailleurs contribué largement, grâce à ses ritournelles, au développement du chant : des formes nouvelles de chansons populaires remplacèrent les anciens morceaux runiques. Les mélodies pour cornemuses avec leur rythme entraïnant furent à l'origine d'un nouveau genre de chansons pour danser. Le toroupil comporte un réservoir d'air sous la forme d'un sac et trois ou quatre tuyaux dont un porte-vent. Le musicien peut désolidariser le tuyau qui joue la mélodie pour l'utiliser comme un instrument à part entière. Un ou plus souvent deux des tuyaux du toroupil sont des tuyaux-bourdons ayant un écart de quinte.
Contrairement au toroupil, la cornemuse de Lettonie - la souomou douda n'avait en général qu'un seul tuyau-bourdon. Très populaire en Estonie, elle était utilisée pour rythmer les travaux des champs et encourager par son timbre les paysans. Pendant la moisson, le musicien accompagnait les faucheurs ; au cours du battage, il se tenait à côté des paysans, leur jouant sur sa souomou douda les mélodies limpides et rythmées des chansons. Les cortèges de mariage étaient animés par trois ou quatre musiciens qui jouaient à tour de rôle. A la fin du XIXè siècle la souomou douda et le toroupil tombèrent en désuétude. Nombre de ritournelles qui étaient exécutées avec ces instruments, passèrent au répertoire vocal sous une forme simplifiée ou furent transcrites pour l'accordéon, le kannel ou le violon. Le compact présente un exemple de ce type d'emprunt au répertoire de la cornemuse : "Valse pour cornemuse et polka" adaptée pour le violon. Depuis peu la cornemuse connaît un regain de popularité, surtout en Estonie.

INSTRUMENTS À CORDES :

LE KANNEL (Estonie) et LE KOKLIO (Lettonie)
Ils eurent un rôle prépondérant, partageant toutes les activités des Estoniens et des Lettons. Ce sont des instruments à cordes pincées, proches des guslis russes, du kantel de Karélie et du kanclec de Lithuanie. Les chansons populaires, les récits, les Iégendes parlent souvent de ces deux instruments. Une légende populaire lettone prétend que les cordes du koklio représentaient les rayons du soleil, l'instrument, lui, incarnait l'âme humaine tant son timbre était expressif. Selon une autre légende, un sage sauvé par un jeune garçon lui aurait offert un koklio avec la mission de jouer pour les pauvres, les affligés et tous ceux qui ont perdu la paix de l'âme. Dans certaines régions d'Estonie, le cétourma kannel, par exemple, était considéré comme un instrument sacré. On en jouait uniquement les jours où chants et danses étaient interdits. Selon une croyance populaire, le premier kannel aurait été fabriqué avec les arêtes d'un poisson géant et ses cordes avec les cheveux d'une jeune fille. Il est apparu entre le XIè et le XIIè siècle. Les premiers kannels et koklios avaient une forme d'aile. Le corps était évidé dans une seule pièce de bois. Sur la table d'harmonie supérieure étaient tendues cinq à sept cordes "enveloppées", qu'on pinçait avec les dix doigts ou avec un médiator, la main gauche servant alors à étouffer les cordes non utilisées. Les kannels et les koklios exécutaient les ritournelles dansées et accompagnaient les chansons. Les maîtres de musique estoniens avaient, dès la seconde moitié du XIXè siècle, considérablement amélioré le kannel. Désormais la caisse était constituée de plusieurs morceaux assemblés et collés. Les cordes n'étaient plus enveloppées mais métalliques et leur nombre pouvait atteindre trente ou plus. Sur certains instruments, les cordes étaient doubles ou triples, et accordées à l'unisson ou à l'octave. De nouveaux perfectionnements leur conférèrent un diapason plus large et une échelle chromatique. Le koklio a connu une révolution semblable. L'utilisation traditionnelle (un seul instrument) des kannels et des koklios s'élargit à la formation d'ensembles. En Lettonie les groupes de koklios exécutent des variations orchestrales mises au point au milieu du XXè siècle, le compact propose l'enregistrement de l'une des chansons les plus populaires de Lettonie qu'exécute un ensemble de koklios. "Tourbillonne, petit vent".

LE VIOLON
Le violon occupe une place importante dans les cultures estonienne et lettone. En Lettonie, son apparition remonte au XVIIè siècle, comme l'indique la découverte dans une église d'une sculpture en bois de cette époque : elle représente un angelot jouant d'un violon à trois cordes. Le violon a certainement été introduit en Lettonie par les musiciens polonais, tchèques et allemands engagés par les conseils municipaux de Riga et d'autres villes pour animer les réceptions, les festivités, les offices religieux. Ces musiciens qui avaient aussi le droit de jouer dans des cérémonies privées, furent les premiers à interpréter au violon la musique locale. Plus tard, au XVIIIè siècle, on rencontre dans les "compagnies" (ensembles instrumentaux), des musiciens lettons imprégnés de musique qu'ils adaptaient pour cet instrument. Ses possibilités très étendues le firent pénétrer profondément dans la culture musicale lettone et estonienne, qui s'enrichit encore de mélodies de danse : polka, danse du Rhin, labaialabalié (danse régionale estonienne proche de la valse et de la mazurka). Le violon pouvait être accompagné d'un autre violon ou d'un autre instrument (kannel, koklio ou ensuite cithare). Il s'intégra aussi à des orchestres symphoniques (avec trompettes, clarinettes, contrebasse, accordéons) pour l'exécution des danses et des chants traditionnels. En Lettonie et en Estonie ces ensembles professionnels furent baptisés "accompagnement champêtre" ou "villageois". Le jeu des musiciens était classique, de type européen, comme l'atteste l'enregistrement de la danse lettone "Andjinch". Par contre les musiciens populaires avaient leur style propre, concis, où les cordes résonnent librement, et où le joueur maintient le violon sur la poitrine et non sous le menton. Sur le compact, l'extrait d'une noce paysanne lettone montre bien la place du violon et nous initie au style de ses virtuoses villageois.

LE RISPIL, LE MOLPIL (Estonie) - LE SPELS, LA DIGA (Lettonie)
Tous ces instruments à archet sont monocordes. Ils proviennent directement de l'arc de chasse. Concurrencée par l'expressivité du violon, ils sont tombés en désuétude. Aujourd'hui, on ne les retrouve plus que dans les ensembles traditionnels.

LE CYMBALUM
En Lettonie cet instrument à cordes et à percussion fut assez répandu. Identique au cymbalum biélorusse et aux instruments analogues des autres peuples, il avait vocation de jouer des musiques de danse.

L'ACCORDÉON
S'il est imposé dans la culture musicale de nombreux peuples, c'est qu'il répondait à l'évolution de la musique populaire vers une conception harmonique et fonctionnelle ; aussi les instruments primitifs déclinèrent. Cette nouvelle conception nécessitait un autre instrument ; ce fut l'accordéon, avec ses accords d'accompagnement.
En Estonie, le répertoire des accordéonistes comprend des oeœuvres empruntées à ceux d'autres instruments, et des morceaux originaux, le plus souvent des danses. Aujourd'hui, il est en général intégré aux orchestres populaires estoniens.

AUTRES INSTRUMENTS :
Voici un panorama rapide de quelques autres instruments lettons et estoniens.

LE STABOUL
Flûte à sifflet de Lettonie, longue de 25 à 40 cm, ayant de quatre à sept trous. Autrefois il était très répandu, les chansons traditionnelles et les sources écrites le confirment ; les musiciens en jouaient seuls ou se groupaient par dizaines.

LE BERZSTAS
La Lettonie et l'Estonie possèdent de nombreux instruments onomatopéiques faits à partir de feuilles d'arbre, de cosses d'accacias, de tiges de seigle. Ils imitent les cris d'oiseaux ou d'autres animaux ; des virtuoses peuvent même jouer des mélodies. Le compact propose un enregistrement de berzstas (écorce de bouleau).

LE VARGAN-PODKOVKA MÉTALLIQUE
Guimbarde, au centre duquel est fixée une barrette d'acier.

LA ZOBASSE
En Lettonie le vargan porte le nom de zobasse ; en Estonie, c'est le parmoupil (bourdon) ou le konnapil (grenouille), noms qui suggèrent la sonorité de cet instrument. On le maintient entre les dents, la bouche servant de caisse de résonnance. La barrette actionnée par les doigts produit un son unique (ton de base spécifique). Le joueur peut, en modifiant l'ouverture de la bouche, choisir et accentuer les harmoniques du ton de base. Il peut ainsi jouer des mélodies simples.

INSTRUMENTS A PERCUSSIONS :
On peut citer notamment différents instruments lettons : le trideksnis (sorte de hochet), l'eglite ; le kratspil estonien est une baguette de bois que l'on frappe ou que l'on frotte en rythme contre le soi pour endiabler les danses. On rencontre aussi des marteaux en fonte ou en fer, des clochettes en bois que l'on suspend au cou des vaches, ou encore une simple planche de bois frappée en rythme avec des marteaux en bois.





Kazakhstan

Historique

En aval de la Volga à l'Ouest, et jusqu'aux massifs montagneux de Tien-Shan au Sud-Est, s'étend l'immense territoire du peuple kazakh.
Ses origines sont multiples : il est issu notamment des tribus Sak de langue iranienne, qu'Hérodote appelait "les Scythes d'Asie", ainsi que des Turcs et des Mongols (depuis le XIIIè siècle, qui vit le déferlement de la Horde d'Or en Asie Centrale). Après la chute de cette dernière à la frontière des XVè et XVIè siècles, un royaume kazakh fut fondé, et c'est la dernière étape de la formation de ce peuple. Les invasions mongoles chassèrent des peuplades de langue turque dans les montagnes, du centre Ouest du Tien-Shan jusqu'au Pamir. Ces réfugiés formèrent avec la population autochtone le premier noyau du peuple kirghize. Les Kazakhs et les Kirghizes ont en commun, outre leurs origines ethniques, leur mode de vie (ce sont des bergers nomades) ; aussi leurs cultures sont-elles proches, et leurs musiques comme deux sœoeurs jumelles, ayant chacune leurs spécificités. Leurs instruments diffèrent quelque peu et, par exemple, si un instrument accompagne toujours les épopées kazakhes, transmises oralement depuis la nuit des temps, les Manass, récits épiques de Kirghizie, sont chantés sans accompagnement.

Dictionnaire des instruments 

LA DOMBRA
Instrument à cordes pincées très répandu. La dombra (deux cordes, longues de 120 à 130 cm) possède une caisse évidée, un manche fin et très long, doté autrefois de sept à quatorze barrettes. Il existe deux sortes de dombra auxquelles correspondent deux modes d'interprétation kazakhs : le style oriental et celui occidental. Ils diffèrent de par les dimensions et la forme des caisses de résonance, et surtout par le système d'émission du son. Dans le Kazakhstan occidental, les doigts frottent les cordes, tandis que dans le monde oriental, celles-ci sont pincées. La première tradition accompagne des pièces à deux voix, la seconde des pièces à une voix.
Ce sont les kiou qui constituent la clef de voûte du répertoire pour dombra. Par ces morceaux de musique à programme, les dombristes illustraient les phénomènes de la nature ("La Steppe d'Or", "La Bourrasque Blanche"), les événements historiques ("Le Divorce des peuples"), les fêtes populaires... Un certain nombre de pièces joue sur les sentiments humains : "La Fougue", "L'lnspiration divine", "Le Chagrin d'Assan". Les dombristes relataient dans les kiou des épisodes de leur vie aussi bien que des légendes anciennes comme celle "Aksak koulan", selon laquelle le fils du khan Djoutchi avait été mortellement touché par un âne blessé lors d'une chasse. Le père, saisi d'un pressentiment, annonce que quiconque lui apportera une mauvaise nouvelle, se verra verser du plomb fondu dans la gorge. Nul ne se résout donc à communiquer la triste vérité au khan. Alors un dombriste vient trouver celui-ci et lui dit : "Seule la dombra t'apprendra tout". Le musicien interpréta ainsi une pièce de sa composition, qui devait par la suite s'intituler "Aksak koulan". Sachant la mort de son fils, le khan en pleurs fit couler du plomb dans la dombra. Romain Rolland écrivait à propos de cette légende : "Je suis frappé par la puissance émotive qui émane des épreuves qu'elle raconte avec des moyens d'expression tellement simples... J'ai été surpris de ce que ces souffrances ne me semblaient pas étrangères. J'y sens, qui plus est, une parenté avec le folklore musical d'Europe, avec nos chansons non telles qu'elles sont aujourd'hui, mais telles qu'elles étaient jadis, lorsque la musique savante n'en avait pas encore étouffé l'individualité traditionnelle...". Par ailleurs, les rapports entre le programme (la légende et la morale) et le contenu musical du kiou, ne sont pas des plus directs. Le premier dépend moins du second que de l'occasion et des conditions de leur création. Toutefois des tableaux musicaux illustrent précisément tel ou tel épisode, et il faut y être très attentif ; l'on reconnaît par exemple, dans le kiou "Aksak koulan", l'exaltation de la chasse au koulan, la mort du jeune homme, le portrait terrifiant du khan. Le contenu du kiou apparaît clairement si l'on se réfère à la coutume kazakhe, selon laquelle le décès d'un individu doit toujours être annoncé à ses proches d'une manière indirecte, au moyen des estirtons qui sont des mélodies funèbres soit vocales, soit instrumentales. Le kiou "Akzak koulan" est ainsi la forme développée d'un estirton instrumental ; il a pris valeur de présage funeste, moins en ce qu'il révèle au khan le destin de son fils, qu'en ce qu'il constitue un genre mélodique particulier (proche des lamentations populaires ou joktaou), et renvoie à la tradition kazakhe de ne pas informer d'un décès sans détour. D'autre part, des dizaines de kiou s'inspirent de légendes ancestrales. Ce qui nous porte à constater que la musique instrumentale s'est développée chez les kazakhs en relation étroite avec la poésie épique, et nous explique le rôle secondaire que joue ici ce qui relève de la danse, de la gestuelle, du pas, du mouvement qui est prépondérant dans de nombreuses traditions. D'abord indissociable d'une légende, le kiou rejeta peu à peu l'élément narratif, et devint une pièce musicale à part entière, dont seul le titre rappelait encore l'origine. Mais, parce qu'ils évoquaient aussi leur histoire, leurs mythes et leur culture, les kazakhs ont toujours vénéré dans les kious plus d'une pièce musicale, et ils ont grandement respecté les joueurs de dombras. C'est au XIXè siècle que le kiou kazakh connut son plein épanouissement, avec une pléiade de musiciens. Les kazakhs, bien que la transmission orale de ces traditions ait multiplié les versions d'un même kiou, se souviennent encore des interprètes suivants : "Kourmanguazi Saguirbaïev (18061879), grand compositeur de kiou, parmi lesquels "La Steppe d'Or" est aujourd'hui regardée avec raison comme le symbole de la musique kazakhe. De belles et nombreuses compositions pour dombra sont l'oeuvre de Daouletkereï Chagaev (1820-1887). Le disque inclut le kiou "Koss-Alka" (Le Collier à deux rangs). Selon des musiciens kazakhs, cette pièce gracieuse brosse le portrait de Sarjane, la maîtresse du compositeur. Dans le dessin rythmique de la mélodie, se distingue, dirait-on, le tintement du collier de la jeune fille qui danse, aérienne et charmante. Tattimbet Kazanguapov (1817-1862) fait partie des plus brillants représentants de la technique orientale de la dombra. La pièce "Sari jaïliaou" (Pâturages d'or l'été), présentée dans le disque, constitue l'une des plus réussies de Tattimbet, et jouit d'une extrême popularité chez les Kazakhs.
A côté des kioutchi, compositeurs et interprètes des pièces instrumentales, les akin ont trouvé depuis toujours leur place dans la musique kazakhe. Ce sont des chanteurs populaires spécialisés, capables d'improviser des poésies, de créer la mélodie d'un chant, de s'accompagner à la dombra. Dans le répertoire des akin entrent des chansons de genre divers : celles célébrant les héros, ou maktaou, celles morales ou tolguaou (sortes de leçons de sagesse populaires mises en vers et en musique), ainsi enfin que des chants historiques ou des poèmes lyriques. Ces oeœuvres se rencontrent aussi bien sous la forme récitative (termé), que sous celle de couplets. Le termé est également utilisé par les interprètes d'épopées kazakhes, les joichi, qui trouvent leur origine historique, en majeure partie, dans les événements du XVè au XVIIè siècles, lorsque le kazakhstan affrontait les tribus djounguar et kalmouk. Les légendes épiques et les poèmes lyriques plus récents se composent d'un récit en prose, et de strophes en vers, chantées avec accompagnement. Entre les passages du récit s'intercalent parfois des interludes instrumentaux.
Le disque présente un fragment du récit "Kambar-Batir" - l'une des plus célèbres épopées kazakhes.

LE KOBIZ ET LE KIYAK
Les instruments à cordes pincées sont représentés dans les musiques de ces deux régions par le kobiz (Kazakstan) et le kiyak (Kirghizie). Ces instruments se ressemblent autant par leur aspect extérieur, leurs techniques de jeu, leurs répertoires, que par leur domaine d'application. Dans le passé, ces instruments étaient utilisés par les chanoines et les guérisseurs baksi. L'emploi du kobiz et du kiyak est moins fréquent que celui de la dombra ou du komouz. Le kobiz et le kiyak sont des instruments à deux cordes. Ils sont fabriqués d'un seul tenant dans du bois de noyer ou de bouleau. La caisse de résonance bombée du kobiz ou du kiyak est à moitié recouverte d'une membrane en peau de chameau. Les cordes sont en crin plat (par mèches). Etant donné que les cordes sont placées très au-dessus de la caisse et du manche de l'instrument, elles ne peuvent être plaquées au bois, mais seulement effleurées par les doigts, d'où l'instabilité du son. L'instrument résonne doucement avec un roucoulement caractéristique. Le nom de kiyak ou de kilkiyak (kiyak de crin) semble provenir du mot  aux acceptations diverses : en forme d'arc, coupe de biais, son étranglé... Toutes ces significations correspondent au kiyak, qui possède une courbure et dont le son, guttural, est produit comme par un mouvement de scie, exécuté en biais. Le terme kobiz peut, paradoxalement, être considéré comme une variante du mot komouz, qui désigne n'importe quel type d'instrument chez maints peuples de langue turque. Le kiyak et le kobiz permettent de jouer des kiou simples comme ceux interprétés sur des instruments à cordes pincées. Ils se prêtent aussi à l'exécution des chansons populaires à de minimes variantes près. Dans le passé les musiques kazakhe et kirghize ne faisaient pas l'objet d'une interprétation par des ensembles instrumentaux. Ce n'est qu'à partir de 1930 que furent créés les premiers ensembles d'instruments populaires dans ces deux régions. Ainsi apparurent des orchestres de dombra, komouz, kiyak et kobiz. Le répertoire de ces formations comporte essentiellement des transcriptions orchestrales de kiou populaires, et des compositions de musiciens d'autrefois comme Kourmanguazi, Daoulatkereï, Ikhlass, Kazamoldo Orozov, Ibrahim Toumanov entre autres. Ce disque comporte un kiou de Kour-manguazi, "Sari-arka" interprétés par des orchestres d'instruments traditionnels.

LE SIBIZGUI ET LE TCHOOR
Les instruments à vent sont nettement moins répandus que ceux à cordes dans la musique de ce pays. A l'heure actuelle, la musique populaire ne comprend presque plus que la flûte champêtre, le sibizgui pour les Kazakhs. Ils sont taillés dans du bois ou dans une tige dénudée de plantes ombellifères. La partie inférieure du tube est creusée de quatre à six trous. Dans les graves, l'instrument produit un son doux au timbre étouffé, mais quand le registre s'élève, le son gagne en puissance et en clarté. Ces flûtes accompagnent chansons populaires et kiou.

LE SOURNAÏ
A la fin du siècle dernier, ce peuple connaissait encore un instrument à anche : le sournaï. Un témoin rapportait : "Les Kirghizes déchiffrent les sons du sournaï comme un livre relatant la vie de leurs ancêtres ; ils y entendent les lamentations des vieilles pleureuses sanglotant sur les tombes de leurs proches. Parfois la musique du sournaï déroule une mélodie d'amour, emplie du feu et des souffrances de la passion.
Les Kirghizes respectent et aiment la musique : c'est avec elle qu'ils ont grandi, qu'ils vivent, et qu'ils meurent". Le nom de l'instrument semble trouver sa source dans un secret qu'il serait seul capable de transmettre. Dans la langue kazakhe en effet, le mot syr signifie secret, tandis que le terme naï désigne généralement des instruments de musique, et certains objets tubulaires. Sournaï dirait donc : flûte à secrets. En roseau, il est long d'une vingtaine de centimètres, surmonté d'une languette, et percé de trois à cinq ouvertures à sa base. Des instruments comme l'okarin-saz (sournaï d'argile) et ses variantes se rencontraient dans le Kazakhstan : ainsi l'ouskirik et le tastaouik. Le saz-sirnaï a été employé de nombreux siècles chez les Kazakhs, comme l'ont montré des fouilles archéologiques dans l'antique cité d'Otrar. Les instruments de ce type n'apparaissent plus aujourd'hui que dans les orchestres ethnographiques.
Comme chez de nombreux peuples d'U.R.S.S., les instruments à anche ont connu un essor important chez les Kazakhs et chez les Kirghizes.

LE DAOUILPAZ
Les instruments à percussions étaient employés par ces deux peuples pour les signaux sonores en cas de guerres tribales ou de chasse au faucon. Celui utilisé de préférence était le daouilpaz, instrument proche de la timbale et dont la caisse de résonance était en bois.
Divers tambours et tambourins accompagnaient les danses et les cérémonies rituelles des chamanes et des bakssi. Désormais le daouilpaz entre dans les orchestres de musique traditionnelle.
Le temir-komouz (komouz en métal) de Kirghizie était utilisé par les femmes, et le jeu à l'unisson relativement répandu. Le chan-kobiz du Kazakhstan s'insère à présent dans les orchestres populaires. Le disque inclut un enregistrement de la chanson traditionnelle Alataou, interprétée au tastaouiké (okarin), au chankobizé et au koniraou (clochettes métalliques utilisées autrefois par les guérisseurs bakssi, ainsi que par les joueurs de dombra et de kilkobiza suspendant le koniraou à leurs instruments).


5. Kirghizistan, Azerbaidjan, Turkménistan




a) Kirghizistan

01 - Ibarat, ritournelle des jours de fëte   [3:08]
(K. Orozov) - T. Mourataliev, komouz

02 - Akmatim   [1:59]
R. Sakeev, tchoor

03 - Kambarkan   [2:09]
K. Orozov, komouz

04 - Vorarakh   [2:57]
T. Tinibekov, temir-komouz

05 - L'Écho dans la montagne   [2:07]
T. Mourataliev, kil-kiyak

06 - Toidogou tamacha   [1:34]
O. Koutmanaliev, narration, chant et komouz

07 - Sournai kiou   [1:09]
J. Kouttoubaev, sournai

08 - Koukouk   [0:51]
Ch. Jorobekova, kiguatch coz komouz

09 - La Balançoire   [1:46]
E. Toursounaliev, sournai

10 - La Locomotiv   [2:58]
(I. Toumanov) - Orchestre d'instruments populaires


b) Azerbaidjan 

11 - Goioun Khengui   [1:30]
K. Gouzeinov, naï

12 - Lai-lai   [2:45]
M. Airapetov, doudouk - A. Barsegov, damkech

13 - Makhour   [2:38]
R. Kouliev, tar

14 - Seguiakh   [4:10]
G. Bairamov, tar - B. Keropian, kemantcha - A. Babaev, chant, daf

15 - Rast   [2:12]
E. Chafiga, kemantcha

16 - Rencontre de Ker-Ogli et de son fils   [2:42]
S. Goussein, récit, chant, saz

17 - Baiati-Chiraz   [3:04]
A. Tagnieva, canon

18 - Achoug Alesker   [3:37]
I. Gassanov, chant, saz


c) Turkménistan 

19 - Aidjemal   [2:38]
B. Machakov, tioudiouk

20 - Aman-aman   [2:51]
E. Nourimov, doutar

21 - Ak echekli   [2:26]
N. Beglier, guidjak

22 - Je t'en prie, ma douce (joué sur écorce de boulaeau)   [3:47]
S. Djaparov, chant - A. Tchariev, doutar - A. Auliev, guidjak

23 - Maral Gueledir   [2:19]
A. Dourdiev, tioudiouk

24 - Guelin Gueledir   [1:56]
O. Nouriagdiev, gopouz

25 - Extrait du Dastan 'Chasseneme et Garib' (zobas - vargana)   [3:41]
M. Karlier, chant, doutar - S. Bakiev, guidjak

26 - Danse, demoiselle   [2:25]
Ensemble instrumental de Turkménistan


Kirghizistan

Historique

En aval de la Volga à l'Ouest, et jusqu'aux massifs montagneux de Tien-Shan au Sud-Est, s'étend l'immense territoire du peuple kazakh.
Ses origines sont multiples ; il est issu notamment des tribus Sak de langue iranienne, qu'Hérodote appelait "les Scythes d'Asie", ainsi que des Turcs et des Mongols (depuis le XIIIè siècle), qui vit le déferlement de la Horde d'Or en Asie Centrale). Après la chute de cette dernière à la frontière des XVè et XVIè siècles, un royaume kazakh fut fondé, et c'est la dernière étape de la formation de ce peuple. Les invasions mongoles chassèrent des peuplades de langue turque dans les montagnes, du centre Ouest du Tien-Shan jusqu'au Pamir. Ces réfugiés formèrent avec la population autochtone le premier noyau du peuple kirghize. Les Kazakhs et les Kirghizes ont en commun, outre leurs origines ethniques, leur mode de vie (ce sont des bergers nomades) ; aussi leurs cultures sont-elles proches, et leurs musiques comme deux soeœurs jumelles, ayant chacune leurs spécificités. Leurs instruments diffèrent quelque peu et, par exemple, si un instrument accompagne toujours les épopées kazakhes, transmises oralement depuis la nuit des temps, les Manass, récits épiques de Kirghizie, sont chantés sans accompagnement.

La musique de ces deux peuples est très riche, et les formes vocales et instrumentales y revêtent une importance égale. Les Manass, épopées kirghizes, sont exécutées sans accompagnement instrumental, contrairement aux épopées kazakhes. En Kirghizie les akin ont utilisé les formes vocales et instrumentales pour des récits qui s'appuyaient souvent sur des événements dont ils avaient été les témoins. Le fragment d'un récit musical de ce type, Toïdogou Tamacha, enregistré ici, narre une lutte entre akin, appelée l'aïtiché. Celle-ci opposait le jeune Karamourza au vieux chanteur Naker. A un moment, lorsque Naker ne peut répliquer à son rival, c'est le fameux akin Toktogoul Satilguanov (1864-1933) qui vient l'aider en assistant à l'aïtiché.

Dictionnaire des instruments 

LE KOMOUZ
Les akin kirghizes s'accompagnent d'un instrument à trois cordes, le komouz, le plus populaire de cette région. D'après la légende, le komouz a été conçu par un vaillant chasseur du nom de Kambar. Un jour, il entendit dans une forêt des sons mélodieux s'élever on ne sait d'où. Il s'agissait de branches d'arbres qui agitaient les restes desséchés d'un singe, qui, en sautant d'un arbre à l'autre, s'était éventré sur une branche pointue. Les boyaux de l'animal avaient pris en séchant l'apparence d'une corde étirée entre les branches. Ingénieux, Kambar inventa à partir de cette corde et d'une pièce de bois, le komouz qu'il baptisa Kambarkan. Et c'est depuis que tout bon musicien kirghize compose son propre kambarkan à la façon de Kambar.
Bien des points rapprochent les joueurs kazakhs de dombra et ceux kirghizes de komouz, tant pour la composition que pour l'interprétation. La forme principale de solo est représentée par le kiou pour le joueur de komouz, et comme chez les Kazakhs, il développe un programme élaboré sur un thème historique, quotidien ou contemporain. Il arrive qu'un même thème ait inspiré des compositions dans les deux régions, comme c'est le cas pour le kiou Absak koulan (le disque propose les deux versions). Certains musiciens kirghizes possèdent une technique particulière pour le komouz. Ils jouent de cet instrument en le plaçant sur leur tête, derrière leur dos, ou entre leurs jambes, donnant ainsi le sentiment d'enfourcher le komouz comme on monte un cheval. Ils bercent l'instrument comme un enfant qu'ils flatteraient avec de petites tapes pour le faire gentiment obéir, ou ils le mettent en joue comme une arme pour figurer des scènes de chasse. Tous ces gestes sont effectués sans que s'interrompe le jeu musical. Il existe un répertoire kirghize, qui entremêle ainsi musique instrumentale et mimes théâtraux. La technique du komouz utilise des effets extrêmement divers : le pizzicato, le vibrato, Sans compter la variété des modes et points d'attaque des cordes. L'accordage du komouz a ceci de particulier que la corde centrale est réglée plus aiguë que les cordes latérales. Celles-ci peuvent être accordées de façon variable, aussi bien l'une par rapport à l'autre que par rapport à celle centrale. Chaque accordage a sa dénomination propre. Ainsi, la notion de "kambarkan" se réfère non seulement au kiou kirghize et à sa légende, mais aussi à l'accordage par quintes des cordes du komouz. Car c'est précisément sur un instrument accordé ainsi, que se joue le kiou di kambarkan. En Kirghizie comme au Kazakhstan, la musique instrumentale s'est constituée puis transmise par tradition orale. Dans la mémoire populaire sont gravés les noms de Toktogoul Satilganov, Mouratali Kourenkaev, Karamoldo Orozov, Ibraï Toumanov et de nombreux joueurs de komouz qui ont préservé et poursuivi cette tradition.

LE KOBIZ ET LE KIYAK
Les instruments à cordes pincées sont représentés dans les musiques de ces deux régions par le kobiz (Kazakhstan) et le kiyak (Kirghizie).
Ces instruments se ressemblent autant par leur aspect extérieur, leurs techniques de jeu, leurs répertoires, que par leur domaine d'application. Dans le passé, ces instruments étaient utilisés par les chanoines et les guérisseurs baksi. L'emploi du kobiz et du kiyak est moins fréquent que celui de la dombra ou du komouz. Le kobiz et le kiyak sont des instruments à deux cordes. Ils sont fabriqués d'un seul tenant dans du bois de noyer ou de bouleau. La caisse de résonance bombée du kobiz ou du kiyak est à moitié recouverte d'une membrane en peau de chameau. Les cordes sont en crin plat (par mèches).
Etant donné que les cordes sont placées très au-dessus de la caisse et du manche de l'instrument, elles ne peuvent être plaquées au bois, mais seulement effleurées par les doigts, d'où l'instabilité du son.
L'instrument résonne doucement avec un roucoulement caractéristique. Le nom de kiyak ou de kil-kiyak (kiyak de crin) semble provenir du mot aux acceptations diverses : en forme d'arc, coupe de biais, son étranglé... Toutes ces significations correspondent au kiyak, qui possède une courbure et dont le son, guttural, est produit comme par un mouvement de scie, exécuté en biais. Le terme kobiz peut, paradoxalement, être considéré comme une variante du mot komouz, qui désigne n'importe quel type d'instrument chez maints peuples de langue turque. Le kiyak et le kobiz permettent de jouer des kiou simples comme ceux interprétés sur des instruments à cordes pincées. Ils se prêtent aussi à l'exécution des chansons populaires à de minimes variantes près. Dans le passé les musiques kazakhe et kirghize ne faisaient pas l'objet d'une interprétation par des ensembles instrumentaux. Ce n'est qu'à partir de 1930 que furent créés les premiers ensembles d'instruments populaires dans ces deux régions. Ainsi apparurent des orchestres de dombra, komouz, kiyak et kobiz. Le répertoire de ces formations comporte essentiellement des transcriptions orchestrales de kiou populaires, et des compositions de musiciens d'autrefois comme Kourmanguazi, Daoulatkeref, Ikhlass, Kazamoldo Orozov, Ibrahim Toumanov entre autres. Le compact comporte un kiou de Kourmanguazi, "Sari-arka", et un de Toumanov, "La Locomotive", interprétés par des orchestres d'instruments traditionnels.

LE SIBIZGUI ET LE TCHOOR
Les instruments à vent sont nettement moins répandus que ceux à cordes dans la musique de ces pays. A l'heure actuelle, la musique populaire ne comprend presque plus que la flûte champêtre, le sibizgui pour les Kazakhs et le tchoor pour les Kirghizes. Ils sont taillés dans du bois ou dans une tige dénudée de plantes ombellifères. La partie inférieure du tube est creusée de quatre à six trous. Dans les graves, l'instrument produit un son doux au timbre étouffé, mais quand le registre s'élève, le son gagne en puissance et en clarté. Ces flûtes accompagnent chansons populaires et kiou.

LE SOURNAÏ
A la fin du siècle dernier, ces deux peuples connaissaient encore un instrument à anche : le sournaï. Un témoin rapportait : "les Kirghizes déchiffrent les sons du sournaï comme un livre relatant la vie de leurs ancêtres ; ils y entendent les lamentations des vieilles pleureuses sanglotant sur les tombes de leurs proches. Parfois la musique du sournaï déroule une mélodie d'amour, emplie du feu et des souffrances de la passion. Les Kirghizes respectent et aiment la musique : c'est avec elle qu'ils ont grandi, qu'ils vivent, et qu'ils meurent". Le nom de l'instrument semble trouver sa source dans un secret qu'il serait seul capable de transmettre. Dans la langue kazakhe en effet, le mot syr signifie secret, tandis que le terme naï désigne généralement des intruments de musique, et certains objets tubulaires. Soumaï dirait donc : flûte à secrets. En roseau, il est long d'une vingtaine de centimètres, surmonté d'une languette, et percé de trois à cinq ouvertures à sa base. Des instruments comme l'okarin-saz (soumaï d'argile) et ses variantes se rencontraient dans le Kazakhstan : ainsi l'ouskirik et le tastaouik. Le saz-simaï a été employé de nombreux siècles chez les Kazakhes, comme l'ont montré des fouilles archéologiques dans l'antique cité d'Otrar. Les instruments de ce type n'apparaissent plus aujourd'hui que dans les orchestres ethnographiques.
Comme chez de nombreux peuples d'U.R.S.S., les instruments à anche ont connu un essor important chez les Kazakhs et chez les Kirghizes.

LE DAOUILPAZ
Les instruments à percussions étaient employés par ces deux peuples pour les signaux sonores en cas de guerres tribales ou de chasse au faucon. Celui utilisé de préfêrence était le daouilpaz, instrument proche de la timbale et dont la caisse de résonnance était en bois.
Divers tambours et tambourins accompagnaient les danses et les cérémonies rituelles des chamanes et des bakssi. Désormais le daouilpaz entre dans les orchestres de musique traditionnelle.
Le temir-komouz (komouz en métal) de Kirghizie était utilisé par les femmes, et le jeu à l'unisson relativement répandu. Le chan-kobiz du Kazakhstan s'insère à présent dans les orchestres populaires. Le disque inclut un enregistrement de la chanson traditionnelle Alataou, interprétée au tastaouiké (okarin), au chankobizé et au koniraou (clochettes métalliques utilisées autrefois par les guérisseurs bakssi, ainsi que par les joueurs de dombra et de kilkobiza suspendant le koniraou à leurs instruments.





Azerbaïdjan - Turkménistan

Historique

Les régions qui bordent la Mer Caspienne à l'Ouest et à l'Est ont accueilli les ancêtres des Azerbaïdjan et des Turkmènes, qui étaient d'origine turque, albanaise et iranienne. Elles ont vu au cours des siècles les peuplades et les royaumes se guerroyer, s'unir et disparaître. Ces terres ont formé un immense creuset de cultures et aujourd'hui, bien que géographiquement séparées, ces deux républiques partagent maintes traditions (poésie orale, musique, etc...).
L'influence islamique a été prépondérante : poids des invasions, puis de la dépendance économique. Les arabes sont d'ailleurs les premiers à citer ces deux peuples dans leurs récits, aux VIIè-Xè siècles. La musique d'Azerbaïdjan est l'une des plus achevées de par la multiplicité et la richesse de ses formes. Parallèlement aux chants et aux danses folkloriques, il existe un véritable art musical professionnel, avec les bardes du Caucase et les orchestres de Sazandars. Selon les témoignages du passé, les musiciens disposaient d'un nombre considérable d'instruments, et beaucoup d'entre eux subsistent encore aujourd'hui.

Dictionnaire des instruments 

LE NAÏ, LE TOUTEK
Les mélodies pastorales pour instruments à vent sont les plus anciennes ; des fouilles ont permis de retrouver des flûtes en os qui dataient de deux mille ans. Le naï (flûte de pan) est d'ailleurs évoqué par le poète et philosophe azerbaïdjanais Nizami (1141-1203). Les ritournelles improvisées sont basées sur un thème bref sur quoi se développent des variations ; les autres morceaux sont des chants et des danses aux mélodies lyriques.

LE TIOUDIOUK
Flûte ouverte de Turkmenistan à système chromatique (il est diatonique pour le naï). On la fabrique à partir d'un roseau épais. Des légendes turkmènes en racontent l'origine. Selon l'une d'elles, le régent Eskender Zoul-Karmeïn avait des cornes sur le front ; mais seul son barbier connaissait cette difformité, et il avait prêté le terrible serment de n'en jamais parler. Un jour, n'y tenant plus, il se faufila dans un bambou et, pour soulager son âme, prononça son secret à haute voix. Un peu plus tard, des bergers choisirent ce même bambou pour y tailler des trompes ; et à peine l'un d'eux eut-il soufflé dans le nouvel instrument, que celui-ci révéla le secret si bien gardé de Eskender Zoul-Karmeïn. Selon une autre croyance, le diable ne serait pas étranger à la création du tioudiouk ; d'ailleurs, l'un des six trous, placé au dos de l'instrument, a été baptisé diablotin. En jouant, le musicien imprime un mouvement rotatif ou de va-et-vient à son instrument ; et il en relève l'extrémité inférieure dans les envolées.
Une partie de l'air insufflé ne pénètre pas dans l'instrument ; il sert à produire des sons d'accompagnement sifflant et bourdonnant ; on les entend très distinctement dans le registre grave. Les musiciens jouent souvent en duo, l'un face à l'autre. Cette tradition serait liée à un rituel aujourd'hui oublié de la tribu Ogouze qui habita cette région dès le premier siècle. Les morceaux pour tioudiouk sont lents, et développés sur les mélodies lyriques des chants Turkmènes ; on pourra écouter sur le disque Aïdjemal, version instrumentale de cette chanson d'amour qui dit :
"Mes amis, je suis amoureux sans remède !
L'image d'Aïdjemal me poursuit sans relâche,
Mon coeœur souffre le martyre de son départ,
Je me sens oppressé comme au cœur du désert.
Il vous faut le savoir : j'aime Aïdjemal".

LE DILLI-TIOUDIOUK
Instrument à anche commune, en roseau, long d'une quinzaine de centimètres. Trois ou quatre trous lui confèrent une échelle diatonique. Les virtuoses peuvent jouer sur une échelle chromatique en raccourcissant avec les lèvres la partie qui vibre de la anche, ou bien en bouchant seulement en partie les trous. Sa sonorité a des accents de voix humaine, comme on pourra le constater en écoutant "Maral gueledir" (chanson Turkmène).

LE BALAMAN (type de doudouk), LA ZOURNA
Ces instruments sont très répandus chez les peuples du Caucase. On en joue rarement seul, et le plus souvent en duo ; le maître interprète la mélodie et le second l'accompagne d'un point d'orgue soutenu et bourdonnant. Ces musiciens polyvalents ont une façon très particulière de respirer, grâce à laquelle ils peuvent obtenir de leur instrument un son ininterrompu durant un temps illimité. Ces instruments, très apparentés, ont cependant une sonorité totalement différente ; la zourna possède un son aigu, un timbre perçant, alors que le balaman a un timbre extrêmement doux, délicat et profond, sans doute l'un des plus riches si on le compare aux instruments. Le répertoire comporte des chants et des danses régionaux, ainsi que des accompagnements pour les chansons des Achougs (auteurs, compositeurs et interprètes). En Azerbaïdjan, l'oeuvre des Achougs représente un des courants majeurs de l'histoire musicale, riche de plusieurs genres : poèmes récités consacrés aux héros nationaux, poèmes chantés, chansons d'amour. L'Achoug transmet les épopées populaires et la réalité contemporaine. Ce mot d'origine arabe signifie "amoureux", ce qui souligne ainsi la qualité émotionnelle de leur interprétation. Leurs prédécesseurs étaient les Ozanes, chanteurs et musiciens, dépositaires des légendes et des épopées. Au cours des siècles, les Ozanes, puis les Achougs ont ainsi composé des centaines de mélodies remarquables, transmises oralement de génération en génération.

LE SAZ
Cet instrument azerbaïdjanais en bois, à cordes pincées, est étroitement lié aux chants des Achougs. Saz signifie "arrangement, accord".
Il existe des sazes d'aspect et de tailles divers. Les plus répandus sont dotés de huit à dix cordes séparées en trois groupes de deux à quatre cordes. Le groupe des aigus est curieusement placé entre les deux groupes plus graves ; on rencontre cette caractéristique très originale sur le komouz (instrument de Kirghizie ; région distante de plusieurs milliers de kilomètres de l'Azerbaïdjan). Les musiciens grattent toutes les cordes à la fois à l'aide d'un médiator, l'accord ainsi obtenu servant de fond sonore à la mélodie. Le saz accompagne les Achougs, c'est l'un des seuls cas où le chant choral remplace la monodie. Le système tonal du saz est aujourd'hui devenu presque chromatique, évolution due à la musique plus riche et plus complète des Achougs.
Le dictionnaire qui regroupe les termes nécessaires à la compréhension et à la sauvegarde de leur art compte aujourd'hui plus de trois cents mots. Les noms de certains Achougs sont aussi connus que ceux des grands poètes nationaux (Nizami, Fizonli, Vagnifa). Citons par exemple l'Achoug Alesker (1821-1926), fondateur d'une école de musique. La chanson choisie sur le disque pour illustrer cet art remarquable lui est consacrée (cf. "L'Achoug Alesker"). Les dastans sont des formes musicales et littéraires fondamentales (les thèmes principaux en sont les héros, l'amour, la morale), qui témoignent de la maturité artistique des Achougs. Le dastan fait alterner prose et vers, déclamation et chant, et est accompagné au saz par les grands maîtres. Le plus célèbre dastan est sans doute le récit consacré à Ker-Ogli, - dit "le fils de la tombe" car sa mère mourut en le mettant au monde -, qui très jeune souleva le peuple contre ses ennemis. Sur le disque est enregistré un extrait qui raconte la première rencontre du héros avec son fils qu'il ne connaït pas. Un combat s'engage entre eux, le fils prend par deux fois le dessus, mais est finalement vaincu. Alors qu'il va lui porter le coup fatal, son père aperçoit l'amulette qu'il porte au poignet et comprend ainsi qu'il est devant son enfant.

LE DOUTAR
Au Turkménistan, les chanteurs-musiciens que l'on peut comparer aux Achougs sont les Bakhchis, souvent accompagnés au doutar (littéralement, le mot signifie : deux cordes). C'est l'instrument le plus populaire de cette région. Selon la légende, il serait apparu ainsi : il y a bien longtemps vivait le sage Eflatoun ; il admirait le phénix, oiseau enchanté dont le frottement des plumes produisait un son d'une grande beauté. Il résolut donc de fabriquer un instrument qui soit capable d'émettre des sonorités semblables. Ainsi naquit le doutar, instrument à échelle chromatique, qui n'est pas issu d'une évolution des pratiques musicales, mais restitue simplement les spécificités de la langue musicale des Turkmènes. La caisse est faite d'une pièce de bois de mûrier évidé. Les cordes, en soie jadis, sont aujourd'hui en acier. On gratte les cordes avec les doigts de la main droite, comme pour la balalaïka, la dombra du Kazakstan ou la pandouri géorgienne.
A l'origine, la musique instrumentale turkmène consistait en arrangements adaptés d'après la musique vocale. Tous les morceaux reposent sur un thème poétique, qui en définit le contenu musical. Chansons populaires et extraits de destans forment le répertoire de base du doutar. Les musiciens solistes disposent d'un vaste choix de styles et de procédés ; la mélodie est bigarrée d'ornements multiples. Le morceau "Aman-aman" (Grâce, grâce !) nous en donne un exemple.

LE GUIDJAK
Instrument à archet introduit en Turkménie au milieu du siècle dernier, comparable à la kemantcha d'Azerbaïdjan : une caisse ronde en partie tendue d'une peau, trois ou quatre cordes métalliques, une petite griffe ronde. Aujourd'hui, on le rencontre presque toujours associé à un doutar pour accompagner les choeurs et, parfois, le destan d'un Bakhchi. Sur le compact, est proposé un extrait du destan "Chassenème et Garib" qui narre l'histoire de deux soeœurs amoureuses de Garib. Celui-ci était épris de Chassenème, et Aïssène, la sœoeur éconduite, résolut de le dénoncer à son père qui le fit jeter en prison. Garib réussit à s'échapper, mais ne retrouva jamais sa bien-aimée, et mourut dans un grand dénuement.

LE TAR
Les ensembles mixtes (instruments à archet et à cordes pincées) sont extrêmement populaires en Orient. En Azerbaïdjan, ce sont des trios, dits de "Sazandar" ; ils regroupent kemantcha, dafet (tambour), et tar ce dernier dirigeant l'ensemble. Cet instrument perfectionné en bois de mûrier présente huit faces, la partie supérieure est tendue d'une peau, et il possède onze à quatorze cordes en acier formant plusieurs groupes. Un autre groupe distinct sert de résonateur. En Azerbaïdjan la forme musicale la plus achevée, le mougam, s'est développée dans les Sazandar, mise au point par les joueurs de tar. Il s'agit d'un système musical et poétique complet, à travers lequel l'homme peut exprimer l'incroyable richesse de ses sentiments. D'après la philosophie orientale, la musique a pour rôle essentiel d'apporter la plénitude. Mais seul l'homme qui possède une moralité accomplie pourra y accéder. Selon la pensée religieuse orientale, développée par les Souphistes au Moyen-Âge, les mougams ont pour but de transformer l'homme en un être aux valeurs supérieures, qui perçoit la vérité divine. La technique du mougam consiste à encadrer une improvisation, construite autour de certains accords (comparables aux modes majeur et mineur de l'Occident). L'auditeur attentif saura reconnaître que le mougam, genre de suite ou de rhapsodie, unit à des passages éclatants et à des constructions libres, des intonations typiques des chants et des danses d'Azerbaïdjan. Le mot mougam signifie : demeure, et traduit ainsi le pouvoir de concentration que recèlent certains accords sur l'humeur du joueur et de l'auditeur. Tel accord inspire courage et témérité, tel autre l'amour ou une profonde tristesse, etc. (En Europe, le mode majeur est ainsi associé à la joie, le mineur à la peine). Le mougam est une improvisation délimitée par un accord déterminé. Les mougams, riches de modèles rythmiques et d'accords nombreux, se sont transmis oralement de génération en génération.
Dans un mougam, chaque partie revêt un nom distinct, et est construite selon une structure propre. Les parties sont au nombre de deux, quatre ou parfois plus. Les improvisations ne se succèdent pas toujours et sont souvent entrecoupées d'intermèdes : mélodies chantées ou instrumentales pour danses, dont l'ordonnance et la cadence stables, sont calquées sur la musique folklorique (cette forme mixte - improvisation-chanson-danse - porte le nom de destguia). A l'origine, les mougams comportaient un chant (vers lyriques de poèmes classiques azerbaïdjanais) et une improvisation instrumentale libre par un ensemble de Sazandars ; le chanteur les accompagnait au tambour, alternant les rythmes adaptés à chaque passage.
Les mougams interprétés aussi au tar et à la kemantcha ont été intégrés depuis une dizaine d'années au répertoire de l'accordéon et du canon, instrument à cordes semblable à la guzla russe. Divers extraits de mougams, interprétés par différents instruments, figurent sur le disque.

LE GO POUZ
Instrument généralement réservé aux femmes, identique au vargane d'autres peuples, et dont le disque présente un morceau.



6. Caucase du Nord, Volga-Oural, Sibérie, Extrême-Orient, Extrême-Nord



a) Caucase du Nord

01 - Elmirzo et Kafa (mélodies kabardines)     [1:13]
K. Khavpatchev, chikapchina

02 - Lezguinka (danse kabardine)     [1:28]
T. Achourov, nakyre (zourna) - A. Issakov, dool

03 - Khessake Iored (danse adigue)     [1:45]
A. Tchine, chitchepchine - T. Tchessebiev, voix et pkhatchine

04 - Bachtchylyk (mélodie karatchaï)     [1:52]
R. Botachov, sybyzgui - Chœur masculin de la Radio Karatchaï

05 - Danse sur les pointes (mélodie assète)     [1:13]
B. Gazdanov, accordéon

06 - Mélodie avar     [1:38]
R. Magomedov, koumouz

07 - Le jeune tchabane (chanson lezgue)     [1:50]
R. Gadjieva, chant - S. Maksimov, A. Babaev, doudouk - S. Issaev, bouben

08 - Boulgn (chanson kalmouk)     [1:56]
B. Mandjourakov, chant, dombra

09 - Sur les sentiers montagneux     [1:22]
R. Magomedov, koumouz - Ch. Ioussoupov, dool - M. Khadoulav, tchagan

10 - Chanson de tchabane (mélodie tchétchène)     [2:42]
Ch. Edilsoultanov, adkhor-pondour et sifflet


b) Volga-Oural

11 - Mélodie de danse marii     [1:52]
Ensemble de kiousle de la ville Iochkar-Ola

12 - Mélodie lente de danse marii     [1:45]
A. Malinine, choun-chouchpyk (rossignol d'argile)

13 - Chanson du pays natal (chanson marii)     [1:30]
A. Sidouchkina, chant, kiousle

14 - La Noce (chanson marii)     [1:35]
A. Soloveva, R. Iakimova, Z. Tanikova, I. Chaberdine, cornemuses - P. Stepanov, tambour

15 - La Volga bleue (chanson marii)     [2:04]
O. Guerassimov, I. Andouganov, duo de chialtych (svirels)

16 - Tchastouchki elmenes (chanson tchouvache)     [1:43]
G. Etrikov, chant, violon

17 - Zatiouchka (mélodie tatare)     [1:31]
A. Kourdioumov, accordéon

18 - Karabai (mélodie bachkir)     [0:42]
I. Dilmoukhametov, kobouz

19 - Le vieil aigle au potrail gris (mélodie bachkir)     [2:35]
S. Khaiboulline, kouraï


c) Sibérie, Extrême-Orient, Extrême-Nord

20 - Ritournelle pour topchour (musique de l'Altaï)     [1:37]
V. Kindikov, topchour

21 - Ritournelle de danse (musique de l'Altaï)     [1:08]
V. Kindikov, topchour

22 - La course d'Argamak (mélodie de l'Altaï)     [1:01]
K. Choumarov, komouz

23 - Mélodies de l'Altaï (karkira)     [1:41]
T. Chinjin, chant de gorge accompagné au topchour

24 - Dembildei (musique Tuviniène)     [3:34]
Ak-ool Kara-sal, iguil

25 - Imitations - Ritournelles pour attirer les rennes     [0:51]
V.D. Khourak, amyrga

26 - Face au mont Dogue (mélodie Tuviniène)     [1:01]
S.D. Doumat, bizantchi

27 - Les paturages d'été  (chanson Tuviniène, couplets)     [1:46]
K. Mounzouk, chant - K. Damdin, M. Kenden, tchagadan - A. Anai-ool, tchanzy

28 - Mélodies Chira (musique khakasse)     [1:42]
S. Kadychev, tchatkhan

29 - Le réveil de la nature (musique lakoute)     [1:50]
I. Aleksseiev, khomous

30 - Chant pour danse iakoute 'Ocouokai'    [0:55]
T. Daigoukov, karyppa

31 - Incantation du chaman iakoute     [3:22]
"Glorification de l'éveil de la nature", R. Sleptsov

32 - Sur les bords de l'Onon (mélodie Bouriate)     [2:59]
 T. Chaniouchkina chant - S. Saldaiev, khour - A. Zonkhoev, tchanza - M. Sanjiev, limba

33 - Kianga Bounini    [0:52]
P. Kialoundziouga

34 - Emoussimi (chanson oudeguesse)     [1:33]
N. Pionka

35 - La petite poule (danse Khantyl)     [0:51]
L. Tebetov, nars-ioukh et écho vocal

36 - Le coucou (mélodie Nivkhe)     [1:17]
E. Khitkourtigrin

37 - Chanson de l'ours (mélodie Manse)     [1:18]
G. Sainakhov, sangkoultan

38 - Musique Nganassane     [2:43]
Morceau de Khe i Kheri
Morceau pour l'arc qui chante (corde pincée)
Morceau pour l'arc qui chante (lancer de flèches)
D. Kosterkin

39 - Guérison de maladie (musique Tchoukche)     [1:00]
V. Rakhtiline, récitatif et joujjalka

40 - Vol d'une mouette contre le vent (chanson Esquimau)     [1:08]
Oumka, chant et enietkoutchine

41 - Chanson de la vague (musique Esquimau)     [0:51]
Ensemble vocal masculin "Ouelen" accompagné à la boubna



Caucase du Nord - Volga - Oural


Historique

Des dizaines de groupes ethniques peuplent les montagnes et les contreforts du Caucase Nord. La population de l'actuel Daguestan par exemple parle plus de trente langues différentes. L'histoire de ces peuples est complexe : au cours des siècles, des tribus ibériques et caucasiennes se sont mêlées aux Scythes, aux Sarmates, aux Alanes (de langue perse). Le morcellement géographique, l'isolement dans ces montagnes inaccessibles, expliquent la diversité des langues et des cultures dans cette région. Cependant, la poésie et la musique témoignent d'une histoire souvent commune ; les récits nartes, par exemple, se sont répandus dans tous les groupes. L'âme de l'épopée narte, c'est Satanei, magicienne aux pouvoirs étendus et pleine de sagesse, mère du peuple et guide des héros ; elle représente la société matriarcale. L'origine très lointaine de l'épopée et sa propagation géographique mettent en évidence les racines communes qui ont nourri la culture de ces peuples du Caucase Nord (Adygues, Tchétchènes, Ossètes, Lazguines, Karatchaï et bien d'autres). La musique occupe une place importante dans leurs civilisations.

Dictionnaire des instruments 

Parmi les instruments à vent, les flûtes et les instruments à anches prédominent.

LE SVIREL
Un récit de l'époque narre relate l'histoire du héros Achamèze, dont le svirel avait le don de rendre la vie, et de répandre le bonheur et la joie.
"Sitôt qu'il joue, du fin fond de l'hiver,
Viennent jaillir les sources d'abondance ;
L'ample chanson du svirel enchanteur
Donne la paix, fait renaïtre le monde."
Cette flûte, que chaque groupe nomme différemment, est taillée dans une tige de plante creuse et ouverte aux deux extrémités. La langue adygue désigne d'ailleurs le svirel du nom de cette plante, le kamyl. Elle est longue de soixante-dix centimètres, et comporte trois à six trous. Elle est réservée aux hommes, et ce sont les bergers et les chasseurs qui en jouent. Elle était parfois fabriquée à partir du canon d'un vieux fusil. Sous ses différentes formes, le svirel accompagnait les chants rituels nartes, souvent chantés par un chœur masculin, l'interprète du svireljouant en écho des variations sur le thème de la mélodie. Chez les Tcherkesses, on lui prêtait des pouvoirs magiques, quasi surnaturels. Quand on recherchait un noyé, un groupe longeait le fleuve en chantant "la complainte du fleuve", chant sans paroles accompagné au svirel.
La tradition voulait que là où la personne s'était noyée, l'instrument s'arrêtait, comme "noyé" de chagrin. Le compact propose une mélodie du peuple karatch, "Bachtchilik" interprétée par un choeœur masculin associé à un svirel.

LA ZOURNA
Instrument à anche proche de la zourna d'Arménie, mais plus petite, elle est fabriquée en bois de cerisier, de noyer ou d'abricotier. Quand on la trouve dans un ensemble, c'est le plus souvent en duo, où le premier musicien, le maître, joue la mélodie, et le deuxième des sons étirés et ininterrompus. Elle peut aussi être accompagnée par un tambour à double face, le gaval. Son répertoire se compose de mélodies de danses, surtout des Lesghiennes. Au Dagestan, il n'existe pas de noces sans zourna : la cérémonie débutait avec un morceau joué par deux zournas, le "Seerar matinal", puis cet instrument accompagnait la fiancée dès le départ de chez elle jusqu'à l'arrivée chez son promis.

L'ACCORDÉON
Introduit par les russes au cours de la seconde moitié du XXè siècle, il y subit de rapides transformations afin d'être mieux adapté aux particularités mélodiques de ces musiques. Ce nouvel accordéon "asiatique" ou "oriental" est devenu aujourd'hui rinstrument le plus populaire du Caucase Nord. La viatskaia, du nom de la ville Viatka, aujourd'hui Kirov (située en Russie Occidentale et réputée pour ses fabriques d'accordéons), est devenue typique dans ces régions. Ce sont les femmes qui en jouent, alors qu'en Russie ce sont plutôt les hommes. L'accordéon "oriental", plus proche des instruments locaux, a aussi pris leurs noms. Au Dagestan, il porte celui d'un instrument à cordes, le komouz. Le répertoire pour accordéon est essentiellement composé de musiques de danses. Celles-ci en effet sont prépondérantes dans l'art de ces peuples montagnards. Quelque soit le style ou la forme, chaque danse possède une grande expressivité et communique une émotion intense. Les danseurs sont souvent des virtuoses : chez les Tcherkesses, on estime par exemple qu'un bon danseur doit pouvoir danser sur une petite table à coté d'un récipient rempli à ras bords, sans jamais le renverser. La grande variété des danses explique l'extrême diversité des morceaux dont le compact donne un large aperçu.

LE BALABAN (doudouk)
Instrument à vent en roseau de quinze à vingt centimètres de long. A l'extrémité supérieure, bouchée hermétiquement, est insérée une anche et cinq à huit trous ménagés dans le tuyau. Cet instrument très simple, d'origine arménienne et azerbaïdjanaise, est surtout employé par les bergers. Au Dagestan, le balaban doux (iastibalaban) est très aimé. Il interprète divers morceaux, et notamment les chants comme ceux des Achougs (chanteurs d'Azerbaïdjan). Dans cette région, l'ensemble le plus courant est formé de deux balaban et d'un tambour.

LE KOMOUZ
Instrument à cordes le plus répandu, baptisé différemment selon les peuples (detchik-pondour chez les Tchétchènes et les Ingouches). Le compact propose une mélodie avar interprétée par un komouz. Celui-ci possède une longue caisse étroite en forme de fourche terminée par deux ou trois dents, fabriquée en bois d'abricotier ou de noyer. Il supporte trois cordes accordées différemment selon les morceaux à jouer. Jadis en fibres ou en soie, celles-ci sont aujourd'hui en métal. Les morceaux destinés au komouz sont surtout des chants, des "iry", récits des exploits héroïques et des événements historiques.
Autrefois, les auls (villages caucasiens) entretenaient presque toujours deux ou trois musiciens-conteurs, en échange de quoi ceux-ci devaient agrémenter toutes les cérémonies.
Il existe deux types d'instruments à archets :
- à deux ou trois cordes fixées sur une caisse évidée, tendue d'une peau de mouton. C'est par exemple le tchagan chez les Avars et les Laks ;
- à deux cordes où la caisse évidée, de forme fuselée, et la table d'harmonie sont en bois. C'est le chitchepchine des Adygues.
Dans les deux cas, les musiciens maintiennent l'instrument debout, la caisse appuyée contre les genoux ou coincée entre eux. Les instruments à archet sont étroitement liés aux récits épiques nartes, autrefois ils étaient réservés aux hommes ; dans les maisons des Ossètes par exemple l'instrument était souvent accroché aux cotés du fusil, du pistolet et du poignard.

LE CHITCHEPCHINE
Il accompagnait les choeurs masculins. Sur cet instrument, les cordes étaient en crin de cheval. Chez les Tchétchènes, les musiciens sifflaient en jouant, comme le voulait la tradition. Les instruments à archet s'intègrent aussi dans les ensembles avec ceux à cordes et à percussion.

LE PKHATCHINE
C'est une crécelle formée de trois à neuf plaquettes de bois étroites et rattachées a une courroie en cuir. Une poignée est fixée sur l'une de ces plaquettes. Le joueur tient un pkhatchine dans chaque main et les secoue d'un mouvement plus ou moins brusque, ce qui varie les rythmes et la puissance sonore. Parfois, ils s'entrechoquent. Ils servent surtout de soutien rythmique dans les danses. Le joueur peut chanter en écho un chant sans paroles d'un genre particulier, il suit ainsi avec la voix la mélodie du chitchepchine.
Tous ces peuples possèdent des ensembles d'instruments à cordes, souvent accompagnés de tambours. "Sur les sentiers montagneux" est un morceau interprété par l'un de ceux-ci, et il nous montre la richesse des arrangements pour danse.
Les Kalmouks sont des descendants des Mongols, installés au Nord-Ouest du bassin de la Mer Caspienne. Originaires d'Asie centrale, ils ont apporté leur culture, qui mêle des traditions mongoles, tibétaines et indiennes jusque dans les steppes du bassin de la Volga.

L'ACCORDÉON
Les Turcs mais aussi les Russes et les Kazakhs (leurs proches voisins) ont eu une influence très sensible sur les Kalmouks. Ainsi l'un de leurs instruments de musique préféré est l'accordéon de Sarabov, ville de la Volga, où l'on produit des accordéons depuis 1850 environ. Cet instrument accompagne des chansons, des danses très originales et dynamiques qui comprennent souvent une part de mime (imitation des comportements animaux, ceux des oiseaux, du lièvre, du serpent, etc.).

LA DOMBRA
Les instruments qui étaient presque exclusivement réservés aux pratiques religieuses, sont aujourd'hui tombés en désuétude. Cependant, la dombra s'est maintenue. C'est un instrument à deux cordes pincées dont la caisse en bois est souvent triangulaire. La dombra accompagne différents types de musiques et notamment les chansons brèves (les akhr-goun) et des chansons poèmes relatant les épopées du XVè siècle, les "Djangar", du nom du héros et de ses douze chevaliers.
Le bassin du cours moyen de la Volga, les contreforts et les montagnes de l'Oural, sont des régions qui ont vu se croiser les cultures et les peuples. Il y a plusieurs milliers d'années les tribus finno-ougriennes traversèrent ces territoires. Plus tard, au XIIIè siècle, ce furent les invasions des Turcs, des Bulgares de la Volga, etc. Ainsi les différences de mode de vie et de culture s'expliquent par la multiplicité des influences qu'ils subirent. Si les Tchouvaches parlent une langue proche du Turc, celle des Marii s'apparente plutôt au finno-ougrien. Cependant, à partir du xvi«siècle, ces régions ont été rattachées à l'empire russe dont la culture a fortement imprégné celles de ces peuples voisins, où la musique tient une grande place.

LA CORNEMUSE
Sans doute le plus répandu chez les Marii (qui la nomment chouvir) et chez les Tchouvaches (chapar). La poche d'air était en boyau de cheval ou de bœoeuf. Le tuyau d'entrée de l'air était fabriqué à partir d'un os fin de brebis ou d'oiseau.
Deux autres tuyaux à anche, en roseau, sont raccordés ensemble à la poche, ce qui permet au musicien de jouer une mélodie sur deux tons. Ces cornemuses avaient un rôle important dans les cérémonies de mariage : elles lançaient le signal de départ du cortège, accompagnaient le fiancé chez sa promise, faisaient danser les invités, et les musiciens étaient justement regardés comme les invités d'honneur. Selon un témoignage écrit du siècle dernier, "le joueur de cornemuse est un magicien pour les Tchouvaches. Durant la noce, c'est lui qui attire les regards, et s'il est célibataire, toutes les jeunes filles veulent se soumettre à lui. Nul ne peut s'opposer à cet instrumentiste, hormis d'autres musiciens, avec qui il joue en compétition pour gagner l'admiration du public." Ces musiciens considéraient de leur devoir de jouer pour animer une cérémonie, et ne recevaient jamais d'argent pour ce faire. On leur offrait cependant des cadeaux honorifiques, chemises et serviettes brodées.

LE TAMBOUR
Le compagnon inévitable de la cornemuse lors de ces cérémonies de mariage.
Paranpan pour les Tchouvaches et toumir pour les Marii, c'est un tambour à double face creusé dans du bois de tremble ou de tilleul. Parfois le tronc employé présente un orifice naturel. Les deux faces sont rendues d'une peau de veau frappées avec des baguettes de bois d'érable ou de chêne. Le tambour intervenait aussi dans le rétablissement de l'ordre : les coupables et les contrevenants étaient châtiés au son du tambour.

L'ACCORDÉON
Introduit par les Russes durant la seconde moitié du siècle dernier, et rapidement adapté à la musique locale : l'accompagnement d'accord fut remplacé par les écarts de quinte, et l'ordre des notes modifié. Il prit bientOt la place des cornemuses, s'appropriant leur usage et leur répertoire. C'est aujourd'hui l'instrument le plus apprécié dans cette région.

LES FLÛTES :

CHOUN CHOUCHPYK (le rossignol d'argile)
C'est un sifflet en terre cuite à deux trous ou plus, qui présente une forme animale (d'oiseau ou autre). Il correspond à l'ocarina des Mariis. En bouchant plus ou moins les trous les musiciens augmentent le diapason de l'instrument jusqu'à une octave. Ils accompagnent en général chants et danses.

LE CHIALTYCH
Instrument à sifflet des bergers mariis en tige creuse, ayant de deux à six trous, dont l'extrémité supérieure est taillée en biais. A côté se trouve un trou de sifflet sans bouchon, et c'est le musicien qui le bouche avec sa langue. Le chialtych interprète les mélodies populaires, et sert aussi à la chasse comme appeau, pour attirer les oiseaux. Le désir d'imiter le chant des oiseaux a donné naissance à un grand nombre de ritournelles très élaborées. Une croyance marii interdisait de jouer du chialtych en dehors des mois d'août et de septembre, sous peine d'entraîner des malheurs (mauvaises récoltes, etc.). Cette croyance est issue des anciens rites païens où chaque instrument avait un rôle rituel spécifique. Aujourd'hui le chialtych s'est inséré aussi dans les ensembles instrumentaux.

LE KOURAÏ
C'est l'instrument le plus répandu chez les Bachkirs. Flûte ouverte à cinq trous, fabriqués par les musiciens eux-mêmes, avec une demi-tige de la plante dont elle porte le nom. Si elle est populaire chez ce peuple, c'est par la facilité de sa fabrication, par sa sonorité qui porte à merveille dans les grandes étendues de la steppe, et par son timbre pur et beau. Le musicien chante en jouant ; quand il attaque un morceau, il prend une note sur l'instrument, puis "glisse" sa voix à la quinte. Le son qu'il émet est un point d'orgue sur le fond duquel se détache la mélodie. Le répertoire pour kouraï est très riche et comprend notamment des morceaux figuratifs, des mélodies épiques aux rythmes lents ou moderato, des ritournelles de danses (boiou-kiou). Les ouzoun kiou (très longues mélodies) bachkirs, comme les kiou kazakhs ou kirghizes, vont très souvent de pair avec certains récits ou légendes. Le musicien, avant de jouer ou de chanter l'ouzoun kiou, raconte une légende qui s'achève sur ces mots : "et il lui demanda d'en faire une chanson". Le compact propose un morceau de kouraï, "le vieil aigle royal au poitrail gris", qui précède fréquemment le récit suivant : "Un chasseur trouva un nid d'aigle royal, et s'empara de tous les petits. L'aigle suivit longtemps ce chasseur, tournoyant au-dessus de lui en poussant des cris plaintifs. Arrivé chez lui, le souvenir de ces cris commença à le tourmenter, et il composa un chanson sur l'aigle et ses gémissements".

LE KOBOUZ
C'est un vargan métallique utilisé par les Bachkirs, semblable aux autres instruments de ce type. Autrefois seuls les femmes et les enfants en jouaient.
Son répertoire est composé de musiques de danses simples, dont on écoutera un exemple avec la pièce "Karabaï".


INSTRUMENTS A CORDES :
Les instruments similaires à la guzla russe à caisse bombée ont profondément marqué la culture musicale de ces peuples.

LE VIOLON
Les instruments à cordes anciens des Mariis et Tchouvaches ont été supplantés par le violon. Cependant les musiciens ont adapté le son, le répertoire et le mode d'emploi du kovvj (chez les Mariis) et du serme koupas (chez les Tchouvaches) au violon. Les seconds par exemple maintiennent l'instrument vertical, appuyé sur un genou, et chantent en jouant.

LA BALALAÏKA
Elle est introduite par les Russes il y a une cinquantaine d'années, en même temps qu'un nouveau type de chansons rapides (proche des tchastouchki russes) qui s'est intégré à la culture musicale des peuples de la Volga et de l'Oural, devenant par exemple le takmak chez les Bachkirs. Ces chansons étaient accompagnées à la balalaïka ou à l'accordéon. Le compact propose un enregistrement de ce genre particulier avec le tchastouchki tchouvache "Takmaksen".






Sibérie

Historique

Des dizaines de peuples vivent de nos jours dans les zones de taïga de la Sibérie et des régions extrême-orientales : dans les bassins des trois grands fleuves de Sibérie, l'Ob, l'Enisseï et la Léna ; dans les vallées des monts Altaï et Saïan ; dans la toundra qui borde l'Océan Glacial Arctique. Les populations de ces immenses territoires diffèrent de par leurs origines, leur langue et aussi leur importance numérique ; en effet, les Iguanassanes de la presqu'île de Taïmyr ne sont que quelques centaines, alors que les Iakoutes, les Bouriates et les Touvintsi sont plusieurs milliers. Ces nombreux peuples vivaient encore au début du siècle dans une société de type tribal, et leurs traditions culturelles se sont formées sous l'influence de leurs activités artisanales et agricoles (essentiellement la chasse, la pêche, l'élevage nomade, notamment de rennes) et des difficultés d'adaptation face à un environnement particulièrement rigoureux. Tout ceci explique les similitudes qui rapprochent les diverses cultures de cette myriade de peuples. Ce creuset commun se retrouve aussi dans la musique où prédomine le genre vocal, l'improvisation, le syncrétisme (éclectisme mêlant la musique, la danse, le chant et la poésie), et où, en revanche, la musique instrumentale est relativement délaissée. Bien sûr, les dimensions de la présente anthologie ne permettent pas de présenter les genres musicaux dans toute leur multiplicité, ni d'effectuer seulement un tour d'horizon des instruments et des musiques de ces régions. Elle ne peut évoquer que les aspects vocaux et instrumentaux les plus représentatifs de ces groupes ethniques. Au long des cours supérieurs de l'Ob et de l'Enisseï en Sibérie, dans la région des Monts Altaï et Saïan, vivent à présent les descendants de peuples de langue turque (les Altaïtsi, les Touvintsi et les Khakassi).
Frères par la race et voisins par la terre, ces peuples sont très proches. A la fin du XIXè siècle, selon les premiers spécialistes à se pencher sur la musique de ces régions, "les Altaïtsi sont très doués pour le chant et la musique, ainsi que pour les improvisations. Leurs chants sont souvent accompagnés à la balalaïka ou au violon... C'est justement sur un air de violon que les Altaïtsi improvisent généralement des mélopées où chaque mot est étiré à l'extrême".


Dictionnaire des instruments 

LE TOPCHOUR
Par balalaïka, les chercheurs désignaient un instrument à cordes pincées appelé topchour chez les Altaïtsi et khomiss chez les khakassi. Le topchour possède une caisse de résonance ovale en bois de cèdre. L'ouverture ménagée sur la caisse est recouverte d'une membrane de peau (remplacée récemment par une table d'harmonie). Les cordes des premiers topchour étaient en crin plat. Le joueur les frappait avec le médium de la main droite. La sonorité sourde du topchour est doublée du cliquetis des doigts sur la table d'harmonie. C'est l'instrument le plus apprécié chez les Altaïtsi.
Au son du topchour, les conteurs populaires, les kaïtchi, chantaient les récits de légendes populaires. L'exécution des épopées durait de longues heures et parfois plusieurs soirées. Les chants et les déclamations des kaïtchi alternaient avec les interludes de topchour. Les musiciens interprétaient des ritournelles inspirées de thèmes anciens. Cet instrument était souvent utilisé pour accompagner les interprètes d'un genre vocal propre aux Altaïtsi et au Touvintsi : le chant à deux voix exécuté par un seul chanteur, le khoomeï ou kiomioï, qui représente certainement le phénomène le plus mystérieux de la musique chez ces deux peuples. Il en existe plusieurs styles : le karira, chez les Altaïtsi, le sibiski ou le siguit, chez les Touvintsi, ou encore le borbannadir. Chacun possède ses particularités en ce qui concerne l'émission des sonorités, la mélodie, l'écart entre le son grave bourdonnant et les aigus mélodiques, ou enfin le timbre de voix qu'il engendre. L'étrangeté du khoomeï inciterait à penser qu'il s'agit là d'une manifestation du chamanisme. Il n'en est rien. Les Altaïtsi comme les Touvintsi, ne le reliant à aucun rituel magique, n'accordent à ce chant qu'une valeur esthétique, et le lient à l'art coutumier des khomouss (ou vargan). Si on compare les deux techniques, on comprend bien ce mystère du chant de gorge solo à deux voix. Lorsqu'il joue du khomouss, le musicien produit, en frappant l'anche de l'instrument, un son prolongé qui correspond à ses caractéristiques. Il applique l'instrument contre ses dents et utilise sa bouche comme résonateur. C'est en modifiant le volume buccal par la prononciation des voyelles muettes qu'il obtient des obertons harmoniques à partir du son produit par l'instrument. Selon le matériau utilisé pour la fabrication de celui-ci, l'anche du khomouss est en métal ou en bois. Le chant solo à deux parties s'obtient donc sur la base d'un son grave et constant auquel s'adjoignent les obertons aigus inspirant parfois à l'interprète des mélodies faciles. Dans le khoomeï, littéralement "chant de gorge", le chanteur ne produit que le son grave de base. En effet, les obertons qui tracent la ligne mélodique se forment à partir de ce son grave en suivant les modifications du volume buccal. Ainsi sont-ils produits de la même façon que dans la technique du khomouss. Naturellement, la palette expressive du khoomeï est incomparablement plus diversifiée que celle du vargan. L'on ne peut en effet obtenir de celui-ci qu'un son de base invariable en hauteur et en timbre, alors que le khoomeï peut produire avec les cordes vocales de l'interprète des sons soutenus de hauteurs multiples et de timbres variés. Les obertons sont ainsi plus riches, et les styles de ce chant solo par conséquent plus développés. Le style karkira ou karguiraa, littéralement "râclement de gorge", se reconnaît à la sonorité rocailleuse des graves continus. Les obertons mélodiques se distinguent parfaitement. Le répertoire des chanteurs de karkira est le plus souvent composé de mélodies ornementales qui ressemblent à des vocalises sans paroles, exécutées sur de longues respirations. Mais il comprend aussi des morceaux de musique basés sur une psalmodie récitative en deux notes. On peut alors y appliquer les paroles de n'importe quelle chanson. Les mélodies des obertons reviennent comme des refrains.
Une autre variété du chant solo à deux voix est illustrée par le style dit sibiski, chez les Altaïtsi. Le son de base en est plus élevé et soutenu que dans le karkira. Il s'utilise naturellement comme canevas pour les obertons mélodiques, mais il peut aussi servir en lui-même de base mélodique. Il présente deux sortes de chant de gorge : celui à une voix dans le registre grave et celui à deux voix où l'on entend simultanément le grave et l'aigu. Le premier s'accorde aux mélodies récitatives empruntant les paroles d'une chanson. Lorsque la mélodie s'immobilise sur le son de base continu, l'interprète construit avec les obertons de la première mélodie une seconde mélodie de type ornemental, dans un registre très aigu. Le terme siguit qui désigne ce style chez les Touvintsi signifie sifflement. L'émission du son grave dont sont tirés les obertons de la mélodie est une technique qui place les cordes vocales dans une position absolument différente de leur position en chant classique qui implique une tension extrême des voies respiratoires, exigeant un entraînement acharné. Les virtuoses du khoomeï attestent une rare maîtrise de la respiration. En une respiration de vingt à trente secondes, ils exécutent plusieurs fois des schémas mélodiques complexes. Bien que le khoomeï appartienne à l'art vocal, ses rapports avec la création instrumentale et avant tout avec le vargan, sont d'une importance déterminante. Le khoomeï est une application originale des traditions instrumentales à l'art lyrique.
Le compact présente les techniques de jeu du temir-komouz (komouz en métal), ainsi que des styles variés du chant solo à deux voix.

L'IKILI OU L'IGUIL
Les chanteurs de khoomeï s'accompagnent du topchour et d'un instrument à archet, l'ikili chez les Altaïtsi, et l'iguil chez les Touvintsi. Ces instruments à deux cordes sont fabriqués, caisse et manche compris, en un seul bloc de bois. La caisse de l'iguil offre un fond à l'ovale bombé et taillé en pointe vers le bas, tandis que le dessus est recouvert d'une membrane en peau ou d'une table d'harmonie en bois. Les cordes sont en crin, l'archet a la forme d'un arc. La tension des fibres de l'archet est contrôlée par les doigts de la main droite. L'interprète ne plaque pas les cordes sur le manche, mais se borne à les effleurer, produisant ainsi des sons flageolants. Les deux cordes de l'iguil résonnent en majeure partie simultanément : la plus grave sert de bourdon à la mélodie jouée sur l'autre corde. Assis à terre, l'on tient l'instrument dressé et appuyé sur le sol. L'iguil accompagne des parties chantées, permet les mélodies de diverses chansons, et plus rarement sert à l'exécution de pièces instrumentales à programme.

LE BIZANTCHI
C'est un autre instrument à cordes et archet utilisé par les Touvintsi. Sa caisse est un cylindre creux en métal ou d'éléments de bois : un coté est ouvert, l'autre recouvert d'une peau de renne ou de bouc. Les cordes sont accordées deux par deux : en principe la première double la troisième, la seconde la quatrième. Cette disposition a fait la caractéristique de l'archet, où s'étirent deux faisceaux de crins. Ceux-ci s'insèrent entre les cordes de façon à n'effleurer que l'une ou l'autre paire de cordes réglées à l'unisson. L'interprète glisse ses doigts entre les cordes et le manche pour soulever légèrement celles-ci et en tirer des sons flageolants. Jusqu'à une époque récente, ces peuples ignoraient l'instrumentation orchestrale. Ils en possèdent désormais pour accompagner chanteurs ou instrumentistes.

LE TCHANZl, LE TCHADAGAN
La chanson "Pâturage d'été" du compact est interprétée par un ensemble à cordes pincées : le tchanzi est un instrument à trois cordes dont on joue avec un médiator, et le tchadagan est proche de la guzla russe. Comme le tchatkhan des Khakassi, ce dernier rappelle extérieurement un canot de bois renversé long d'environ cinquante centimètres. Il possède cinq à huit cordes filetées, sous lesquelles sont les supports en vertèbres de mouton ou en bois, que l'on déplace pour accorder en fonction de la tonalité souhaitée. Le tchatkan accompagnait les chants, les contes, les épopées. Il est aujourd'hui l'instrument le plus répandu chez les Khakassi.

LE TEMIR-KOMOUZ OU TEMIR-KOMISS
Nous avons déjà mentionné cet instrument à anche résonateur. Type traditionnel de vargan métallique, qui est très apprécié par les jeunes et les femmes de ces régions. Mais pour les Iakoutes, descendants des éleveurs de langue turque qui se sont installés dans le bassin de la Léna à l'époque médiévale, le vargan, qu'ils nomment khomouss, est vraiment le tout premier instrument de musique. Les joueurs de khomouss ont mis au point mille techniques expressives, et souvent imitatives, pour reproduire par exemple les chants d'oiseaux. Le khomouss sert souvent au chanteur qui place de courtes phrases durant les silences, et joue sur les effets de cette alternance, c'est la technique du "khomouss parlant". Depuis quelques dizaines d'années, des représentations de khomouss en solo et en ensemble se sont multipliées en Iakoutie. Il existe même des œoeuvres pour khomouss et orchestre symphonique, où il est bien sûr soutenu par un amplificateur. Le compact présente "L'éveil de la nature", improvisation par un ensemble de khomouss.

LE KARIPPA
C'est un instrument original des Iakoutes, à quatre cordes et archet. Comme il arrive souvent, il est taillé dans un seul bloc de bois, puis sa caisse est creusée.
Les cordes sont en crin plat, et retenues par des chevilles fixes. Pour les Iakoutes, le karippa est le frère du violon apporté par les premiers colons russes. La forme y ressemble en effet, et le mot karippa est une déformation du russe skripa signifiant violon. La ritournelle pour karippa qui figure sur le compact est un morceau dansant intitulé "Ossoukhaï". C'est une ancienne ronde Iakoute, qui s'ouvre par un mouvement lent, égal, majestueux, et devient peu à peu rapide et vif. Une personne chante la mélodie pendant que les autres dansent autour d'elle.

LE TABIK
Les instruments à percussion jouaient un rôle important dans la vie des Iakoutes, soit pour les signaux, soit pour les rituels. Le tabik était un instrument à membranes, constitué d'immenses tentures de peau (trois à douze peaux de grands animaux à cornes), tendues sur un cadre de bois. Le tabik était sacré. A la naissance d'un enfant, on frappait afin d'avertir la famille ; et il servait aussi à signaler le mariage et la mort.

LE TAMBOURIN
Le tambourin était aussi connu. Mais comme pour les autres peuples de cette région, il était réservé aux assemblées des chamanes. Ceux-ci, vêtus richement, frappaient en transe leur tambourin, chantant et dansant pour parvenir à l'extase et entrer en communion avec les esprits. C'est un cerceau de bois ellipsoïdal, tendu de peau et sous-tendu par une croix métallique. On frappe le tambourin avec une petite baguette de bois emmaillotée dans la peau d'animal. Le compact comprend deux extraits de cérémonies chamanes, formes développées d'un monologue musical extrêmement expressif.

LA CHOGOUR, L'AMIRGA, LE PIRGUI
Ce sont les différents noms d'une flûte dénuée d'orifices latéraux, qu'on utilisait pour la chasse au marai, "le renne de noble race". Le tuyau de l'amirga long de soixante à soixante-dix centimètres, raillé dans du bois de pin ou de cèdre, est recouvert jusqu'au bas d'un boyau de bête, et renforcé par des anneaux de bois. Remarquablement, le joueur n'insuffle pas l'air dans la flûte, mais aspire l'air de l'amirga entre ses dents fortement serrées. La flûte des Altaïtsi, la chogour, est une tige creuse de plante. Les tchaban improvisent avec elle des ritournelles assez simples. C'est seulement un tuyau sans orifices latéraux.

LA TCHANZA des Bouriates
Dans la région orientale des Monts Saïan, et sur les hauts-plateaux du lac Baïkal, vivent les Bouriates, héritiers de divers croisements ethniques, et dont l'évolution a été influencée surtout par les éleveurs nomades de langue mongole. Les Bouriates possèdent une grande variété d'instruments, de pratiquement tous les groupes. Les plus populaires sont la tchanza, le khour, le khoutchir (semblable au bizantchi des Touvintsi) et la limba. La tchanza a trois cordes pincées, comme son homologue Touvintsi. Elle est sans doute d'origine chinoise. Les deux faces de la caisse sont tendues d'une membrane généralement en peau de serpent. Les cordes sont en soie ou en métal. En général, la tchanza est souvent associée au khour ou morinkhour, instrument à deux cordes et archet. Ce dernier, également tendu de peau, porte au bout du manche une gravure représentant une tête de cheval (son nom morinkhour signifie instrument à tête de cheval).

LA LIMBA
C'est une flûte traversière en bambou, où l'orifice pour insuffler l'air est placé presque au milieu du tuyau. Elle a six trous pour les doigts, plus un orifice spécial que ferme une lame de papier ou de végétal pour donner au son une couleur spécifique.
Dans les régions extrêmes orientales, sur les rives du cours inférieur de l'Amour, vivent les Nanaïtsi, les Oultchi, les Rivkhi et les Oudègueïtsi. Ces petits peuples, vivant comme des chasseurs nomades jusqu'au XXè siècle, ont créé des chansons uniques en leur genre. L'une des caractéristiques de leurs traditions consiste dans l'imitation des cris des animaux et des chants des oiseaux.
Ils s'aident pour cela d'instruments de musique (par exemple une flûte appelée bouninka permet d'imiter l'izioubr, une sous-espèce du cerf rouge). Le but recherché n'est pas la stricte copie du chant animal, mais son évocation symbolique. Nous avons inclus dans le compact une mélodie des Nivki, "Le Coucou", interprétée au tigrin, instrument à corde unique et archet. La seconde spécificité de ces peuples est que chaque chanteur, chaque instrument, possède selon eux sa propre voix, qu'on appelle sa "dzagua". L'imitation conduit à déguiser sa voix propre, et l'improvisation est le genre où il convient d'en exposer les potentialités. Ce modèle musical est présenté sur le compact avec une improvisation au kianti bounini, simple tuyau de bois sans embouchure, et une chanson intitulée "Emoussini".

LE SANGKOULTAN ET LE NARSS-IOUKH
Au Nord-Ouest de la Sibérie, dans le bassin de l'Ob sont les Khanti et les Manssi, issus des anciens finnois, peuple chasseur et pêcheur, au-delà du massif de l'Oural. Il faut nommer surtout chez eux cet instrument à trois ou cinq cordes pincées que les Manssi nomment le sangkoultan et les Khanti le narss-ioukh. La caisse est semblable à une barque massive, longue d'un mètre environ, et taillée dans le bois. Son nom khanti en fait le "bois qui joue de la musique".
Chansons courantes, épopées destinées à de rares cérémonies, légendes du passé, improvisations de contes, s'accompagnent de cet instrument, sur l'air duquel on danse aussi dans les fêtes. Jadis, les rituels y recouraient notamment lors de la grande fête de l'ours, danse rituelle autour d'un ours abattu (le nom manssi signifie "le jeu de la musique de l'ours").
Dans la presqu'île de Taïmyr, vivent environ neuf cents Iguanassan. Leur présence ici est millénaire. Leur art possède selon eux des vertus magiques, et ils ont un répertoire considérable de chansons, avec quoi ils accompagnent tous les grands moments de la vie. Le garçon doit ainsi composer un chant lors de son accession à l'âge adulte. Chez ce petit peuple, instruments et musique sont demeurés à un degré quelque peu primitif. Il utilise par exemple des objets domestiques ou des Outils artisanaux en guise d'instruments. Le plus populaire est ainsi "l'arc chantant", qui n'est qu'un arc ordinaire, dont on fait vibrer la corde en en tenant l'extrémité avec ses dents, la bouche servant de résonateur ; on peut aussi frapper la corde avec une flèche.

LE KAKHIA OU KHE
Le kakhia est un costume de cérémonie que revêtaient les chamanes lors des grandes occasions, et sur lequel on a cousu soixante-dix hochets métalliques qui cliquètent à chaque geste. Dans le compact, la musique de cet habit est soutenu par le bourdonnement du khieri, fabriqué en bois ou en os, voire avec des défenses de mammouths fossiles.

LE SEKOUÏAK (Eskimau) OU LE IARAR (Tchouktch)
Ce sont ces tambourins qui occupent toutefois la place prépondérante, grâce auxquels on chante, on danse, on prie chez ces peuples de l'Extrême-Nord, les Tchouktch, les Koriaks et les Eskimaux. Malgré leurs divers noms, ce sont toujours des cerceaux de bois rond ou ovale, sur quoi on a tendu une membrane découpée dans l'estomac séché d'un morse ou dans une peau de renne. Chez les Tchouktch et les Eskimaux, chaque famille possède son tambourin, dont jouent femmes et hommes, et toute la famille lors des cérémonies rituelles.
Ces peuples produisent aussi divers bourdonnements et hurlements avec par exemple le tchouringui, qui imite le sifflement du vent. L'eïnètkoutchin est une petite canne de bois à laquelle une corde est fixée. Tourner rapidement la canne en l'air produit le son dont la hauteur varie en fonction de la vitesse apportée au mouvement. Le compact propose l'une des chansons eskimau les plus populaires, accompagnée avec cet instrument singulier. C'est le "Vol d'une mouette contre le vent".


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Voici ce document retravaillé en PDF traitant d'abord de l'histoire des pays, suivi du dictionnaire des instruments classés alphabétiquement avec un index en fin de document :