Épitaphe de Seikilos



Vous savez sans doute que la poésie en Grèce était toujours chantée, accompagnée de la lyre ou de la cithare. Nous avons pu retrouver les textes - dont la versification atteste d’un rythme très étudié -, nous avons également le témoignage des auteurs et celui des vases peints ou des fresques et bas-reliefs ; mais de la musique elle-même, aucune trace !... Jusqu’à cette "épitaphe" (c’est-à-dire une inscription sur un tombeau) datant du 1er siècle après J-C, qui elle enfin, indique des notes. Et elle se chante ! En effet, pour les Grecs initiés aux Mystères Orphiques, la mort n’était pas triste, ce n’était qu’une renaissance.
C’est pourquoi d’ailleurs sur la tombe où repose Seikilos il est aussi écrit : "Seikilos, fils d’Euterpos, vit..."
Voici la version de Théodore Reinach  (La musique grecque, Payot, 1926) :
« Hoson zēs, phainou 
Mēden holōs sy lypou ; 
Pros oligon esti to zēn 
To telos ho chronos apaitei. »
« Tant que tu vis, brille ;
Ne t’afflige de rien outre mesure
La vie est courte
Le temps réclame son tribut ».

Traduction de Martine Maillard :
  Tant que tu vis, sois rayonnant,
Ne pleure pas outre mesure ;
A pas comptés marche le temps,
De tes jours réclamant l’usure.
Seconde traduction, moins fidèle :
Que toute ta vie soit lumière !
Ne t’afflige jamais longtemps.
La vie est chose passagère :
     Son terme est fixé par le temps...
Épigramme funéraire mis en musique,
gravé sur une stèle découverte en 1883 en Anatolie (= Turquie).
Emile Martin raconte que le chercheur Ramsay, qui découvrit cette épitaphe en 1883, à Aïdin, en Anatolie, ne reconnut pas au premier abord les signes de la notation musicale. Ces fameux signes se trouvaient dans les interlignes de cette colonne funéraire de Tralles. Selon Théodore Reinach « elle constitue l’échantillon le plus complet et le plus lisible qui nous soit parvenu de la notation antique ».
Les archéologues datent cette inscription du 1er siècle après J.-C. Selon eux, l’idée d’une épitaphe musicale, à cette époque, n’était pas nouvelle.
Malheureusement, cette colonne disparut en 1922, dans l’incendie de Smyrne, où elle avait été transportée, mais fut heureusement retrouvée en 1957. Depuis 1966 elle est conservée au musée de Copenhague.
Cette épitaphe d’un certain Seikilos a fait tergiverser les esprits de tous les chercheurs, car il y a eu beaucoup d’interprétations sur son texte, qui est une notation vocale.
Voici la version d’Emile Martin :
« Tant que tu vis, brille ;
Ne t’afflige de rien outre mesure
La vie est courte
Le temps réclame son tribut ».
Émile Martin reconnaît que le ton de ces quatre maximes est « beaucoup plus voisin d’un épicurisme modéré que de la conception chrétienne de la vie terrestre ». Il continue en mentionnant que, malgré sa concision, le conseil n’en est pas moins clair : « il faut jouir de l’existence et ne pas prendre trop au sérieux les misères d’une vie soumise à une fatale brièveté. »
Ci-dessous la notation moderne telle qu’elle fut décryptée par l’éminent musicologue Théodore Reinach, avec sa traduction littérale :

Extrait du livre de Paule Druilhe : "Histoire de la Musique" (Hachette, 1966), p. 22.