Rencontre de la culture noire et blanche
Le cross-over (action de croiser) est le fondement du jazz car dès le XVIIème siècle, 200.000 Africains sont déportés sur le continent américain pour y être soumis à l’esclavage. Trois siècles plus tard, ils seront des millions. À partir de ce moment, la pratique musicale des Africains, si étouffée soit-elle par les Blancs, va néanmoins s’exercer et connaître l’influence de la musique qu’écoutent ou jouent les maîtres. L’intégration de certaines caractéristiques de ces musiques au niveau le plus profond de l’expression musicale africaine entraînera, après quelque trois siècles de macération, la création d’une expression nouvelle autant sur le plan rythmique (le swing) que mélodique (les gammes nouvelles : blues notes, les modes) ou harmonique (accords enrichis de leur superstructure : 9ème / 11ème / 13ème altérées ou non).
Voici, en résumé, les différents éléments étant intervenus dans la formation de la musique de jazz :
1 . Sources “blanches”
— les chants religieux protestants ;
— les chansons populaires anglo-saxonnes et (parfois) françaises ;
— les chansons populaires américaines ;
— les chansons de minstrels (imitation caricaturale de chansons africaines par des Blancs qui les interprètent à leur manière*) ;
— les danses européennes (valses, polkas, mazurkas, quadrilles) notamment interprétées par des fanfares ;
— les marches militaires et autres musiques de fanfares présentes en toutes occasions festives à la Nouvelle-Orléans ;
— la musique de piano.
2. Sources “noires”
— les chants traditionnels africains ;
— les nouveaux chants africains nés sur le continent américain ;
— les chants de travail (work songs, field hollers).
3 . Sources issues du mélange de 1 avec 2
— des chants religieux spécifiques nés sur le continent américain (gospels et spirituals) ;
— le ragtime, mélange de folklore noir et de musique de fanfare blanche ;
— le blues, mélange de ballades blanches (chansons anglo-saxonnes ou américaines), de ballades africaines (chansons africaines nées sur le continent américain) et de worksongs ; de cette branche en particulier naîtra le Blues, non en tant qu’élément constitutif du jazz (utilisation de la gamme et de la structure blues) mais en tant que style à part entière (blues rural des campagnes, puis blues urbain des villes).
* ces Blancs, qui se noircissaient le visage de cirage, se plaisaient à se moquer des Afro-américains, mais on peut penser que certains se prirent au jeu et y allèrent de leur talent et de leur manière, dont les Noirs en retour s’inspirèrent peu ou prou.