Billie Holiday - Strange Fruit
Les mouvements musicaux issus de la révolte politique
Strange Fruit, sur un texte de Abel Meerepol (nom de plume : Lewis Allan), chanté pour la première fois par Billie Holiday au Cafe Society, dans une boîte de nuit de New-York. (chanson contre le lynchage).En 1939, Billie Holiday, une des plus célèbre de chanteuse de jazz à cette époque, a enregistré la chanson Strange Fruits – poème anti-raciste de Lewis Allen (de vrai nom Abel Meeropol : il était professeur de lycée et juif) – qui a exprimé ses sentiments concernant les lynchages en Amérique et a fait une puissante déclaration contre le racisme qui était toujours présent dans sa vie. Holiday a employé le jazz comme instrument pour rassembler l’opinion publique afin de supporter la législation anti-lynchage qui languissait au congrès.
D’abord chantée au Café Society, un night-club de Greenwich Village à New York – tenu par Barney Josephson –, cette chanson fut enregistrée par la firme Commodore le 20 avril 1939, alors que Columbia ne voulait pas de cette « chanson-propagande » dans son catalogue. Ce fut un véritable succès commercial.
Billie chante Strange Fruit…
L’écoute de Billie Holiday chantant Strange Fruit reste un moment inoubliable ; sans doute rien de comparable à ce qu’ont vécu les clients du Cafe Society en 1939 (voir l’excellent livre de David Margolick qui raconte la scène au Cafe Society), mais il suffit d’imaginer la scène...
La salle est plongée dans le noir, le service aux tables et au bar a été interrompu. Billie Holiday est seulement accompagnée d’un piano sur lequel elle s’appuie, un unique et petit spot éclaire son visage. Elle est immobile, comme hébétée… Son visage se crispe et dans un rictus de douleur, sortent de sa bouche les premières syllabes de Strange Fruit. Billie fredonne d’une voix à la déchirure souveraine cet émouvant requiem, qui dénonce les lynchages sudistes, pour ces « fruits étranges » pendus aux branches des arbres : « Des corps noirs balançant dans la brise sudiste ». C’est là, le vertige d’une souffrance maîtrisée.
Elle chante de manière très sûre, convaincue et si convaincante. Elle est déterminée et très concentrée. Son élocution et son phrasé donnent aux mots qu’elle "assène" à l’audience une intensité et un impact si forts qu’à la fin de sa prestation, un "silence de mort" se fait dans la salle…
Ce silence pesant semble durer une éternité avant qu’un spectateur ne se mette à applaudir nerveusement, imité ensuite par toute la salle.
Il était convenu dans l’engagement de Billie que Strange Fruit soit chanté lors de son dernier set et pour le clore, mais après cette prestation, elle était incapable de poursuivre et se retirait longuement seule dans sa loge pour se remettre de l’intense émotion qui la submergeait alors.
Billie HOLIDAY (1915-1959) : quelques dates clés
1915 - Naissance d'une petite fille à l’enfance malheureuse, chaotique, adolescente meurtrie corps et âme, elle deviendra quelques années plus tard « Lady Day » (ainsi que la surnomma son ami fidèle, le saxophoniste Lester Young, comme elle brisé par la vie), la chanteuse à la voix la plus émouvante de l’histoire du jazz qui finira son existence dans le désenchantement et l’autodestruction.
1930 - Arrêtée pour prostitution à quinze ans, elle est envoyée pour quatre mois dans une prison pour femmes. À sa sortie, elle est engagée comme chanteuse au pourboire puis travaille régulièrement jusqu’à ce que le producteur John Hammond la remarque : elle enregistre son premier disque en novembre 1933 avec une formation dirigée par Benny Goodman. Elle passe ensuite dans de nombreux clubs, dont le célèbre Apollo, où on apprécie déjà le sens particulier de son phrasé, une mise en place extrêmement originale et le timbre de sa voix légèrement acidulé. C’est en 1935 qu’elle enregistre ses premiers grands disques avec l’orchestre du pianiste Teddy Wilson puis sous le nom de Billie Holiday and Her Orchestra (« No Regrets », « Billie’s Blues », « Easy to Love », 1936).
1937 - Engagée dans l’orchestre de Count Basie, elle y rencontre Lester Young (début de leur amitié qui culmine, du point de vue musical, dans « Trav’lin’ All Alone »). Elle entreprend une série de tournées avec les dix-sept musiciens blancs du clarinettiste Artie Shaw au cours desquelles d’innombrables vexations et humiliations, notamment dans les États du Sud, la révoltent.
1939 - Billie chante dans un club de Greenwich Village, enregistre son premier « tube », « Strange Fruit » (poème de Lewis Allen, les « fruits étranges sont les corps des noirs lynchés qui pendent aux branches des arbres »), se produit ensuite dans les clubs des grandes métropoles jusqu’en 1943. D’autres succès sont immortalisés, « God Bless the Child » (elle est l’auteur des paroles) et « Lover Man ». À cette époque commence sa dépendance à la drogue en même temps qu’elle sombre dans l’alcoolisme ; on remarque alors sa nouvelle manière de chanter, plus sophistiquée, sa voix devenue plus rauque.
1947 - Sa vie privée est un naufrage ; elle est arrêtée plusieurs fois pour usage de stupéfiants et passe quelques mois en prison. À sa sortie, elle participe à des émissions de télévision, se produit plusieurs fois au Carnegie Hall de New York, tourne en Europe, chante au festival de Newport et enregistre (de 1954 à 1957) pour le label Verve du producteur Norman Granz quelques disques admirables, particulièrement ceux en compagnie de musiciens comme le trompettiste Harry Edison, le saxophoniste Ben Webster, le pianiste Jimmy Rowles (les CD All or Nothing at All, Song for Distingué Lovers, Los Angeles, 1957). Si la voix a changé, la puissance émotionnelle reste intacte, la sensualité toujours présente, le vibrato constamment contrôlé ; elle exprime avec une résignation hautaine sa blessure intérieure, la fêlure de son âme.
1956 - Parution de Lady Sings the Blues (Lady Sings the Blues - Ma Vie, traduction française, 1991), l’autobiographie publiée trois ans avant sa mort, elle dévoile sans complaisance l’enfer, vécu au quotidien, que la société a construit autour de sa race, de sa classe et de sa condition d’artiste. « Mon père et ma mère n’étaient que deux gosses quand il se marièrent ; il avait dix-huit ans, elle seize ; moi, j’avais trois ans », ainsi commence le livre.
1958 - Paris, Olympia. Au cours de ses dernières apparitions publiques, elle semble être l’ombre d’elle-même mais ses interprétations sont sublimes, déchirantes, d’un autre monde ; en témoignent les ultimes enregistrements avec l’orchestre de Ray Ellis (dont le CD Lady in Satin, février 1959). Elle chante pour la dernière fois dans un club de Boston (ceux de New York lui sont interdits à cause de ses condamnations) !
1937 - Engagée dans l’orchestre de Count Basie, elle y rencontre Lester Young (début de leur amitié qui culmine, du point de vue musical, dans « Trav’lin’ All Alone »). Elle entreprend une série de tournées avec les dix-sept musiciens blancs du clarinettiste Artie Shaw au cours desquelles d’innombrables vexations et humiliations, notamment dans les États du Sud, la révoltent.
1939 - Billie chante dans un club de Greenwich Village, enregistre son premier « tube », « Strange Fruit » (poème de Lewis Allen, les « fruits étranges sont les corps des noirs lynchés qui pendent aux branches des arbres »), se produit ensuite dans les clubs des grandes métropoles jusqu’en 1943. D’autres succès sont immortalisés, « God Bless the Child » (elle est l’auteur des paroles) et « Lover Man ». À cette époque commence sa dépendance à la drogue en même temps qu’elle sombre dans l’alcoolisme ; on remarque alors sa nouvelle manière de chanter, plus sophistiquée, sa voix devenue plus rauque.
1947 - Sa vie privée est un naufrage ; elle est arrêtée plusieurs fois pour usage de stupéfiants et passe quelques mois en prison. À sa sortie, elle participe à des émissions de télévision, se produit plusieurs fois au Carnegie Hall de New York, tourne en Europe, chante au festival de Newport et enregistre (de 1954 à 1957) pour le label Verve du producteur Norman Granz quelques disques admirables, particulièrement ceux en compagnie de musiciens comme le trompettiste Harry Edison, le saxophoniste Ben Webster, le pianiste Jimmy Rowles (les CD All or Nothing at All, Song for Distingué Lovers, Los Angeles, 1957). Si la voix a changé, la puissance émotionnelle reste intacte, la sensualité toujours présente, le vibrato constamment contrôlé ; elle exprime avec une résignation hautaine sa blessure intérieure, la fêlure de son âme.
1956 - Parution de Lady Sings the Blues (Lady Sings the Blues - Ma Vie, traduction française, 1991), l’autobiographie publiée trois ans avant sa mort, elle dévoile sans complaisance l’enfer, vécu au quotidien, que la société a construit autour de sa race, de sa classe et de sa condition d’artiste. « Mon père et ma mère n’étaient que deux gosses quand il se marièrent ; il avait dix-huit ans, elle seize ; moi, j’avais trois ans », ainsi commence le livre.
1958 - Paris, Olympia. Au cours de ses dernières apparitions publiques, elle semble être l’ombre d’elle-même mais ses interprétations sont sublimes, déchirantes, d’un autre monde ; en témoignent les ultimes enregistrements avec l’orchestre de Ray Ellis (dont le CD Lady in Satin, février 1959). Elle chante pour la dernière fois dans un club de Boston (ceux de New York lui sont interdits à cause de ses condamnations) !
1959 - Très faible, elle rentre le 31 mai à l’hôpital, elle est inculpée pour détention de stupéfiants sur son lit de mort et décède le 17 juillet, cinq mois après Lester Young. « Mais tout ceci, je l’oublierai avec mon homme… », telle est la dernière phrase de son livre.
Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black body swinging in the Southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees
Pastoral scene of the gallant South
the bulging eyes and the twisted mouth
Scent of magnolia, sweet and fresh,
and the sudden smell of burning flesh
Here is a fruit for the crows to pluck,
for the rain to gather, for the wind to suck,
for the sun to rot for a tree to drop,
Here is a strange and bitter crop
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles, du sang aux racines,
Un corps noir se balançant dans la brise du Sud,
Etrange fruit pendant aux peupliers.
Scène pastorale du « vaillant Sud »,
Les yeux exorbités et la bouche tordue,
Parfum du magnolia doux et frais,
Puis la soudaine odeur de chair brûlée.
Fruit à déchiqueter pour les corbeaux,
Pour la pluie à récolter, pour le vent à assécher,
Pour le soleil à mûrir, pour les arbres à perdre,
Etrange et amère récolte.
traduction anonyme
Y a dans le Sud des arbres aux fruits exotiques
Qui suintent du sang, des feuilles et des racines
Corps blacks bercés par la brise
Fruits étranges des peupliers
Douce scène du Sud glorieux
Yeux extrudés et lèvres tordues
Senteur de magnolia, fraîche et douce
Et celle, soudaine, de la chair brûlée
C’est le fruit que le corbeau picore
Que la pluie estompe et que le vent balance
Que le soleil mûrit et que l’arbre libère
Amère et étrange récolte du Sud
traduction Old Cola
Le Sud est planté d’arbres gris
Sanglants des feuilles à la racine
Il y pousse un étrange fruit
À la chair noire qui dodeline.
Souffle du Sud incandescent
Le magnolia frais et sucré
Parfume un pestilent brasier
De corps qui brûlent en grimaçant.
Fruit picoré par les corbeaux
Ou qui pourrit dans la tempête
Au coeur des vieux vergers austraux
Où la récolte amère est faite.
traduction Christian Mistral
Strange Fruit n’est pas seulement le premier "protest song" (= chanson contestataire) américain, il est aussi le plus puissant et le plus durable.
Strange Fruit ne saurait en aucun cas être considéré comme une "chanson" ordinaire tant ses implications historiques et politiques sont importantes pour qui veut s’intéresser un tant soit peu à l’histoire des Etats-Unis et à la lutte pour les droits civiques… Et pas seulement !
Il est devenu au fil du temps, l’hymne, le chant de ralliement de toutes les victimes d’actes racistes ou minorités opprimées.
Aujourd’hui encore, beaucoup pensent que Billie Holiday a écrit ce texte, un mythe conforté par elle-même et le film Lady Sings the Blues dans lequel elle se met à écrire ces lignes après avoir assisté à un lynchage.
En fait, Meeropol publia ce poème en 1937 et le mit en musique lui-même avant qu’il ne parvienne à Billie Holiday qui en remania la musique avant de l’interpréter.
Billie qui ne s’était jamais frottée à quoi que ce soit de politique auparavant, avait 23 ans quand elle chanta pour la 1ère fois Strange Fruit et en fit rapidement sa "propriété" tant elle y ajoutait de puissance et d’impact par sa personnalité ; sa diction parfaite et sa manière de ponctuer chaque phrase donnant au texte une intensité dramatique exceptionnelle.
Contrairement à nombre de chants protestataires tombés dans l’oubli, voire devenus obsolètes, Strange Fruit survit grâce à ses incroyables possibilités métaphoriques.
L’étrange fruit dont parle Meeropol ne pend plus aux peupliers du Sud et les lynchages n’ont plus cours sur le sol des Etats-Unis depuis qu’il a écrit ce poème…
Cependant les visions de James Byrd Jr, traîné derrière une camionnette à Jasper au Texas, d’Amadou Diallo, de Patrick Dorismond, d’Abner Louima, et tant d’autres noirs tués ou mutilés par des blancs, victimes d’actes racistes de toute nature, minorités opprimées, sont toujours bien présentes et nous rappellent combien Strange Fruit n’est pas un chant d’hier, mais malheureusement d’aujourd’hui, de demain, de toujours…
L’utilisation des CONTRASTES permet ici de mieux percevoir l'horreur de la scène. Nous verrons si la musique met aussi en jeu des contrastes…
Site internet : http://www.lady-day.org
LE TEXTE DE LA CHANSON
Voici le poème Strange Fruits de Lewis Allen :Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black body swinging in the Southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees
Pastoral scene of the gallant South
the bulging eyes and the twisted mouth
Scent of magnolia, sweet and fresh,
and the sudden smell of burning flesh
Here is a fruit for the crows to pluck,
for the rain to gather, for the wind to suck,
for the sun to rot for a tree to drop,
Here is a strange and bitter crop
TRADUCTIONS
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles, du sang aux racines,
Un corps noir se balançant dans la brise du Sud,
Etrange fruit pendant aux peupliers.
Scène pastorale du « vaillant Sud »,
Les yeux exorbités et la bouche tordue,
Parfum du magnolia doux et frais,
Puis la soudaine odeur de chair brûlée.
Fruit à déchiqueter pour les corbeaux,
Pour la pluie à récolter, pour le vent à assécher,
Pour le soleil à mûrir, pour les arbres à perdre,
Etrange et amère récolte.
traduction anonyme
Y a dans le Sud des arbres aux fruits exotiques
Qui suintent du sang, des feuilles et des racines
Corps blacks bercés par la brise
Fruits étranges des peupliers
Douce scène du Sud glorieux
Yeux extrudés et lèvres tordues
Senteur de magnolia, fraîche et douce
Et celle, soudaine, de la chair brûlée
C’est le fruit que le corbeau picore
Que la pluie estompe et que le vent balance
Que le soleil mûrit et que l’arbre libère
Amère et étrange récolte du Sud
traduction Old Cola
Le Sud est planté d’arbres gris
Sanglants des feuilles à la racine
Il y pousse un étrange fruit
À la chair noire qui dodeline.
Souffle du Sud incandescent
Le magnolia frais et sucré
Parfume un pestilent brasier
De corps qui brûlent en grimaçant.
Fruit picoré par les corbeaux
Ou qui pourrit dans la tempête
Au coeur des vieux vergers austraux
Où la récolte amère est faite.
traduction Christian Mistral
Double lynchage d’Abram Smith (19 ans) et Thomas Shipp (18 ans)
à Marion dans l’Indiana (7 août 1930)
LE TEXTE ET SON HISTOIRE
Ce texte chanté par Billie Holiday à partir de 1939 au Cafe Society, le premier cabaret "intégré" (de l’anglais "integrate", désignait les endroits acceptant les noirs, par opposition à "segregate", ne les acceptant pas...) de New York, avait le don de pétrifier l’assistance chaque fois qu’elle le chantait et n’a jamais perdu de son impact au fil des ans.Strange Fruit n’est pas seulement le premier "protest song" (= chanson contestataire) américain, il est aussi le plus puissant et le plus durable.
Strange Fruit ne saurait en aucun cas être considéré comme une "chanson" ordinaire tant ses implications historiques et politiques sont importantes pour qui veut s’intéresser un tant soit peu à l’histoire des Etats-Unis et à la lutte pour les droits civiques… Et pas seulement !
Il est devenu au fil du temps, l’hymne, le chant de ralliement de toutes les victimes d’actes racistes ou minorités opprimées.
Aujourd’hui encore, beaucoup pensent que Billie Holiday a écrit ce texte, un mythe conforté par elle-même et le film Lady Sings the Blues dans lequel elle se met à écrire ces lignes après avoir assisté à un lynchage.
En fait, Meeropol publia ce poème en 1937 et le mit en musique lui-même avant qu’il ne parvienne à Billie Holiday qui en remania la musique avant de l’interpréter.
Billie qui ne s’était jamais frottée à quoi que ce soit de politique auparavant, avait 23 ans quand elle chanta pour la 1ère fois Strange Fruit et en fit rapidement sa "propriété" tant elle y ajoutait de puissance et d’impact par sa personnalité ; sa diction parfaite et sa manière de ponctuer chaque phrase donnant au texte une intensité dramatique exceptionnelle.
Contrairement à nombre de chants protestataires tombés dans l’oubli, voire devenus obsolètes, Strange Fruit survit grâce à ses incroyables possibilités métaphoriques.
L’étrange fruit dont parle Meeropol ne pend plus aux peupliers du Sud et les lynchages n’ont plus cours sur le sol des Etats-Unis depuis qu’il a écrit ce poème…
Cependant les visions de James Byrd Jr, traîné derrière une camionnette à Jasper au Texas, d’Amadou Diallo, de Patrick Dorismond, d’Abner Louima, et tant d’autres noirs tués ou mutilés par des blancs, victimes d’actes racistes de toute nature, minorités opprimées, sont toujours bien présentes et nous rappellent combien Strange Fruit n’est pas un chant d’hier, mais malheureusement d’aujourd’hui, de demain, de toujours…
ANALYSE DU TEXTE
1/ Analysons tout ce qui exprime une vision positive du Sud et comment ces images positives sont associées voire opposées à des contrepoints négatifs.L’utilisation des CONTRASTES permet ici de mieux percevoir l'horreur de la scène. Nous verrons si la musique met aussi en jeu des contrastes…
En effet, on retrouve, dans le texte et la photo, ces oppositions flagrantes entre positif et négatif : l'idée d'une fête ne colle pas avec celle d'un meurtre et la division entre les 2 parties de la photo est à mettre en parallèle avec cet équilibre entre des images positives et négatives développé dans les 2 premières strophes de la chanson.
2/ Étude du rythme, des rimes et analyse de la métaphore du fruit développée dans la dernière strophe :
Rythme du poème : le poème consiste en la succession de 3 QUATRAINS (strophe de 4 vers)
Les vers : pas de rythme régulier : majorité de mètres impairs : vers ennéasyllabe (9 syllabes) mais aussi heptasyllabe…
Rimes : AABB = rime plate (ou rime suivie)
Les métaphores :
La scène pastorale correspond au bas de la photo, les yeux révulsés et la bouche tordue au haut de la photo.
Les éléments métaphoriques du poème peuvent se retrouver dans l'arbre de la photo et l'idée d'un sud galant est exprimée dans la photo par la manière dont les hommes entourent les femmes pour les protéger (remarque intéressante quand on sait que les hommes noirs étaient lynchés pour avoir osé regarder une femme blanche...).
Le contraste le plus choquant reste l'image de la femme enceinte du 1er plan : une vie à venir se réjouissant de la mort, ceci pouvant faire écho à "bitter crop" (amère récolte...).
La photo est évidemment plus explicite mais le poème reste, de par le pouvoir des métaphores, gravé dans les esprits.
Le lynchage était également le sujet des travaux d’artistes peintres. Le tableau Lynch Mob Victim de William H. Johnson (1901-1970) dépeint un homme lynché avec des femmes pleurant à ses pieds, ressemblant à des scènes souvent représentées de la crucifixion du Christ. Johnson a également inclus des figures lynchées dans le fond d’une peinture représentant Abraham Lincoln et Frederick Douglass intitulée Let My People Free (vers 1945) :
Des cadavres de jeunes Noirs se balancent au bout d’une corde attachée à une branche, un poteau téléphonique ou dans un cas, à un pont. Un cliché montre un homme qui est en train d’être incinéré, un autre, la tête à demi-calcinée, sur une pique. Ces photos, qui sont autant de scènes d’horreur, montrent des foules où se mêlent et se confondent bourreaux et simples badauds. Sur certaines photographies, des enfants assistent au spectacle macabre.
- Mélodie à la voix (horizontalité) : texte articulé de façon syllabique.
- Accompagnement instrumental : des accords (verticalité)
Sommet de l’œuvre sur « for the tree to drop » : grande phrase ample avec glissando dans la voix suivit d’un silence d’une valeur expressive.
Nina Simone est une pianiste américaine, chanteuse, compositrice et militante pour les droits civiques aux États-Unis. Elle est principalement associée à la musique jazz.
Née dans une famille religieuse, la jeune future Nina est très attirée par la musique mais les réalités de la pauvreté et les préjugés raciaux ont raison de ses ambitions. Désirant à l'origine devenir une pianiste classique, elle a finalement joué dans des styles musicaux variés notamment le jazz, le blues, le classique, la soul, le folk, le R&B, le gospel et la pop.
2/ Étude du rythme, des rimes et analyse de la métaphore du fruit développée dans la dernière strophe :
Rythme du poème : le poème consiste en la succession de 3 QUATRAINS (strophe de 4 vers)
Les vers : pas de rythme régulier : majorité de mètres impairs : vers ennéasyllabe (9 syllabes) mais aussi heptasyllabe…
Rimes : AABB = rime plate (ou rime suivie)
Les métaphores :
La scène pastorale correspond au bas de la photo, les yeux révulsés et la bouche tordue au haut de la photo.
Les éléments métaphoriques du poème peuvent se retrouver dans l'arbre de la photo et l'idée d'un sud galant est exprimée dans la photo par la manière dont les hommes entourent les femmes pour les protéger (remarque intéressante quand on sait que les hommes noirs étaient lynchés pour avoir osé regarder une femme blanche...).
Le contraste le plus choquant reste l'image de la femme enceinte du 1er plan : une vie à venir se réjouissant de la mort, ceci pouvant faire écho à "bitter crop" (amère récolte...).
La photo est évidemment plus explicite mais le poème reste, de par le pouvoir des métaphores, gravé dans les esprits.
Les lynchages
Les victimes des lynchages sont majoritairement des Noirs, condamnés sans procès pour des crimes allant du meurtre et du viol au simple fait de ne pas s’être effacé pour laisser passer un Blanc sur le trottoir. L’Association Nationale pour l’Avancement des Personnes de Couleur (N.A.A.C.P.) recense ainsi 3436 lynchages entre 1889 et 1922.Le lynchage était également le sujet des travaux d’artistes peintres. Le tableau Lynch Mob Victim de William H. Johnson (1901-1970) dépeint un homme lynché avec des femmes pleurant à ses pieds, ressemblant à des scènes souvent représentées de la crucifixion du Christ. Johnson a également inclus des figures lynchées dans le fond d’une peinture représentant Abraham Lincoln et Frederick Douglass intitulée Let My People Free (vers 1945) :
Let My People Free (vers 1945) de William H. Johnson
Des cadavres de jeunes Noirs se balancent au bout d’une corde attachée à une branche, un poteau téléphonique ou dans un cas, à un pont. Un cliché montre un homme qui est en train d’être incinéré, un autre, la tête à demi-calcinée, sur une pique. Ces photos, qui sont autant de scènes d’horreur, montrent des foules où se mêlent et se confondent bourreaux et simples badauds. Sur certaines photographies, des enfants assistent au spectacle macabre.
Un Nègre brûlé à petit feu.
Le Petit Journal Illustré, 7 Octobre 1906.
ANALYSE DE LA MUSIQUE
L’INTERPRÉTATION de « STRANGE FRUIT » par B. Holliday :
FORMATION MUSICALE
VOIX (mezzo-soprano ?) + PETIT ENSEMBLE DE JAZZ (cuivres, piano, contrebasse, batterie)
ESPACE : utilisation de l’espace sonore (mélodies, accompagnement, basses...).
Perception de couches d’évènements sonores :- Mélodie à la voix (horizontalité) : texte articulé de façon syllabique.
- Accompagnement instrumental : des accords (verticalité)
Sommet de l’œuvre sur « for the tree to drop » : grande phrase ample avec glissando dans la voix suivit d’un silence d’une valeur expressive.
TEMPS : utilisation de la dynamique du langage musical (tempo, métrique, accentuations)
Tempo lent
Contrebasse marquant les 4 temps par des noires répétées > côté lancinant.
Rythmique binaire mais la voix est très libre dans l’interprétation.
Le temps s’arrête sur la dernière phrase. C’est une déclamation libre.
Utilisation (dans l’introduction) de la gamme par ton (très utilisé par Debussy) >> créé une ambiance tendue, mystérieuse.
trompette avec sourdine >> son très feutré, intimiste.
Timbre vocal : voix puissante, émotionnelle, sensualité toujours présente, vibrato constamment contrôlé.
« Sweet and fresh » (doux et frais) >> couleur harmonique différente.
Accord final très coloré (accord mineur avec une sixte majeure).
- cymbales + cuivres (trompette avec sourdine >> son très feutré, intimiste)
- puis piano avec contrebasse
3 strophes chantées avec une court interlude de piano entre la 1ère et 2ème strophe.
Contrebasse marquant les 4 temps par des noires répétées > côté lancinant.
Rythmique binaire mais la voix est très libre dans l’interprétation.
Le temps s’arrête sur la dernière phrase. C’est une déclamation libre.
COULEUR : timbre vocal et instrumental (opposition timbres, fusion sonore, mode de jeux, couleurs vocales).
Nuances : intimiste la plupart du temps (donc p-mf) avec parfois des élans (des cris d’espoir) plus fort.Utilisation (dans l’introduction) de la gamme par ton (très utilisé par Debussy) >> créé une ambiance tendue, mystérieuse.
trompette avec sourdine >> son très feutré, intimiste.
Timbre vocal : voix puissante, émotionnelle, sensualité toujours présente, vibrato constamment contrôlé.
« Sweet and fresh » (doux et frais) >> couleur harmonique différente.
Accord final très coloré (accord mineur avec une sixte majeure).
FORME : éléments structurants
Introduction en 2 parties :- cymbales + cuivres (trompette avec sourdine >> son très feutré, intimiste)
- puis piano avec contrebasse
3 strophes chantées avec une court interlude de piano entre la 1ère et 2ème strophe.
AUTRES VERSIONS
NINA SIMONE
Née dans une famille religieuse, la jeune future Nina est très attirée par la musique mais les réalités de la pauvreté et les préjugés raciaux ont raison de ses ambitions. Désirant à l'origine devenir une pianiste classique, elle a finalement joué dans des styles musicaux variés notamment le jazz, le blues, le classique, la soul, le folk, le R&B, le gospel et la pop.