Xu Yi - Biographie
XU Yi a reçu des commandes de l'Etat français, de Radio France, de nombreux festivals et ensembles. Elle a composé une trentaine d'oeuvres qui ont été radiodiffusées et jouées dans divers festivals en Chine, au Japon, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada.
Plusieurs concerts monographiques ont été consacrés à sa musique en France et en Italie. Un disque monographique (MFA-Radio France) distribué par Harmonia Mundi a été édité en 1999. Les oeuvres de Xu Yi sont principalement éditées par les éditions Henry Lemoine.
Ses oeuvres :
Les formes de la création de XU Yi sont diversifiées : Le Roi des arbres (opéra parlé, dramaturgie de François Cervantès) créé au festival Musica en 1993 ; Gu Yin (pour flûte et percussion) créé au festival Présences en 1996 ; Le plein du Vide (pour 14 instruments et dispositif électronique spatialisé en 8 pistes) créé au festival Musiques en scène en 1997 ; Yi (pour trio à cordes) créé au festival RomaEuropa en 1998 ; Crue d'automne (poème scénique, vidéo de Robert Cahen, texte de Jacques Guimet) créé au festival 38e Rugissants en 1999 ; Tempête sur l'Asie (pour film muet de Poudovkine) créé à l'Auditorium du Louvre en 2001 ; Dialogue d'Amour (pour soprano, choeur d'enfants et 13 instruments) créé à Radio France en 2002. Un disque monographique (MFA-Radio France) distribué par Harmonia Mundi a été édité en 1999.
Interview de Xu Yi, réalisée au C.D.M.C.,
le 22/3/2005, par Marc Mathey.
MM : Dans le Plein du Vide y a-t-il une relation avec le Yin et le Yang ?
Xu Yi : Evidemment, le Plein, le Vide. C’est vraiment dans le sens Yin et Yang. C’est vraiment un propos philosophique chinois. Vous connaissez sûrement les livres de François Cheng. Justement, il dit que le ciel et la terre par leur interaction sont en même temps l’espace et le temps. Les deux sont solidaires et transmuables, animés qu’ils sont par les mêmes souffles vitaux.
Dans la pièce le Plein du Vide, Yin et Yang sont en mutation permanente : on ne peut pas dire qu’il s’agit de tel ou tel moment . Le temps et l’espace vivent toujours avec l’homme, mais cela varie avec les branches philosophiques. Par exemple, pour Confucius, l’homme est un homme est un homme du temps. Pour Lao-Tseu, l’homme est un homme de l’espace.
Si vous regardez la philosophie chinoise, tout est lié le I Ching, le taoïsme…
MM : Comment pourriez-vous définir votre style musical ?
Xu Yi : Cela est lié à ma culture : je dis toujours que j’ai l’âme chinoise et le cœur français. Je pense, en tant qu’artiste, que l’art est un reflet de notre personnalité. Je peux créer grâce à cette double culture.
MM : Y a-t-il un lien entre votre œuvre et la musique chinoise traditionnelle ou contemporaine ?
Xu Yi : Les musicologues parlent à propos de ma musique d’abstraction. Même si parfois j’utilise des instruments chinois, je ne veux pas d’une musique superficielle, d’une chinoiserie. S’il y a des éléments chinois, ils sont ancrés profondément. Ils constituent une force sous-jacente.
MM : Et Gérard Grisey ?
Xu Yi : Gérard, c’est mon maître. On s’appréciait beaucoup. La première pièce que j’ai entendue de lui est Jour contre Jour. Il y a des allusions à la musique spectrale. Mais, c’est une influence générale et je ne peux vous dire quand cela est présent. Souvent, toutefois, vous trouverez l’emploi des micro-intervalles que l’on trouve aussi dans la musique chinoise traditionnelle.
MM : Je pense aux nappes qui sont faites par les violons dans le suraigu. Faut-il y voir l’influence de Grisey, voire de Xenakis ou de Penderecki ?
Xu Yi : Mais, quand on est en état de composition, on est un peu inconscient. Je ne peux pas vous dire. J’utilise, certes, le système spectral, mais j’ai élaboré mon propre langage harmonique. Je ne donne pas dans la théorie : je préfère rester à ma place de compositrice.
Dans le Plein du Vide, le rythme est issu du I Ching. Cela me dirige un peu, mais si cela conduit à une impasse, je ne continue pas.
MM : Je perçois trois grandes sections dans cette œuvre. Du début jusqu’à 3’17’’, il y a la prégnance des roulements de timbales et du jeu de la trompette. Puis, de 3’18’’ jusqu’à 10’, on a des nappes, des glissandi, le tout débouchant sur un climax avec un énorme coup de grosse caisse et des accords saturés aux cordes. Enfin, retour des roulements de timbales et de la trompette.
Xu Yi : O.K, mais le plus important reste l’utilisation de l’espace sonore. Il faut écouter l’œuvre en concert. La trompette est cachée derrière du contreplaqué afin de lui donner un autre son plus lointain, plus mystérieux. En plus, il y a huit haut-parleurs qui sont répartis dans la salle.
C’est un système électronique qui permet la spatialisation dans un temps différé. Chaque haut-parleur diffuse une musique différente pré-enregistrée en studio, mais qui donne l’illusion d’être jouée en direct. Il y a comme un dialogue entre les instruments qui jouent en direct et ce système. C’est le genre d’œuvre qu’il faut écouter en concert : on perd beaucoup avec la stéréo.
J’utilise les haut-parleurs comme un point de diffusion dans le jeu, comme un point d’orchestre. On n’a pas encore de système pour écouter chez soi avec toutes ces sources sonores.
MM : Est-ce que Xu et Yi ont un sens particulier en chinois ?
Xu Yi : Xu, c’est un nom banal, porté indifféremment par les hommes et par les femmes et c’est aussi le prénom du dernier empereur. Yi, c’est un caractère ; il faut qu’il soit lié avec un autre mot pour avoir un sens.
MM : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Xu Yi : Actuellement, je travaille sur une pièce orchestrale pour un orchestre chinois qui sera créée à Berlin, cet été.