Comparaison bebop / cool-jazz / free-jazz
octobre 24, 2018
I°) Harmonie, accords
1°) Bop : Charlie Parker
— Tonalité, musique harmonique, recherche assidue, pratique du piano et de la recherche des accords.
— Conscience tonale très aigue.
— Pratique harmonique complexe : enrichissement des accords, jeu sur les étages supérieurs de l’accord, substitution d’accords ou de cycles, emploi des accords et/ou des notes de passages, recherche de nouveaux accords.
— Pérennité des tournures bluesy (très roots).
2°) Cool : Miles Davis
— Modalité, la grille d’accords est devenue une prison.
— Primat de l’invention mélodique.
— Esthétique du « moins » (s’oppose au bop : esthétique du « plus », de la surcharge).
— Emploi des modes : mais utilise les notes caractéristiques des modes (le mélos).
— Jeu pianistique : passe de l’accord « fonctionnel » à l’accord « couleur » (structure quartale : cf. Bill Evans).
3°) Free jazz : Ornette Coleman
— Refus de la grille d’accords, évacuation de l’harmonie traditionnelle mais conception spécifique de la tonalité et de la relation à la tonalité : permanence d’un centre tonal mais émancipation par rapport à ce même centre. La tonique n’est plus une polarité mais une référence.
— Abolition de toutes possibilités d’erreurs harmoniques.
— Plus de notes justes ou fausses mais simplement une note plus ou moins relative au centre tonal.
— Plus de dynamique tonale du discours (éclatement à tout point de vue).
II°) Forme, thématique et mélodie
1°) Bop : Charlie Parker
— « le jazz est une variation sur aucun thème » (A. Hodeir)
— on joue le thème puis on improvise.
— Improvisation paraphrase (sur les thèmes swing, les standards de broadway).
— Découpage formel strict.
— Emploi du blues et des riffs mais réinterprété façon bop.
— Accentuation bouleversée.
— Les thèmes sont des thèmes d’improvisateurs (il n’y a plus de paroles dessous : thèmes plus instrumentaux).
— Récurrences, dans les solos, de formules types.
— Réarrangements : cf. les head.
2°) Cool : Miles Davis
— Rien de neuf dans So what.
— Le parangon est Flamenco Sketches : dissolution du thème et de la carrure (il y a des plages modales uniquement).
— Diatonisme, échelles modales (cf. découverte du Thesaurus of scales de Slonimsky).
3°) Free jazz : Ornette Coleman
— Liquidation du thématisme
— La forme est une simple mise en ordre du collectif organisateur (il faut juste définir l’ordre des solos).
— La forme est étendue dans le temps (Free jazz= 37 min).
— Sort de l’industrie du disque, de la commercialisation.
— Prône l’improvisation libre.
III°) Le rythme
1°) Bop : Charlie Parker
— Profonde nouveauté et même « négritude » de la mise en place rythmique.
— Mobilité, diversité, variété rythmique (double time, croches, triolets…) : voir le découpage et le placement rythmique des phrases. Sorte de polyrythmie, décalage des solos sur la grille.
— Dans l’accentuation des phrases : décalage et superposition rythmique.
2°) Cool : Miles Davis
— Kind of blue est un pas en arrière ? sur le plan rythmique…
— Exigence de professionnalisme dans la carrure de 32 mesures car seulement 2 accords dans So What : donc peu de repères. Abandon de la carrure dans Flamenco Sketches.
— Nouveau travail rythmique de Bill Evans au piano : « il joue en deçà du rythme ».
3°) Free jazz : Ornette Coleman
— Plus de carrure.
— Héritage rythmique parkérien mais aussi destruction de celui-ci en le poussant à l’extrême (avec un travail sur la métrique).
— Liberté de la métrique.
— Jeu parkérien mais en apesanteur.
— Free jazz enterre les acquis de la batterie jazz de la période bop : à savoir la polyrythmie (cf. Elvin Jones).
IV°) Les formations
1°) Bop : Charlie Parker
— 2 soufflants (ensemble réduit) + 1 rythmique.2°) Cool : Miles Davis
— 3 soufflants + 1 rythmique.3°) Free jazz : Ornette Coleman
— 4 soufflants + 2 rythmiques.Conclusion
Le jazz d’après 1945 est une musique d’improvisateur : petit ensemble plutôt que orchestre jazz.Dans ces 3 époques du jazz, il y a un mouvement commun de recherche des racines africaines :
- dans le bop : blues, refus du swing et des chansonnettes, refus de l’entertainment (l’amusement… pourtant Dizzy est une amuseur sur scène).
- Chez Miles : modalité comme référence à l’Afrique (pourtant Evans : pianiste blanc mais dont la modalité se réfère à Ravel, Debussy).
- Coleman : volonté de rupture sociale et musicale, produire quelque chose d’inaliénable, d’invendable (pour que les blancs ne le volent pas).