Comparaison bebop / cool-jazz / free-jazz




I°) Harmonie, accords



1°) Bop : Charlie Parker


— Tonalité, musique harmonique, recherche assidue, pratique du piano et de la recherche des accords.

— Conscience tonale très aigue.

— Pratique harmonique complexe : enrichissement des accords, jeu sur les étages supérieurs de l’accord, substitution d’accords ou de cycles, emploi des accords et/ou des notes de passages, recherche de nouveaux accords.

— Pérennité des tournures bluesy (très roots).


2°) Cool : Miles Davis


— Modalité, la grille d’accords est devenue une prison.

— Primat de l’invention mélodique.

— Esthétique du « moins » (s’oppose au bop : esthétique du « plus », de la surcharge).

— Emploi des modes : mais utilise les notes caractéristiques des modes (le mélos).

— Jeu pianistique : passe de l’accord « fonctionnel » à l’accord « couleur » (structure quartale : cf. Bill Evans).



3°) Free jazz : Ornette Coleman


— Atonalité ou pantonalité ?

— Refus de la grille d’accords, évacuation de l’harmonie traditionnelle mais conception spécifique de la tonalité et de la relation à la tonalité : permanence d’un centre tonal mais émancipation par rapport à ce même centre. La tonique n’est plus une polarité mais une référence.

— Abolition de toutes possibilités d’erreurs harmoniques.

— Plus de notes justes ou fausses mais simplement une note plus ou moins relative au centre tonal.

— Plus de dynamique tonale du discours (éclatement à tout point de vue).




II°) Forme, thématique et mélodie



1°) Bop : Charlie Parker


— « le jazz est une variation sur aucun thème » (A. Hodeir)

— on joue le thème puis on improvise.

— Improvisation paraphrase (sur les thèmes swing, les standards de broadway).

— Découpage formel strict.

— Emploi du blues et des riffs mais réinterprété façon bop.

— Accentuation bouleversée.

— Les thèmes sont des thèmes d’improvisateurs (il n’y a plus de paroles dessous : thèmes plus instrumentaux).

— Récurrences, dans les solos, de formules types.

— Réarrangements : cf. les head.



2°) Cool : Miles Davis


— Rien de neuf dans So what.

— Le parangon est Flamenco Sketches : dissolution du thème et de la carrure (il y a des plages modales uniquement).

— Diatonisme, échelles modales (cf. découverte du Thesaurus of scales de Slonimsky).



3°) Free jazz : Ornette Coleman


— Liquidation du thématisme

— La forme est une simple mise en ordre du collectif organisateur (il faut juste définir l’ordre des solos).

— La forme est étendue dans le temps (Free jazz= 37 min).

— Sort de l’industrie du disque, de la commercialisation.

— Prône l’improvisation libre.



III°) Le rythme


1°) Bop : Charlie Parker


— Profonde nouveauté et même « négritude » de la mise en place rythmique.

— Mobilité, diversité, variété rythmique (double time, croches, triolets…) : voir le découpage et le placement rythmique des phrases. Sorte de polyrythmie, décalage des solos sur la grille.

— Dans l’accentuation des phrases : décalage et superposition rythmique.



2°) Cool : Miles Davis


Kind of blue est un pas en arrière ? sur le plan rythmique…

— Exigence de professionnalisme dans la carrure de 32 mesures car seulement 2 accords dans So What : donc peu de repères. Abandon de la carrure dans Flamenco Sketches.

— Nouveau travail rythmique de Bill Evans au piano : « il joue en deçà du rythme ».



3°) Free jazz : Ornette Coleman


— Plus de carrure.

— Héritage rythmique parkérien mais aussi destruction de celui-ci en le poussant à l’extrême (avec un travail sur la métrique).

— Liberté de la métrique.

— Jeu parkérien mais en apesanteur.

— Free jazz enterre les acquis de la batterie jazz de la période bop : à savoir la polyrythmie (cf. Elvin Jones).



IV°) Les formations


1°) Bop : Charlie Parker

— 2 soufflants (ensemble réduit) + 1 rythmique.



2°) Cool : Miles Davis

— 3 soufflants + 1 rythmique.


3°) Free jazz : Ornette Coleman

— 4 soufflants + 2 rythmiques.



Conclusion

Le jazz d’après 1945 est une musique d’improvisateur : petit ensemble plutôt que orchestre jazz.
Dans ces 3 époques du jazz, il y a un mouvement commun de recherche des racines africaines :
  • dans le bop : blues, refus du swing et des chansonnettes, refus de l’entertainment (l’amusement… pourtant Dizzy est une amuseur sur scène).
  • Chez Miles : modalité comme référence à l’Afrique (pourtant Evans : pianiste blanc mais dont la modalité se réfère à Ravel, Debussy).
  • Coleman : volonté de rupture sociale et musicale, produire quelque chose d’inaliénable, d’invendable (pour que les blancs ne le volent pas).


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