La tablature de luth
octobre 15, 2018
I°) L’instrument :
Le luth a une origine très ancienne : on le trouve dès la civilisation sumérienne. Il est passé chez les arabes où on le trouve au 7ème et 8ème siècles sous le nom de al-ûd (= le bois [c’est aussi la phonétique du mot anglais wood qui signifie aussi le bois]). Il est passé au 12-13ème siècle en Espagne sous le nom de laud pour devenir l’instrument domestique favori dans l’Europe occidentale des 16ème et 17ème siècles (bien qu’au 17ème siècle on ne le trouve qu’en France). En Italie, il porte le nom de liuto, et, en France, de luth. De son côté, l’Espagne créer un instrument qui lui sera propre : la vihuela.
Le luth du 16-17ème siècle possède un manche court terminé par un chevillier renversé à angle droit. La caisse de résonance est en forme de ½ poire (c’est-à-dire piriforme) assemblée de petites lamelles de bois et sans éclisses. La caisse de résonance est la plus légère que possible afin d’obtenir une sonorité grêle, étouffée vers le grave. Les cordes sont en boyau. La table d’harmonie est percée par une ouverture : la rosette ou rosace (qui donne souvent matière à de belles ornementations, sculptures).
Au Moyen-Âge, le luth a 4 ou 5 cordes simples jouées au plectre (pour une sonorité plus forte), puis on va doubler les cordes soit à l’unisson, soit à l’octave (et on va abandonner le plectre pour des raisons de virtuosité). La touche est divisée en cases (4 à 7) formées par des sillets (eux-mêmes formés par les ligatures de vieilles cordes cassées).
Le luth classique, c’est-à-dire le luth de la Renaissance, a 11 cordes, soit 5 groupes de cordes doubles (= 10) et une chanterelle isolée. La touche est large et porte habituellement 9 sillets permettant une progression par ½ tons. Les cordes doubles sont accordées à l’octave ou à l’unisson et toujours pincées simultanément.
Accord du « vieux ton » :
Au 17ème siècle, le luth se transforme profondément par l’adjonction de cordes supplémentaires que l’on met au grave en dehors du manche et accordées de façon diatonique. Cet accord des cordes hors manche est légitimé par le ton du morceau joué…
L’accord se diversifie beaucoup et après de multiples versions, on arrive au « nouveau ton » : la-ré-fa-la-ré-fa.
La technique de jeu s’enrichit également : on utilise tous les doigts de la main droite sauf le 5ème qui s’appuie sur le manche. On va vers une plus grande complexité.
II°) La musique de luth :
C’est un répertoire gigantesque. Jusqu’à la fin du 16ème siècle, on trouve beaucoup de transcriptions (ou plutôt adaptations) de motets, messes et chansons qui se font par appauvrissement, simplification de la polyphonie originale (c’est-à-dire qu’on diminue le nombre de voix). Mais l’adaptation s’enrichit de l’ornementation.
À côté de cela, on trouve des pièces originales : préludes, fantaisies, toccatas, variations et toutes les danses donnant naissance à la suite.
Le luth devient aussi un instrument accompagnateur (pour la basse continue notamment).
Au 17ème siècle, en France, le luth soliste connaît un essor particulier avec : Dufaut, Mézangeau, Chancy, les Pinels, les Gallots, Mouton… C’est l’âge d’or de la suite.
Concernant toute cette musique de luth au 17ème siècle : cf. « Corpus des luthistes français ».
III°) La notation :
Il existe 3 types de tablatures :
• Italienne (= espagnole aussi) : apparue la première fois en 1507 dans un livre de Francesco Spinacino (Intabolatura di lauto imprimé à Venise par Petrucci).
• Allemande : apparue en 1511 (dans la Musica Getutscht de Sébastien Virdung).
• Française : apparue en 1529 (dans les imprimés de Pierre Attaingnant).
Seule la tablature française survit au 16ème siècle !
Toutes ont une notations « prescriptive » : c’est-à-dire qu’on indique le geste à faire. C’est n’est pas une notation intellectuelle, grammaticale. Cette notation ne nécessite pas de réflexion. Elle montre simplement au luthiste l’endroit où toucher l’instrument. Ce système était donc très populaire car il ne demandait pas de connaissance particulière (lecture de note) en solfège.
1°) La tablature italienne et espagnole :
La tablature italienne emploie des chiffres arabes de 0 à 9 sur 6 lignes ou cordes, les frettes ou sillets plus élevés étant désignés par les chiffres romains X, XI…
Les 6 lignes qui figurent les cordes du luth. La plus part du temps la corde grave est en haut (pas sur cet exemple) mais l’inverse est aussi possible. Les barres verticales sont des barres de tactus et pas des barres de mesures.
Cette notation ne rend pas compte de la polyphonie.
2°) La tablature française :
Le système français utilise des lettres réparties sur 5 ou 6 lignes, représentant les cordes dans une disposition horizontale, a désignant la corde à vide, b la 1ère frette, c la 2ème frette…, et cela sur chaque ligne ou corde.
Jusque dans la seconde moitié du 16ème siècle, le système français ne comporta que 5 lignes, la ligne supérieure représentant la corde la plus aiguë alors que le système italien procédait à l’inverse.
Les cordes graves qui firent leur apparition après 1600 et qui étaient tendues en dehors de la touche, furent représentées, dans la tablature française par exemple, par la lettre a et de une à quatre barres obliques, dans la série de ces cordes accordées diatoniquement vers le grave. Mais on peut aussi trouver seulement le chiffre 4, 5 ou 6, …, notation usuelle pour le luth basse ou le théorbe.
Par la suite (au 17ème siècle), c’est la tablature française qui fut adoptée en Europe, face à l’italienne plutôt réservée à la guitare.
Allemande, la Belle Lucrèce, de Jacques Gallot (in Pièces de luths composées sur différents modes, Paris : Bonneuil, fin 17ème siècle [1699 ?]).
3°) La tablature allemande :
La tablature allemande ne comporte pas de lignes. On y trouve des chiffres romains, arabes et de l’alphabet.
C’est une tablature complexe qui aurait été inventée par Konrad Paumann, organiste aveugle du 15ème siècle. Il l’a élaboré pour le luth à 5 cordes.
La notation allemande sera abandonnée après 1620.