Luths arabes : essai de classification
Texte extrait de Les instruments du musique dans le monde (vol. 1)
de F.-R. TRANCHEFORT, pp. 158-159.
La diversité de factures des luths arabes entraîne la plus grande confusion terminologique - en particulier pour les luths à manche long. Proposons, pour ceux-ci, quelques éléments de clarification : « tanbûr » est le terme générique propagé par les auteurs arabes, et qui s’est répandu sous diverses désinences au Proche et Moyen-Orient, ainsi que vers l’Asie centrale ; intégré à de nombreuses cultures régionales, il apparaît dans les langues turco-mongole (« tambûra »), criméenne (« dambura »), kirghize (« domra »), russo-tartare (« dombra »), kazak (« dumbura »)… A l’origine, le « tanbûr » ne possède que deux cordes (parfois doubles), le plus souvent avec frettes ; mais on en rencontrera diverses sortes présentant jusqu’à neuf ou douze cordes. La nomenclature qui suit n’est donc qu’indicative, et s’en tient aux types les plus courants.
- Le « tanbûr » à deux cordes, ou DOTÂR : l’appellation « dotâr » est persane (« do » = deux ; « târ » = cordes). De nos jours, on ne situe l’instrument qu’en Ouzbékistan (car le « dotâr » afghan possède en fait trois cordes ; v. plus loin). Sont apparentés :
- la « dambura », répandue en Afghanistan et au Pakistan, et la « dumbura » du Kazakstan - instruments sans frettes qui soulignent l’accompagnement du chant ou sont intégrés dans des ensembles ;
- le « cifteli » albanais - luth de grande virtuosité ;
- le « bouzoq » - instrument avec frettes qui figure dans la musique populaire de tout le Proche-Orient (appelé « tanbûr » quand il est accordé à l’octave).
- Le « tanbûr » à trois cordes, ou SETÂR : bien que « setâr » - ou « sehtâr » - désigne trois cordes, ce luth en possède actuellement quatre en Iran ; il est un des instruments les plus raffinés de la musique savante persane. Sont apparentés (mais avec trois cordes seulement) :
- le « dutâr », ou « dotâr », d’Afghanistan - instrument de musique populaire fréquemment soliste, qui peut s’intégrer néanmoins à des ensembles ;
- le « saz », couramment répandu en Azerbaïdjan, en Arménie et en Turquie ; ses trois cordes sont doubles et peuvent être augmentées jusqu’à douze ;
- la « tanboura » du Kurdistan - instrument soliste identique au précédent ;
- la « tanboura » grecque - petit luth populaire ;
- le « chourague », ou « choudourghou », de Mongolie.
- Le « tanbûr » à quatre cordes, ou TCHAHARTÂR : ce terme est persan, mais n’est plus guère usité. On rencontre :
- la « baglama » turque - petit luth également usité en Grèce ;
- le « bouzouki » grec - plus grand que le précédent, très employé dans la musique populaire principalement pour l’accompagnement de danses ;
- la « sarkiya » yougoslave - sorte de « baglama » utilisée dans des ensembles populaires ;
- la « tanburica », répandue dans les contrées sub-balkaniques - qui possède parfois six doubles cordes ;
- la « dotara » bengali - instrument sans frettes qu’emploient les bardes bengalis ;
- le « tanbûr kabîr turkî » - l’un des rares instruments à cordes autorisés par l’islam, utilisé en soliste dans la musique savante (confréries des Mevlevis turcs ou des Ahl al-Haqq d’Iraq) ;
- le « tunbur », ou « tambur », d’Afghanistan - instrument soliste également.
- Le « tanbûr » à six cordes et plus ; les plus courants sont :
- le « bozuk », instrument des nomades turcs et turkmènes - qui est à six cordes ;
- le « meydan saz », de la famille des « saz » (v. précédemment), qui existe en Turquie comme en Yougoslavie : le nombre des cordes varie entre huit et douze ; il se joue en soliste ou dans des ensembles.
- Autres luths à manche long : on trouve enfin en Afrique du Nord - au Maroc, par exemple - le « gunbri », luth populaire qui s’oppose au « suissen » de la musique classique. De même, le « gurumi » et le « kountigui » sont-ils des luths pratiqués par des populations islamisées d’Afrique noire - celles du Niger en l’occurrence -, et qui accompagnent le chant.