Techniques vocales dans les théâtres musicaux en Asie orientale


I°) LES DIFFERENTS GENRES DE THEATRE MUSICAL
II°) ANALOGIES
1. Un théâtre musical
2. Rôle de l’acteur
3. Scène et accessoires
4. Un théâtre conventionné et stylisé
a) Maquillage
b) Costumes
c) Les jeux de scènes, les gestes et attitudes sont stylisés
5. Le masque
III°) DIFFERENCES
1°) Les Pièces 
a) Thème 
b) Types de pièces
2°) Les Rôles
3°) Les acteurs et leurs techniques 
a) Grimage
b) Costumes
4°) La musique
a) Le répertoire
5°) Techniques vocales 
a) Techniques vocales dans les chants traditionnels de théâtre
b) Techniques vocales liées aux diverses parties du corps humain


Le théâtre parlé n’existe pas en Extrême Orient, à l’exception des farces très vulgaires. Le théâtre traditionnel englobe des déclamations, des chants, des danses, au point où dans les termes désignant les divers genres de théâtre au Viêt Nam, figure toujours le verbe hat (chanter), hat tuông, hat bôi, (théâtre dit classique), hat chèo (théâtre populaire à caractère satirique), et hat cai luong (théâtre rénové). C’est ce qui a conduit les Occidentaux à désigner le Jing Xi chinois par le terme impropre d’Opéra de Pékin. Aucune pièce de théâtre traditionnel de Chine, du Japon et du Viêt Nam ne peut être appelée opéra. Ce n’est jamais l’œuvre d’un compositeur exécutée par un grand orchestre et par des chanteurs dont la belle voix est plus importante qu’un bon jeu de scène, dans un décor somptueux créé spécialement pour une pièce donnée. La musique dans le théâtre traditionnel en Extrême Orient est anonyme, le nombre d’airs, limité, et l’orchestre ne dépasse pas une dizaine d’exécutants. Elle doit être rendue non pas uniquement par la gorge et la poitrine d’un “chanteur d’opéra”, mais aussi par la mimique, les gestes, les mouvements d’un “acteur”. Il s’agit bien d’un théâtre avec une conception particulière qui sera examinée plus loin, un théâtre sans pièce écrite par un “auteur dramatique” connu, et qui n’a pas besoin de “metteur en scène” ni de décors, un théâtre intimement lié à la musique, au chant et à la danse. C’est pourquoi, il est préférable de parler de “théâtre musical” au lieu de théâtre tout court, encore moins de “ballets”, d’“opéra” ou d’“opérettes”. La voix joue un rôle prépondérant dans ce genre de théâtre. Selon les types de voix, on pourrait identifie la catégorie des personnages dans telle ou telle pièce.


I°) LES DIFFERENTS GENRES DE THEATRE MUSICAL

En Occident, l’Opéra de Pékin et le japonais sont les plus connus. Mais en Chine, en dehors du Jing xi (littéralement, théâtre de la capitale) appelé encore Ping ju (théâtre de Pei Ping, ancien nom de Pékin), Guo ju (théâtre national), Qu ju ou Qu xi (théâtre ancien), il existe encore les di fang xi (théâtres locaux) parmi lesquels citons : le Kun qu (airs de la montagne Kun) qui prit naissance au XIVème siècle dans la province du Jiang Su dans le Sud et l’Est, caractérisé par une haute tenue littéraire et une grande variété d’airs soutenus non pas par la vièle à deux cordes comme dans le théâtre de Pékin mais par la flûte traversière ; le bang xi de San xi, le bang zi de He pei ainsi appelés parce que le bang zi, instrument à percussion composé de plusieurs planchettes de bois est largement utilisé ; le Yue ju, théâtre de Shao Xing, près de Hang Zhou, joué surtout par les femmes ; le Chuan ju, théâtre de Si Chuan au style poétique ; le Wu ju de la province de She jiang ; le Xiang ju de Henan, etc. Ces théâtres, différents les uns des autres par la langue, la musique, la technique et parfois par les thèmes présentent pourtant des traits communs.
Au Japon, à part le qui prend sa source au XIVè siècle dans le dengaku-no-nô, les “danses agrestes” et aussi dans le sarugaku-no-nô, les “danses de singes”, et qui, à l’origine destiné au grand public, devint un divertissement aristocratique réservé aux souverains et aux samouraïs, pour retrouver à l’heure actuelle une vitalité nouvelle, il faut citer encore le ningyo-jôruri ou théâtre des poupées, plus connu sous le nom de bunraku, qui a combiné au XVIIème siècle la musique du shamisen, luth à trois cordes, avec la récitation jôruri, et aussi et surtout le kabuki , théâtre qualifié de “vulgaire et grossier” au XVIème siècle mais qui devint au XVIIIème siècle, un art complet et très populaire, fait de danse, de musique et de chant.
Au Viêt Nam, en dehors du hat tuông ou hat bôi, ancien théâtre de Cour, dont les principes furent enseignés par un acteur chinois Li Yuan Ji à la fin du XIIIème siècle, il existe encore le Hat chèo, théâtre populaire, essentiellement satirique d’origine vietnamienne, vraisemblablement antérieur même au hat tuông et le hat cai luong, théâtre dit rénové de création récente (1918) dans le Sud du Viêt Nam. Il existe au Viêt Nam le théâtre des marionnettes sur eau (mua rôi nuoc) qui, avec des marionnettes actionnées à l’aide des perches associées à des tiges ou des fils, placées sous l’eau, manipulées par des marionnettistes plongés sous l’eau jusqu’à la ceinture, a été récemment reconstitué et est unique en son genre et probablement de création vietnamienne.


II°) ANALOGIES

1. Un théâtre musical

Ce sont tous des théâtres musicaux dans lesquels la déclamation, le chant, les jeux de scènes, les danses et la musique jouent un rôle prépondérant. La part du théâtre est aussi importante que celle de la musique.
Le théâtre parlé n’existait pas en Extrême Orient. Le hua ju, théâtre parlé introduit en Chine vers 1906, ne fut bien accueilli que par les étudiants et les intellectuels vers 1920. Au Japon, le shingaki, nouveau théâtre aux environs de 1900, n’avait pas remporté un grand succès. Depuis cette date, plusieurs groupes, le “théâtre libre”, le petit théâtre de Tsukiji, le “théâtre de gauche” n’ont pas encore obtenu la faveur du public. Au Viêt Nam, l’adaptation du Malade Imaginaire de Molière, présentée pour la première fois en 1921, a obtenu à Hanoi un succès modéré auprès des intellectuels. Le théâtre moderne kich noi ou thoai kich, et le théâtre comique tâu hài se développent fortement depuis les vingt dernières années. Ils s’inspirent des faits divers, des problèmes sociaux ou politiques.

2. Rôle de l’acteur

Le rôle de l’acteur est très important. L’art du théâtre se concentre dans l’art de l’acteur. Celui-ci doit avoir une bonne mémoire pour se rappeler les nombreux rôles, un bon coup de pinceau pour réaliser les maquillages les plus compliqués, une bonne diction, une belle voix pour les déclamations et les chants, un corps, des mains, des bras, des jambes bien assouplis pour les danses et les scènes acrobatiques. Tout l’intérêt des spectateurs se porte sur lui. On vient au théâtre pour admirer la perfection de son jeu et non pour écouter une oeuvre nouvelle : l’intrigue des pièces est toujours connue d’avance et tout se déroule de la même façon, sans intervention aucune de quelque metteur en scène, personne inconnu dans les théâtres d’Extrême-Orient.
Dans les traditions chinoise et vietnamienne, un acteur doit réunir en lui les arts des artistes de plusieurs genres de spectacle : il est à la fois acteur, dessinateur, chanteur, mime, danseur et acrobate. Dans la tradition japonaise, le shite, l’acteur principal dans le nô, comme les acteurs du kabuki, sont avant tout des danseurs. Le chant est exécuté dans le par le waki, le deuxième acteur, et par le chœur, dans le kabuki par un chanteur ou des chanteurs qui font plutôt partie de l’ensemble instrumental qui accompagne les pièces.

3. Scène et accessoires


Puisque l’attention du spectateur doit se porter sur l’acteur seul, la scène doit être dans la plus grande simplicité. Pas de rideaux, ni de décors. Une tenture unie ou brodée couvre le fond de la scène du théâtre chinois ou vietnamien. Sur la cloison du fond d’une scène de nô, est peinte l’image d’un pin antique dont les branches noueuses sont parfois entrelacées de rameaux de pruniers en fleurs.
Les accessoires sont réduits à leur plus simple expression : une table, quelques tabourets pour le théâtre chinois ou vietnamien, et presque rien sur une scène de nô : le ichijo dai représentant un palais ou le pied d’une montagne. Mais l’imagination du public, guidée par la connaissance des conventions, lui permet de situer le temps, le lieu de l’action. Une exception à la règle se voit au kabuki dont la scène est non seulement tournante, mais comporte encore des trapes depuis le XVIIème siècle. Un pont appelé hanamichi, situé au-dessus des têtes des spectateurs reliant l’arrière de la salle avec la scène. Les danseurs peuvent l’utiliser pour faire leurs entrées ou leurs sorties.

4. Un théâtre conventionné et stylisé

Dans tous les théâtres d’Extrême-Orient, tout est conventionnel et stylisé.

a) Maquillage

Les visages peints dans les théâtres chinois, vietnamien, dans le kabuki comme dans le nô, ont pour fonction de symboliser la nature humaine. Les conventions ne sont pas les mêmes mais partout le rouge indique un caractère honnête et loyal ; le vert, en Chine et au Viêt Nam, comme l’indigo et même le marron dans le kabuki japonais, est réservé aux démons ; le blanc - blanc mêlé de gris au théâtre vietnamien - indique le manque de loyauté, l’hypocrisie ou la traîtrise ; le bleu dans la tradition chinoise annonce l’orgueil, parfois le courage, même la brutalité. La connaissance de la convention des couleurs permet aux spectateurs de connaître la psychologie des personnages.

b) Costumes

On ne cherche pas à reconstituer les costumes d’époque. Dans les théâtres chinois et vietnamien, les costumes varient selon la condition sociale : roi, reine, prince, grands dignitaires de la Cour, bourgeois, lettré, étudiant, brigands, domestiques, soldats, etc.
Le choix des tissus est également important: ainsi, dans la tradition chinoise, une robe de soie rouge convient à l’idée de bonheur : fêtes, réceptions, mariage, alors que la cotonnade rouge est réservée à un captif au moment de son exécution. La soie blanche symbolise la pureté mais la toile écrue blanche est réservée au deuil. Généralement, les costumes de bourgeois ou d’aristocrates sont en soie ou en brocart alors que ceux du peuple sont en cotonnade. Les costumes dans le nô et le kabuki, dérivent des costumes anciens de Cour adaptés pour accentuer la stature des acteurs sur la scène. Une dame respectable ne porte pas de kimonos aux couleurs chatoyantes comme une geisha.

c) Les jeux de scènes, les gestes et attitudes sont stylisés

Dans les théâtres chinois et vietnamien, l’action de pleurer est traduite par le bras droit qui se déplace lentement de gauche à droite au niveau des yeux de l’acteur. De même, les actions de boire, de manger, de dormir, de lire et de coudre sont représentées par des gestes stylisés. A. C. Scott a noté, dans le théâtre chinois, 107 mouvements de manche, 55 mouvements de main, 70 mouvements de pied, 12 mouvements de jambes, 54 mouvements de bras dont 11 mouvements concernant les manières de caresser les plumes de faisan qui ornent les coiffures des chevaliers. De même, chaque mouvement de main ou de pied d’un acteur de nô est codifié. Il en est de même des mouvements, des attitudes et des postures d’un acteur de kabuki. Dans tous ces théâtres, les postures ont autant d’importance que les mouvements.
Ces gestes stylisés transmis depuis des générations sont les résultats de longues études et les plus grands acteurs hésitent à les chanter. A un acteur vietnamien, nous avons demandé pourquoi les acteurs ne marchent ni ne boivent une tasse de thé comme tout le monde. Il nous a répondu : “Si vous voulez regarder quelqu’un marcher comme tout le monde, allez dans la rue. Si vous voulez voir quelqu’un boire une tasse de thé comme tout le monde, allez chez le voisin. Si vous voulez admirer quelqu’un qui s’est entraîné pendant plusieurs années pour acquérir une souplesse et une élégance dans les gestes les plus courants, allez au théâtre”.

5. Le masque

L’emploi du masque est courant. Dans les traditions chinoise et vietnamienne, comme dans le kabuki japonais, les visages peints remplacent les masques. Dans le nô, il existe cinq types de masques : les personnes âgées rojin, les hommes otoko, les femmes onna, les dieux et les bouddhas shin butsu et les monstres henge.
Le masque du visage entraîne le masque de la voix. Dans les traditions chinoise et vietnamienne, l’emploi de la voix de fausset est très fréquent ; celui de la voix de poitrine ou de la voix ordinaire n’est pas exclu. En général, les rôles de paysans, de domestiques, de soldats ou de bouffons, n’utilisent pas la voix de fausset. Pour le gidayu du kabuki et pour le nô, une voix gutturale, quelquefois assez grave, est utilisée par les chanteurs.
Ces analogies, dans le fond, dans la conception de l’esthétique théâtrale, ne cachent pas de grandes différences dans la forme, dans les pièces, les rôles, les techniques des acteurs et surtout dans la musique.


III°) DIFFERENCES

1°) Les Pièces

a) Thème

Les pièces chinoises et vietnamiennes ont pour thème l’histoire ou la mythologie de la Chine. A partir des derniers siècles, le théâtre vietnamien a présenté des pièces tirées de l’histoire du Viêt Nam. Les pièces de kabuki sont axées sur l’histoire du Japon de la période Heian (781-1185 de notre ère) ; celles de nô sont tirées des oeuvres historiques, comme le Heike Monogatari, ou des œuvres poétiques, comme le Genji Monogatari.

b) Types de pièces

Les pièces de Jing xi se divisent en wen xi (pièces civiles) concernant les affaires sociales ou domestiques, et wu xi (pièces militaires) concernant les événements militaires ou les exploits de brigands. On chante dans les wen xi et des scènes de combat constituent l’essentiel des wu xi.
Les Vietnamiens distinguent plusieurs types : tuông thày, pièces considérées comme des chefs d’œuvre, des “classiques” ; tuông dô, pièces basées sur les légendes ou sur des romans ; tuông pho, pièces basées sur l’histoire.
Les pièces de nô sont divisées en cinq grandes catégories et une représentation complète de nô doit comporter les cinq pièces choisies respectivement dans chacune d’elles :
shin, nô de divinité
nan, nô de guerrier
jo, nô de femme
kyo, nô de folle
ki, nô de démon

Les pièces de kabuki sont divisées en trois catégories :
jidaimono, les pièces historiques
sewamono, les pièces relatives à l’amour souvent malheureux
shosagoto, les drames dansés.

Dans toutes ces pièces, l’histoire est souvent connue du public : l’intrigue n’est qu’un simple prétexte ; ce qui compte, c’est la perfection de la technique des acteurs.

2°) Les Rôles

Dans le king shi chinois et le hat tuông vietnamien, les rôles sont à peu près les mêmes. En dehors de ces rôles principaux, il existe des rôles secondaires : le domestique, les soldats, etc.
Dans le nô japonais, il n’y a qu’un acteur principal pour chaque pièce, c’est le shite, danseur masqué et qui peut, au cours d’une même pièce, change de masque et exécuter une danse de femme dans la première partie et une danse guerrière dans la deuxième. Le shite joue le rôle d’une divinité, d’une femme, d’un démon, souvent d’un fantôme. Personnage central de la pièce, il n’est qu’une vision ou un songe de l’acteur secondaire, le waki qui reste assis au pied du pilier de droite, sur le devant de la scène. Le shite danse, le waki déclame et chante ; le shite porte un masque, le waki a son visage véritable ; le shite est accompagné d’un rôle secondaire, le tsure, qui parfois prend une grand importance ; le waki peut être accompagné d’acteurs secondaires fomo. Le choeur jiutai, composé de quatre à dix chanteurs, assis sur deux rangées à droite de la scène et dont le chef se tient au milieu de la deuxième rangée, joue un rôle à la fois musical et théâtral. Il peut décrire le chemin parcouru par le rôle principal, chanter les paroles pour le shite.

Dans le kabuki, les principaux rôles sont les suivants :
tateyaku : rôles masculins, aux caractères loyaux, bons et courageux.
katakiyaku : rôles masculins, aux caractères mauvais.
wakashu kata : jeunes gens en général
nimaime : jeunes gens au caractère doux, un peu efféminé.
doke kata : rôles comiques
koyaku : rôles d’enfants
tachioyama : rôle principal de femme, toujours tenu par un acteur spécialisé dans le travesti, appelé onnagata ou oyama.

Au Japon, à partir de 1629, et en Chine à partir de 1729, on interdisait aux femmes de jouer sur une scène et les rôles féminins étaient, de ce fait, tenus par les hommes. Il existait en Chine des troupes entièrement composées d’actrices dont certaines devaient jouer des rôles masculins. Jusqu’à nos jours, il n’y a que des acteurs dans les théâtres de nô et de kabuki, alors qu’en Chine et au Viêt Nam, les rôles féminins peuvent être tenus par des actrices.

3°) Les acteurs et leurs techniques

a) Grimage

Le grimage dans le théâtre chinois diffère fondamentalement de celui du kabuki japonais :
La technique du grimage fut au point sous la dynastie des Ming (1368-1644), alors que le kumadori, le visage peint du kabuki, fut créé par Ichikawa Danjuro I (1660-1704) qui s’inspira vraisemblablement des visages peints chinois.
Le grimage chinois est très compliqué et cache les muscles du visage alors que le grimage japonais est simple et cherche à exagérer les muscles du visage.
Le maquillage des rôles féminins dans le théâtre chinois fait ressortir la couleur rose des joues - des joues couleur fleurs de pêcher - alors que le maquillage des rôles féminins au kabuki fait ressortir un visage ovale tout blanc avec une petite bouche en forme de “grain de melon”, un idéal de beauté féminine au Japon, au XVIIIème siècle.

b) Costumes

Les costumes des théâtres chinois et vietnamiens, assez semblables les uns des autres, sont très différents de ceux utilisés pour le nô et le kabuki. Les coiffures variées rencontrées dans les théâtres chinois et vietnamiens sont remplacées par des perruques au kabuki. Les acteurs japonais ne portent jamais des cothurnes aux semelles épaisses comme les acteurs chinois et vietnamiens.
Un acteur chinois et vietnamien doit être à la fois un bon chanteur et un bon danseur, alors qu’un shite du nô ou un acteur de kabuki est plus entraîné pour la danse que pour la déclamation. Les techniques de jeu, les mouvements de danse, sont très différents.
Et c’est la musique qui constitue le principal élément différentiel pour tous ces théâtres.

4°) La musique

L’ensemble chinois et l’ensemble vietnamien se ressemblent le plus. L’ensemble chinois se place à droite de la scène par rapport aux spectateurs et non à gauche comme dans le théâtre vietnamien. La flûte traversière est utilisée dans le théâtre kun qu et très peu dans le jing xi. Elle disparaît de nos jours dans l’ensemble vietnamien où le hautbois kèn joue un rôle important. Le tambour dan bi gu a une peau alors que le tambour trông chiên a deux peaux et est plus grand que le tambour chinois. L’ensemble chinois a deux gongs alors qu’il n’y en a qu’un dans l’ensemble vietnamien. L’ensemble chinois compte plus d’exécutants que l’ensemble vietnamien. Dans les deux ensembles, le joueur de tambour est le musicien conducteur.
L’ensemble hayashi du nô se compose de quatre instruments :
le nô kan, flûte traversière
le ko tsuzumi, tambour en sablier à deux peaux, à tension variable, posé sur l’épaule droite du musicien et frappé à main nue.
le o-tsuzumi, tambour en sablier à deux peaux, plus grand que le précédent, posé sur la cuisse gauche, frappé à l’aide de la main droite portant un doigtier en cuir.
le taiko, tambour à deux peaux frappé à l’aide de deux bâtons de bois.

Dans le kabuki, le hayashi du nô est utilisé pour souligner les moments solennels.
Un groupe de musiciens se trouve à gauche de la scène par rapport aux spectateurs, dans un petit espace séparé de la scène par un store en rotin noir, korumisu. Ce groupe, appelé aussi geza, se compose d’un shamisen, luth à trois cordes, et d’autres instruments à percussion qui marquent l’entrée, la sortie des acteurs, ou font des effets spéciaux : le vent, la neige, la pluie, etc.

Pour les pièces tirées du répertoire de théâtre des marionnettes gidayu, l’ensemble peut se réduire à deux musiciens : un joueur de shamisen et un chanteur qui chante tous les rôles. Pour accompagner certaines scènes, les musiciens en grand nombre (dix joueurs de shamisen et dix chanteurs) se mettent sur la scène pour jouer.
Beaucoup d’instruments à percussion sont utilisés: la grande cloche suspendue, tsuri gane, marque le passage des heures de la nuit, la petite clochette, rin, s’entend dans les services religieux bouddhiques, comme le tambour de bois en forme de poisson, le mokuggo. Mais le plus caractéristique est constitué par deux cliquettes en bois dur, appelées ki ou hyoshigo, que l’on entrechoque ou que l’on utilise pour frapper une planche de bois de forme rectangulaire afin de marquer les moments cruciaux : lever du rideau, fin d’un acte, passage des acteurs sur le pont, hanamichi, situé au-dessus des têtes des spectateurs.

a) Le répertoire

La musique, plus vocale qu’instrumentale, est souvent à mi-chemin entre le parler courant et le chant. Les déclamations jouent également un rôle très important.
Les chants, écrits en vers (sept syllabes pour la plupart des chants chinois, cinq et sept syllabes pour les chants de nô , sept syllabes et groupe de six et de huit syllabes pour les chants vietnamiens) sont exécutés dans des “modes” ou des genres différents : xi pi, er huang, fan xi pi et fan er huang pour le jing xi chinois ; hat khach (chant des étrangers), hat nam (chant de caractères), hat niêu (chants divers) pour le hat tuông vietnamien ; yowagin (chant doux), tsugogin (chant fort) pour le ; tainmono, katrimono, nagauta, etc., pour le kabuki.
Bien entendu, chaque “mode” ou chaque genre se subdivisent encore en plusieurs types : le xi pi dans la tradition chinoise peut être chanté avec des mouvements : yuan ban (modéré), man ban (lent), kuai ban (rapide), etc., pour exprimer divers sentiments la méditation, le regret, l’anxiété, la colère, la joie, etc.
Le hat khach vietnamien se subdivise en : khach thi (poème), khach phu (prose rythmée, chant dialogué), khach tu (chant de la mort), khach tâu ma (le cheval galopant), etc.
Dans toutes ces musiques de théâtre, l’élément rythmique est très important. Les instruments à percussion sont variés et les formules rythmiques d’accompagnement très nombreuses et plus ou moins stéréotypées varient d’une tradition à l’autre.
L’improvisation n’est pas de mise. Pourtant, les acteurs chinois, il y a une trentaine d’années encore, avaient la possibilité de choisir parmi les “qiang” existants, c’est à dire les vocalises, inflexions de voix ou mélismes sur une syllabe, celui qui leur permet de marquer une exécution de leur style personnel. Les plus forts pouvaient créer des “qiang” nouveaux. Mais dans l’ensemble, la tradition laissait peu de place à l’improvisation.

5°) Techniques vocales

a) Techniques vocales dans les chants traditionnels de théâtre

Le chant est à l’origine de la musique dont les premières créations sont vocales. La croyance populaire veut que le chant vienne de plus loin et de plus profond que la parole, et qu’il possède en conséquence une valeur d’expression très forte, et d’une particulière intimité. Les Japonais, différents des autres peuples asiatiques de l’Extrême Orient, chantent normalement avec un grand air de sérieux, une concentration presque religieuse, et ne s’abandonnent que pour des airs populaires.
Le chant est une performance. Mais, à l’opposé de ce qui se passe en Occident, où le chanteur se doit de donner une impression d’aisance, il n’est pas interdit d’en laisser paraître la difficulté, et l’épuisant travail. Cet aspect physique du chant professionnel fait en quelque sorte partie du spectacle de Kabuki ou de Bunraku dont les récitants par leurs visibles efforts d’émission des sons contribuent à créer le climat dramatique convenable : muscles gonflés du cou, respirations violentes, sudation de la face, mouvements du buste aidant l’intonation.
Le chant japonais est toujours à l’unisson d’un instrument tandis que le chant vietnamien brode autour des mélodies exécutées par un ensemble instrumental de prédominance percussive. La voix humaine a presque constamment influencé le développement des instruments : l’exemple du luth piriforme biwa, ou de l’adaptation du luth à 3 cordes shamisen sont, à cet égard, très frappants. Le chant japonais s’adapte, en retour, aux caractéristiques d’un style instrumental développé. La musique instrumentale est née au Japon sous la forme d’intermède entre les parties chantées.
La voix de tête un peu forcée est tenue pour le meilleur mode vocale d’expression artistique, plus distingué que n’est la voix de poitrine jugée plébéienne, et qui est effectivement le moyen habituel de l’art vocal populaire.
Le Nô a introduit la mode de la “voix du ventre” dont la puissance peut se rapprocher des effets de base de l’art vocal occidental. Le registre japonais préféré est celui du baryton et du ténor, soit bien plus de deux octaves, et une préférence marquée pour l’octave supérieure du registre exigé. La plupart des pièces sont exécutées en fonction de la tessiture du chanteur. Mais la relation de l’instrument et de la voix a souvent de quoi nous surprendre.
La voix n’est en général pas nettement posée. Souvent même l’émission d’une note est précédée d’un chevrotement. Cet effet apprécié des Japonais est encore accru par le léger décalage pour lequel ils ont une prédilection marquée : la voix précède très brièvement l’instrument de soutine, qu’elle semble en fait provoquer. Cette anticipation de la mélodie principale peut produire de légères dissonances étant donné l’accord particulier de chaque instrument. Le chanteur chante souvent en fusoku-furi, c’est à dire hors de mesure avec l’instrument qui l’accompagne en “neutralité”, ce qui signifie que la voix ne se soumet pas à l’accompagnement chargé du rythme. La voix n’intervient que comme l’un des composants de la mélodie, elle-même souvent brisée, sans égard pour le texte dont la phrase est divisée à souhait, plusieurs notes recouvrant parfois une syllabe , ce qui donne un aspect mélismatique à la mélodie. Le goût des notes d’ornement (meri-kari) est très développé. Trilles, glissandi, cassures de voix, tremblements interrompus, chevrotements, cris et interjections, notes tenues et gonflées, ports de voix, s’adaptent à merveille, surtout dans le Nagauta du Kabuki, aux structures asymétriques et aux rythmes complexes. Si l’on se réfère à ce qui est connu des techniques vocales des Aïnous, certaines des pratiques gutturales du chant japonais peuvent être considérées comme d’ancienne origine locale, et ne devant rien aux méthodes de chant importés du continent du IIIème siècle au Vème siècle.
La gorge est mise à rude épreuve : elle doit avoir les capacités du son rauque, comme d’une émission de son très élevée mais évitant le fausset qui a été cependant employé par certaines styles d’Edo, au XXème siècle. Le chanteur est en général libre de terminer le chant par un son et un maniérisme à sa guise : c’est en quelque sorte sa signature personnelle d’artiste. Si l’on ajoute cette liberté à celles que permettent les notes d’ornement et les enjolivures personnelles, on peut tenir le chanteur japonais pour l’un des interprètes les plus autorisés aux divagations vocales et à l’invention. D’où la réputation de certains interprètes dont l’exécution d’une oeuvre connue est réellement unique et inégalable, jusque dans l’imprévu.
Avec l’éclosion de l’art vocal du Nô, le chant transpose pour le théâtre les enseignements hérités de la Chine par le clergé bouddhique. C’est l’art du yokyoku solennel, intérieur, inspiré. Il s’agit de la partie chantée (o-utai) par les acteurs ou par le choeur, en deux styles : le kotoba en récitatif, le fushi (mélodie), plus exactement musical et ressemblant, toutes proportions gardées, aux airs d’un opéra avec récitatifs. Cette partie chantée, soutenue par le chœur qui se tient dans un registre plus grave, fait appel aux techniques du chant et de la pseudo-récitation bouddhique, chantée et parfois criée, en mots psalmodiés sur plusieurs tons. Les Japonais passent facilement du parlé au chanté. La déclamation mélodramatique du Nô, qui fait un libre usage des tons et des microtons (plus petits qu’un demi ton), a des accents parfois névrosés, et très émotionnels, en dépit de l’impassibilité que le masque assure aux acteurs principaux. Le chanteur et le choeur chantent séparément. S’ils sont réunis, c’est pour chanter à l’unisson. Le fushi, longtemps chanté dans le style “doux” (yowagin) a connu à partir du XVIIème siècle, un autre style plus ferme adapté aux scènes d’héroïsme. La servitude étroite de la prononciation d’une langue archaïsante modifie considérablement l’énonciation des sons, basés sur une gamme de septième mineure et sur une mesure à huit temps.
Art synthétique, exercice esthétique plus encore que représentation musicale et théâtrale, le Nô est pour les Japonais l’oeuvre dramatique globale, la synthèse des arts de la scène, du concert et du chant. Pour l’étranger, l’importance de la déclamation, les libertés tonales, les trilles et les portamenti, le son inattendu des voix accentuent le caractère d’étrangeté d’une performance dont le sérieux hiératique force le respect, et l’admiration.
Pour le théâtre Nô japonais, le rôle principal (waki) emploie la voix pharyngée. Dans le théâtre de marionnettes Bunraku, le récitant, appelé gidayu, pratique une technique vocale particulière allant de la voix de gorge à la voix nasale jusqu’à la voix de tête. Le chanteur, en même temps l’acteur, se livre à une véritable gymnastique d’expression faciale (des grimaces qui font travailler tous les résonateurs faciaux : sinus, fosses nasales, cavité buccale), vocale (avec déplacements des registres divers : voix thoracique, pharyngée, laryngée, nasale, cervicale), et corporelle. Le joueur de luth shamisen lui sert de guide et assure le rapport précis de la musique aux mouvements des marionnettes.

b) Techniques vocales liées aux diverses parties du corps humain

Au Vietnam, la technique vocale du vibrato appelée dô hôt (laisser tomber les graines de perles sur le cristal), est comparable au tahrir iranien ou au tana indien. Des techniques vocales liées à de diverses parties du corps. Par exemple, certains rôles privilégient des modes d’articulation sur d’autres. Les sons du nez (giong mui) et les sons du cerveau (giong oc) sont très importants pour les rôles des visages peints. Le son de la gorge (giong hâu) est produit par l’échappement de l’air par la bouche et par la résonance de la poitrine. Les acteurs/chanteurs du théâtre traditionnel vietnamien travaillent intensément l’attaque des phrases musicales et celle des sons. La décomposition des mots, aussi bien que la prononciation des paroles marquent le cachet de l’acteur au chant. L’attaque directe de certains mots sans fioritures vocales exprime le caractère émotionnel qui précède une phrase musicale plus solennelle. Sur des voyelles I long, ou sur des syllabes nasalisées telles que NGA, NGON, NGHI, NGHE, NGOI, NHA, NHO NHUNG, etc., le chanteur, selon le rôle, utilise des ornements spécifiques pour exprimer un certain sentiment suivant le motif mélodique. L’emploi des syllabes ajoutées, avec ou sans signification, constitue l’art de moduler le dessin mélodico-rythmique pour rendre la situation en question plus dramatique ou joyeuse.
Le vibrato pourrait être grand, ample pour les phrases mélismatiques produisant un effet ondulatoire espacé, ou petit et discret pour les moments douloureux, hystériques et angoissants selon les circonstances. La maîtrise vocale, aussi bien que le contrôle absolu de certaines parties de l’appareil phonatoire (les mouvements du pharynx et de la luette).
Pour produire un son nasal, il faut baisser le dos de la base de la langue en prononçant la syllabe NGO en la décomposant en deux parties : ONG et O. Si on les prononce rapidement et les répète plusieurs fois, on obtient ainsi un son très nasalisé. Une fois réussi, on peut prononcer les autres mots comme NO, MO, CO, NHO, NGO sans problème. L’abaissement du voile du palais qui laisse passer une partie de l’air expiré par les fosses nasales permet la réalisation des sons nasalisés des mots produits avec la résonance des cavités pharyngale, buccale et labiale. Il existe une grande quantité de nasalisation par les consonnes ou les voyelles, par les mots composés d’une ou plusieurs consonnes nasales. Selon que les mots sont récités, déclamés, ou chantés, les syllabes ou mots ajoutés sont mis en valeur.
La couleur nasale demande une technique vocale bien appropriée, difficile même pour les professionnels qui parfois n’arrivent pas à parfaire la combinaison des sons. Les mots LINH, NINH, SINH, KINH, MINH, NGHINH sont très nasalisés.
Dans le théâtre Nô, selon Zeami, il y a deux sortes de voix : voix horizontale et voix verticale, autrement dit, voix expirée et voix inspirée. L’emploi de la cavité du pharynx est plus fréquent avec le menton tiré vers l’intérieur. La cavité nasale est utilisée pour les consonnes nasales telles que N, M, GN, NG. La voix pharyngée n’a pas un pouvoir acoustique important, mais elle est l’élément essentiel du théâtre Nô. Néanmoins c’est un type de voix lié à des moments dramatiques. La voix ondulée grâce à des vibratos lents et larges mais irréguliers donne un caractère tout à fait spécifique du Nô. Un son est très souvent attaqué à partir d’un glissando ascendant. Dans l’art vocal japonais, c’est toujours l’homme qui crée les techniques vocales (dans les récitations bouddhiques shomyo par les bonzes, ou dans les récits épiques heikyoku par les moines aveugles). La voix masquée se travaille avec ou sans masque pour montrer l’expression naturelle. Le chanteur-acteur cherche à modifier les mots japonais pour créer des timbres inhabituels, souvent dans le grave afin de donner un caractère calme, irréel, et statique à telle ou telle situation. Cette sensation est voulue pour les acteurs aussi bien que pour les spectateurs.
Dans le Nô moderne, on remarque deux catégories de chant : chant fort (tsuyogin) obtenu par l’articulation explosive, séparée et martelée des syllabes, et chant doux (yowagin) caractérisé par l’enchaînement successif des syllabes.
Les caractéristiques de la musique du Nô se reflètent dans l’emploi des interjections vocales émises par les joueurs de tambours o-tsuzumi et ko-tsuzumi avant ou après les frappes. Ce sont des cris gutturaux, exprimant la détresse, la joie, la souffrance, la douleur. Ils font partie intégrante de la musique du Nô.
Le joueur de ko-tsuzumi (petit tambour d’épaule à tension variable) aussi bien que le joueur de o-tsuzumi (grand tambour de hanche), et le joueur de taiko (grand tambour à battes) poussent des interjections : Ya, Ha, Iya, Han, Hon mais avec des prononciations variables selon les différentes formules rythmiques, ou des situations tragiques ou joyeuses dans la pièce jouée.
Le son du cerveau (giong oc) dans le théâtre traditionnel vietnamien est très proche du son naohou yin (le son à l’arrière du cerveau) du théâtre chinois. Ce son là est utilisé dans le registre aigu. Pour la mélodie, le larynx doit rester stable. Après l’ouverture du pharynx, on lève le voile du palais pour faire pénétrer le son dans le sinus de la tête. Dans le théâtre, cette technique de chant est fortement appliquée aux syllabes terminées par I comme I, BI, CHI, DI, NHI, NGHI, MI, KHI. Dans la tête, il existe des cavités multiples : buccale, nasale, sinus maxillaire, sinus frontal. Quelquefois, deux acteurs chantent la même phrase pour le même rôle, mais interprètent différemment, car ils n’exploitent pas de la même manière les cavités faciales, ce qui ne donne pas la même voix, la même couleur vocale.
Le son du foie (giong gan) s’entend au cours des moments les plus tragiques. Un général, trahi par un traître, est mortellement blessé. Avant de mourir, il chante pour exprimer sa colère, son désappointement en utilisant le son du foie avec un vibrato haché sur des attaques sonores irrégulières. La bouche est fermée, les dents serrées pendant le chant.
Il existe encore des techniques vocales comme le son ventral (giong bung) exprimant la douleur.
Certaines techniques vocales sont liées aux animaux : voix de canard (giong vit duc) pour une voix grave et un peu laide, voix de poule (giong gà mai) pour une voix d’homme qui se transforme en une voix claire, féminine.
En Corée, la voix rauque suri-song, la “voix cassée”, la “voix de cloche”, la “voix relaxée”, et la “voix au grand vibrato” telles qu’elles se pratiquent dans le chant du théâtre populaire pansori.

Le spectacle en Extrême Orient est une oeuvre d’art, une série de tableaux mouvants figés en l’espace de quelques secondes au moment des poses statiques. Il offre aux spectateurs une harmonie d’effets visuels et auditifs, et le spectateur qui va au théâtre ne cherche pas à y retrouver les scènes de la vie de tous les jours, mais une évasion dans un monde qui ne soit limité ni par le temps ni par l’espace, un monde où la beauté des paroles, de la voix, des gestes et des poses est recherchée dans ses moindres détails.

© Trân Quang Hai (Ethnomusicologue du CNRS)
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