Le hard-bop (1955-60)
octobre 15, 2018
Au milieu des années 50, en réaction contre le cool, se lève une nouvelle génération de musiciens noirs décidés à laver le jazz de toute intellectualité et à prêcher un retour aux racines nègres du jazz : le blues, le gospel song et les chants de travail. On appela cette variante musclée du bop « hard bop » (ou bop « dur »), mais aussi « jazz funky » (littéralement « sale », « puant »). Cette musique fervente et passionnée fait très vite la conquête d’un vaste public. Surtout illustré en quintette, le hard bop est mis en valeur par les formations de Max Roach, Sonny Rollins, Art Blakey, Horace Silver et Cannonball Adderley. Afin de revitaliser, de viriliser le jazz, celui-ci voit un retour à l’expressionnisme.
Les musiciens de la côte Est des États-Unis, en particulier à New York, se firent les défenseurs d’un be-bop toujours aussi virtuose, aux rythmes violents et rapides, aux trames harmoniques parfois simplifiées et gorgées de blues et de gospel : le hard-bop. Parmi les principaux représentants du hard-bop figurent le trompettiste Clifford Brown, le batteur Art Blakey, fondateur, en 1955, des Jazz Messengers, et le saxophoniste ténor Sonny Rollins. Le jazz soul ou churchy, mêlant hard-bop et rhythm and blues ou jazz latin, et représenté notamment par le pianiste Horace Silver, le saxophoniste alto Cannonball Adderley et son frère, le cornettiste Nat Adderley, dérive également du style de Parker.
Le hard-bop existe aussi parce que certains musiciens étaient comparables, en virtuosité, à Parker et Gillespie. Les musiciens ont énormément gagné en assurance, en technique instrumentale et jouaient donc dans la dynamique régulière du bop mais de façon plus « tranchante ». Quelqu’un inventa le terme de hard-bop, en hommage peut-être à l’accompagnement déclamatoire du batteur vedette Art Blakey (mais le terme « jazz plus facile » aurait pu convenir tout aussi bien).
Le style : mélodiquement et harmoniquement, la plupart des thèmes sont « blusifiés » (retour au accords de pseudo-dominante sur la tonique et la sous-dominante) ou « gospelisés » (retour aux formules plagales de type enchaînement sous-dominante / tonique – exemple : réponses harmoniques dans Moanin’ de Bobby Timmons). Ces progressions simples sont souvent mêlées aux structures harmoniques du bebop (comme dans le pont du même Moanin’). Autre caractéristique : les éléments du blues et du gospel se trouvent intégrés très souvent et avec bonheur dans des thèmes en mineur (emploi intensif de la 3ème blue note : le 5te diminuée). Exemple : « Dat Dere » de Timmons (1960). Les sections rythmiques sont plus homogènes et plus souples que dans les débuts du bebop, privilégiant la rigueur du tempo sans brider l’invention. Dans le hard-bop beaucoup de choses sont prévues dans les improvisations.
On parle aussi de jazz funky ou East Coast Jazz, Postbop. En réponse à cette « récupération » par les Blancs, les musiciens noirs remettent au goût du jour certaines accentuations héritées du blues ou du gospel, si bien que l'on parlera même de jazz soul vers 1960, à l'époque du grand retour aux racines.
La vitalité du be-bop trouve un second souffle vers le milieu des années 50 avec le style hard-bop. Imprégné par l'esprit du blues et de la soul music, le hard bop est une musique noire, jouée par des musiciens venant plutôt de la côte Est et de villes comme Detroit, Philadelphie ou New York. On trouve le quintet Max Roach - Clifford Brown ; les formations du pianiste Horace Silver ; les Jazz Messengers du batteur Art Blakey ; le quintet de Miles Davis avec les saxophonistes Cannonball Adderley et John Coltrane, et le bassiste Paul Chambers ; les solistes saxophonistes Sonny Rollins, Benny Golson, Johnny Griffin ; le guitariste Wes Montgomery ; le batteur Roy Haynes.
Dans les années 60, l’émergence de nouvelles conceptions est souvent liée à une personnalité musicale. Le contrebassiste et compositeur Charlie Mingus intègre dans ses Jazz Workshops un esprit d'aventure et de recherche enraciné dans la musique noire ; il aura une considérable influence. Le jazz modal fait son apparition avec les groupes de Miles Davis et surtout avec le ténor John Coltrane au sein d'un légendaire quartet comprenant le pianiste McCoy Tyner et le batteur Elvin Jones. Le pianiste Bill Evans ouvre ses mondes intérieurs teintés de lyrisme. Après avoir fait leurs classes auprès d'aînés comme Blakey ou Silver, une vague de jeunes musiciens explorent de nouvelles matières (comme les saxophonistes ténor Wayne Shorter et Joe Henderson ; les trompettistes Woody Shaw et Freddie Hubbard).